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La monographie de 1887 d'Esparros
Hautes-Pyrénées
département 65.

(ADHP - Monographie établie en 1887)



Sceau
00036426
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Livre écrit à la plume
I


La commune d'Esparros se trouve au bas de la première chaîne des Pyrénées et dans la partie supérieure du bassin de l'Arros, une petite rivière qui d'abord profondément encaissée, voit insensiblement son horizon s'élargir et va se jeter dans l'Adour après un assez long trajet dans le département du Gers.

Elle est située au Sud-Ouest de Labarthe-de-Neste, son chef-lieu de canton, dont elle est séparée par une distance de douze kilomètres, et à l'Est de Bagnères-de-Bigorre, son chef-lieu d'arrondissement : jusqu'à cette dernière ville, elle compte vingt-six kilomètres ; elle en compte quarante-deux jusqu'à Tarbes qui est le chef-lieu du département.

Son territoire comprend trois mille deux cent cinquante neuf hectares trente-un ares cinquante centiares. Il est borné par les territoires d'Avezac-Prat, Labastide, Hèches, Beyrede, Campan, Banios, Asque, Arrodets, Laborde et Lomné ; mais ajoutons vite que cette immense étendue comprend, dans la partie montagneuse, de vastes possessions indivises correspondant à trois communes du voisinage qui formaient autrefois, avec celle qui nous occupe, la Barronnie d'Esparros dont nous aurons l'occasion de dire quelques mots.

Le pays appartient à la zone profondément tourmentée qui sert de base aux Pyrénées. Aussi dans la partie habitée, pas de plaine proprement dite, mais une série de mamelons gracieux et de vallons parfaitement cultivés, et tout à fait au bas des premières montagnes, une assez vaste surface composée de terrains d'alluvions qui repose agréablement l'œil et fait, avec la nature qui l'environne un contraste pittoresque.

Ici se dessinent deux cours d'eau : le plus important prend sa source à l'Est dans les dépendances de Labastide, une commune dont le territoire forme un véritable entonnoir et vient jaillir, après avoir disparu dans cet entonnoir et vient longuement cheminé sous des coteaux élevés à côté du village même d'Esparros où on le salue du joli nom d'Ayguette. L'autre, dit le ruisseau de la Pène, descend en ligne directe de la montagne, et ses eaux rapides, claires et fraîches qui, parfois, pendant les trop fortes pluies, grossissent à vue d'œil et quittent leurs bords au détriment des prairies voisines, viennent s'y perdre.

Mais si le ruisseau de la Pène disparaît presque à sa naissance, la petite rivière qui le reçoit n'est guère plus favorisée. Deux kilomètres la séparent à peine de l'Arros où elle va perdre aves ses eaux le nom gracieux qu'elle porte.

C'est dans le territoire même d'Esparros et sur le versant méridional des premières montagnes que l'Arros prend sa source. Il contourne ces montagnes et s'échappe entre Arrrodets et Bulan par des pentes rapides.

Le petit monde que nous venons d'esquisser en quelques lignes ne jouit pas d'un horizon bien étendu, séparé par des coteaux du bassin de la Neste qui s'étend vers l'Est. Il est borné du côté du Nord par des sommets élevés, et du côté de l'Ouest par une série de contreforts dont le dernier, qui est en même temps le plus élevé, domine Bagnères et la vallée de l'Adour.

Par sa situation même à l'abri des vents forts et des violentes bourraques, il jouit d'une température exceptionnellement douce que son altitude variant de quatre cent soixante six mètres et cinq cent trente mètres explique suffisamment.

Esparros ne possède ni sources thermales ni curiosités bien remarquables. Les étrangers, cependant, viennent de Capvern et de Bagnères-de-Bigorre admirer ses sites pittoresques et visiter une grotte située près du village et tout à côté du canal souterrrain de l'Ayguette. L'accès en est facile, mais à l'intérieur, le passage se retrécit et n'est plus de temps en temps qu'un boyau resserré dont on se dégage avec peine.On ne trouve ni stalactites ni stalagmites, les parois sont seulement recouvertes d'une espèce d'écailles luisantes, provenant selon toute apparence de dépôts que les eaux dans leur trajet laissaient là quand elles s'écoulaient par cette issue, car, il est à supposer que l'Ayguette avait autrefois son cours par cette voie naturelle ou que son volume, au moins pendant les fortes crues, se dégageait à la fois par les deux ouvertures.

Les montagnes d'Esparros dont certaines ont une élévation de mille sept cents mètres sont formées de roches calcaires, mais on trouve au bas de la première chaîne et sur quelques autres points, le terrain shisteux. Le terrain du côté d'Avezac-Prat, par exemple, continue le coteau qui sépare Esparros de Labastide fermant ainsi la seule brèche ouverte sur le plateau de Lannemezan, formé en grande partie de sable et de cailloux roulés.

II


La population d'Esparros, qui n'est aujourd'hui de sept cent treize, s'élevait au chiffre de sept cent soixante dix en 1876. Cette différence qui tend de plus en plus à s'accuser, est l'indice d'un état de gène et de souffrance qu'on espère atténuer en se portant sur les villes. A défaut d'industrie, la culture est, en effet, la principale ressource du pays, ressource aléatoire depuis plusieurs années et qui ne saurait d'ailleurs suffire aux besoins de tous. Ce sont surtout les jeunes gens et les jeunes filles qui vont chercher au dehors, sinon le bien-être, du moins le nécessaire qui fait défaut chez eux.

 

désignation
des quartiers ou hameaux
Nombre de feux Population
Village
54
173
Coste-Castet
12
34
Ariures-Artiguevère
8
32
Col de Sirés
10
34
Mome
12
47
Lataillade
12
61
Bioussa
13
45
Pé du Cantet
9
32
Aragnouet
9
41
Lasbats
7
28
Artigavie
14
60
Montagne
20
76
TOTAUX.
---------
187
.
---------
713

La population que nous venons d'indiquer comporte un conseil municipal de douze membres. Elle possède un maire et un seul adjoint.

Nous avons dit que le territoire d'Esparros possédait une étendue considérable de montagnes : deux de ces montagnes appartiennent à un groupe de propriétaires et sont administrées par un syndicat qui se renouvelle tous les ans ; les autres indivises depuis un temps immémorial entre les communes d'Esparros, Labastide, Laborde et Arrodets, sont également gérées par un syndicat, mais celui-ci nommé pour quatre ans par les conseils municipaux de ces communes.

La commune possède un curé, un instituteur et une institutrice.

Elle dépend de la perception de Lomné et du bureau de poste du même lieu. Les bureaux télégraphiques les plus rapprochés sont ceux de Labarthe-de-Neste et de Capvern.

La valeur du centime est de 18f40.

Les revenus ordinaires s'élèvent à 548 f.

III


La partie cultivée du territoire d'Esparros donne en abondance le froment, la maïs et la pomme-de-terre. Elle fournit en outre le millet, le sarrasin, l'avoine et du lin de qualité supérieure. La bonté du sol et les progrès réalisés dans la culture ne sauraient cependant suppléer à l'étendue, et le pays est loin de trouver chez lui les produits nécessaires à son alimentation. Mais cette infériorité se trouve, en temps ordinaire, largement compensée par l'élevage, car sur les montagnes se trouvent de vastes pacages qui se prêtent admirablement à cette industrie.

Ces montagnes offrent, en même temps que des parties fréquentées par les troupeaux, d'immenses forêts de sapins et de hêtres. Le sapin n'est guère employé que pour les constructions. Le hêtre sert au chauffage et quand sa dimension le permet, à confectionner des sabots qui trouvent dans les villes voisines leur écoulement.

Dans certains cantonnements, on trouve également le buis. Ce bois excessivement dur est exporté pour la tournerie ou est converti en charbon.

Prétendre que les montagnes dont il s'agit sont soigneusement administrées par des syndicats serait trop dire, mais elles représentent trop d'intérêts pour que le pays consente jamais à les soumettre au régime de l'administration des forêts.

La vigne n'a jamais été cultivée dans le pays. Dans les jardins et les vergers, on trouve cependant pour les besoins de la table quelques plants cultivés en hautains ; malheureusement, ce plants qui réussissaient bien autrefois, sont atteints depuis plusieurs années, non pas du phylloxéra mais de l'oïdium.

Nous avons parlé d'élevage.

Les bêtes à corne et les bêtes à laine sont les produits en faveur et c'est là surtout que s'excerce la spéculation. La chèvre se rencontre cependant dans le voisinage de la montagne. C'est un animal qui vit de peu et donne, en même temps, un lait très abondant, ce qui constitue pour les pauvres ménages une ressource inestimable. Quelques propriétaires s'adonnent même à l'élevage du cheval et de la mule, de la mule surtout parce qu'il y a moins de risques à courir et qu'on s'en débarrasse faciement dans les relations d'affaires qu'on possède avec l'Espagne.

Comme nous l'avons déjà dit, les pacages situés dans les montagnes semblent indiquer au pays la source de revenus qu'il exploite. Leur réputation se trouve si bien établie que les éleveurs des communes éloignées y afferment leurs produits pour la belle saison, c'est-à-dire pour une période de l'apparition des neiges.

Les bêtes à laine, moutons et brebis, vont par troupeaux, chacun avec son berger flanqué lui-même d'un chien de montagne, compagnon fidèle et courageux, la terreur des loups quand ces hôtes incommodes, qui depuis un certain nombre d'années ont totalement disparu de ces régions, se permettaient quelque incursion dans leur domaine. Quant aux bêtes à corne, quant aux chevaux et aux juments poulinières, c'est à ciel ouvert et au gré de leur fataisie qu'ils passent les cinq à six mois de l'année qui constituent leur villégiature, ne relevant que d'un gardien qui les voit de temps en temps et visités par leurs propriétaires lorsqu'ils tiennent à se rendre compte par eux-mêmes de leur état.

Le pays est giboyeux. On y trouve le lièvre, le lapin, la perdrix et la bécasse et en octobre et novembre qui est l'époque de leur passage, la palombe et le ramier.

Les deux ruisseaux que nous avons mentionnés possédaient autrefois en abondance la truite et l'anguille. Des empoisonnements périodiques rendent maintenant ces poissons assez rares, et c'est dommage car la truite d'Esparros était très estimée.

On montre sur les montagnes des mines de fer.

Elles étaient exploitées en 1664 par les soins de Messire de Larroche de Bourbon, comte de Lavedan, seigneur Baron d'Esparros qui possédait une forge à leur usage.

Il est probable que l'exploitation cessa peu d'années après, car dans les pièces d'un long procès qu'entreprirent pour raison de bornage contre la commune de Hèches et le Marquis d'Ossun les quatre communes de la Baronnie, ces mines sont mentionnées comme n'étant plus en activité. Tout porte à croire qu'elles furent délaissées pour des raisons particulières et qu'elles ne sont pas épuisées.

Le territoire d'Esparros possède aussi des carrières de marbre et des carrières d'ardoise. Nous citerons même une carrière de tuf, pierre calcaire poreuse, aussi dure que légère dont on s'est servi pour construire la voûte de l'église des Carmes de Bagnères.

Le défaut d'initiative et l'isolement dans lequel se trouve le pays font que ces ressources demeurent inexploitées.

On trouve à Esparros quatre moulins et deux scieries.

Une voie de grande communication n°26 met Esparros en rapport avec la Neste, Bagnères et Tarbes ; elle a été construite de 1842 à 1845.

Une seconde voie n°10 va d'Esparros au département du Gers ; elle a été ouverte en 1850.

En outre, un chemin d'intérêt commun n°62 construit en 1869, relie cette localité à La Barthe et Lannemezan. Disons que Lannemezan se trouve sur la voie ferrée de Toulouse à Tarbes, et que sa gare et celle de Capvern située sur la même ligne, sont les plus rapprochées. La dernière possède, depuis quelque temps, un service de poste qu'on peut utiliser pour se rendre au chef-lieu du département.

Il n'y a dans l'endroit ni foire ni marché, mais on suit assidûment pour la vente des bestiaux les marchés de Lannemezan, quelquefois malgré la distance les marchés de Montréjeau pour la vente des animaux gras. Les sabots fabriqués sont également dirigés sur ces deux villes.

C'est sans difficulté que le pays a renoncé aux anciennes mesures, dans les transactions, il ne fait usage depuis longtemps que des mesures métriques.

IV


Il n'est pas difficile quand on se laisse guider par un certain rapprochement de consonnances d'établir des étymologies où d'ordinaire le bon sens et l'érudition n'ont rien à voir.

Ici, nous rappellerons que l'Arros prend sa source dans le territoire de la commune et que ce nom paraît tout entier dans celui d'Esparros, de même qu'on le retrouve dans celui d'Arrodets, petite commune sise non loin de Laborde qui nous avoisine, au bas de la montagne et tout à fait aussi sur le bord de la rivière dont il s'agit.

L'Arros n'aurait il pas lui-même une racine grecque ? Nous inclinons à le croire.

Quant à la préposition qui précède ce nom dans Esparros et qui le termine dans Arrodets ne serait-elle pas là, tout simplement, pour établir une situation relative à la rivière et, par le changement de place qu'elle affecte, pour établir même une différence entre les deux localités ?

Ceci semble indiquer pour Esparros une origine des plus anciennes, et il n'y a rien de prétentieux dans cette supposition, car les Grecs ont visité les Pyrénées dès les temps les plus reculés, y laissant des traces que l'occupation romaine et les diverses péripéties qui le suivirent ne purent complétement effacer.

Quelques rares documents conservés dans les archives d'Esparros nous permettent de saisir à une époque fort reculé certains vestiges de la vie municipale.

Seulement, l'existence locale s'effaçant pour ainsi dire devant les intérêts multiples qui groupaient les quatre communes de la Baronnie, c'est autant les communes de Labastide, Laborde et Arrodets que la commune d'Esparros elle-même, siège de cette Baronnie, que ces divers documents intéressent.

Dans un titre passé le 16 mars 1336 à Mirande entre Géraud, chevalier, seigneur Baron d'Esparros et deux délégués de la Baronnie, ces derniers nommés Pierre Duthu et Mathieu Lorca, le premier du lieu d'Esparros et le second du lieu de Laborde sont qualifiés de syndics de la Baronnie et déclarés munis de pleins pouvoirs donnés par leurs compatriotes.

Il est évident quoique les documents nous fassent défaut pour une longue période que les consuls existaient à cette époque. Quand l'organisation municipale était en pleine prospérité dans le midi, les communautés de la Baronnie qui avaient constamment des démêlés avec leurs seigneurs, ne pouvaient être privés d'une représentation de cette nature. Mais en nommant des consuls, les habitants de ce pays n'abdiquaient pas.

Quand le vicomte de Larroche en 1503 est mis en possession des biens qui lui reviennent et parmi lesquels la Baronnie d'Esparros est comprise, un procureur du vicomte ayant pris pocession du château déclare que son maître jouira de tous les droits, profits et revenus de ladite Baronnie et prête aux consuls et habitants d'Esparros, Laborde, Labastide et Arrodets qui étaient là, le serment de garder et défendre les dits consuls et habitants, et aussi de les maintenir dans leurs droits et privilèges moyennant que les consuls et habitants prêtent de leur côté le serment de fidélité. Les habitants interviennent toujours, où sont les consuls, ils y sont aussi, rien ne se fait sans eux.

Une transaction de l'an 1664, passée entre Messire de Laroche de Bourbon et les communes en question, mentionne les consuls de chaque commune et un certain nombre d'habitants parmi beaucoup d'autres présents "faisant tous la plus grande et saine partie des habitants des dits lieux."

La Baronnie d'Esparros, dit une requête des consuls, manants et habitants de la communauté de Laborde ayant pour objet la réformation du rôle des tailles, requête sans date, mais qui par les renseignements qu'elle contient, semble être classée dans le voisinage de 1750. La Baronnie d'Esparros est, disons-nous, composée de quatre paroisses, savoir : Labastide, Esparros, Laborde et Arrodets qui ne font qu'une et même communauté "à cette clause près que chacun des dits lieux a ses consuls et ses collecteurs de tailles et autres impositions."

Les habitants des quatre paroisses pour délibérer sur les affaires qui leur étaient communes se réunissaient toujours au lieu d'Esparros. Dans une de ces réunions tenues le 28 mai 1752, ils s'occupent d'une façon particulière des coutumes locales. Ils nous apprennent que par une délibération du 25 juillet 1560 il avait été "fait différents statuts popur entretenir le bon ordre dans les communautés de la façon d'user de leurs biens communs" qu'il avait été fait aussi par le juge ordinaire de ces communautés en l'année 1610 des réglements ayant pour objet "la juridiction des consuls, les droits du greffier, du procureur juriditionnel et autres matières concernant la procédure que ces sages précautions des auteurs ont été très avantageuses au public et aux particuliers et que pour les rendre plus authentiques, il convient malgré l'exécution qu'ils en ont eu, de faire confirmer ces statuts par la souveraine cour du parlement de Toulouse." En conséquence, ils prennent pour leur syndic et sur l'heure même, les sieurs Pierre Duthu du lieu de Labastide et Pierre Laspalles Mote du lieu de Laborde et leur donnent par acte notarié tous pouvoirs d'agir auprès du Parlement pour faire homologuer les dits statuts et les faire déclarer communs à toutes les communautés de la Baronnie.

Les syndics prirent-ils à cœur leur mission ? C'est probable. Seulement des coutumes et règlements dont il s'agit, pas une copie n'est restée, que nous sachions.

Mais par ces renseignements, ne conçoit-on pas suffisamment la vie municipale de cette époque ? En dehors des relations obligées avec les seigneurs de la Baronnie, relations ou l'on trouve toujours à côté des obligations consenties une grande liberté d'allures, n'est-ce pas, en quelque sorte, la mise en œuvre du régime populaire, et en petit, presque une espèce de république ?

Il est évident que ce pays où tout parle aux yeux et à l'imagination possédait autrefois des traditions et des légendes ; mais en se mêlant au mouvement général, il a cessé d'avoir pour son histoire locale ce que nous pourrions appeler le culte de ses ancêtres et, maintenant, c'est en vain qu'on ferait appel au souvenir de ses habitants les plus âgégés.

Au sujet cependant d'une ceraine étendue de terrain située non loin du ruisseau de la Pène et tout près de la montagne, terrain qui dépendait, il y a cinquante ans encore du domaine communal et constituait un pacage pour les troupeaux, rappelons une particularité que M. Bascle de Lagrèze a recueillie lui-même et consignée dans l'Histoire religieuse de la Bigorre.

Il y avait là même, à cette époque, paraît-il, une grande pierre suivie de plusieurs autres pierres plus petites placées en droite ligne, autour desquelles avait toujours plané comme une crainte mystérieuse d'où serait venu le nom de Prade det méchant Pastou. N'avait-on pas dans ces vestiges les traces de quelque monument druidique, et dans le paysage ému qui les enveloppait comme un témoin vieilli des sanglants sacrifices commandés par la religion des druides ?

Le langage employé dans le pays est le patois, mais un patois qui diffère en quelque chose de commune à commune et par là même semble, prendre selon les lieux et les personnes une apparence propre et presque originale.

Le patois d'Esparros a de grands rapports avec le patois béarnais. Pas de consonnances qui choquent l'oreille, mais une répétition de voyelles formant très souvent diphthongue et des élisions soigneusement pratiquées. Avec cela de la force et de l'ampleur.

Mais l'âge d'or des Noëls et des chants populaires est passé depuis longtemps, et dans les chants fantaisistes qu'on entend quelquefois dans le silence du soir, absolument rien qui les rappelle. On dirait même, si le vieux langage des ancêtres sert encore dans les relations, que c'est pour montrer qu'il perd chaque jour quelque chose de lui-même en contact de plus en plus fréquent de la langue française.

Les habitants de la commune sont tous catholiques.

Doués d'un caractère affable, et, en même temps d'une certaine finesse, ils sont essentiellement hospitaliers. Leurs vêtements, faits autrefois de la laine de leurs brebis, sont simples ; leur alimentation frugale et sobre.

Esparros, en fait de monuments, n'offre absolument rien qui soit vraiment digne de ce nom.

Cependant, puisque nous avons esquissé quelques fragments de son histoire, c'est pour un devoir de signaler dans le village même, une vieille construction sise dans un enclos entouré de murs et qui passe pour avoir, à une époque reculée, fait partie du domaine seigneurial, et, sur une hauteur avoisinant le quartier dit du château des ruines portant l'empreninte féodale.

Est-ce dans la vieille construction du village que le procureur du sire de Lautrec reçut le serment dont nous avons parlé ? C'est probable, car en 1503, les seigneurs de la Baronnie n'avaient plus la résidence ordinaire dans leurs terres et se contentaient selon toute vraisemblace d'y posséder pour eux ou pour leurs procureurs, à la place du château féodal dont l'entretien eut été fort couteux, un simple pied à terre. D'ailleurs à cette époque, soit qu'il eut subi l'action lente du temps ou le choc désastreux des invasions et des guerres, ce château porbablement n'existait déjà plus.

Il était situé comme un nid d'aigle sur un sommet nommé Barry, qui fait face aux montagnes, et dominait le territoire de la Baronnie, et, vers l'Ouest, les divers mamelons qui s'étendent vers Bagnères ; il avait, en même temps, la vue sur Cieutat, qui passe pour avoir été la capitale du Bigorre, et sur Mauvezin, place forte qui a joué son rôle dans les guerres du midi. Sur deux côtés, il avait pour assises des rochers à pic ; ce n'est que du côté de l'Est qu'il communiquait avec le dehors.

Il ne reste aujourd'hui que quelques traces de murs qui indiquent seulement les proportions et les raccordements de l'édifice ; les débris, reconnaissables au ciment dont ils portent parfois la trace, ont servi successivement à construire les murs nombreux et les maisons qui s'élèvent dans le voisinage.

Quoiqu'il en soit, la trace de ses premiers maîtres s'efface à peu près à la même époque.

Certains d'entre eux sont mentionnés dans l'histoire de la Gascogne ; voici leurs noms avec les faits auxquels ils se rattachent dans l'ordre chronologique.

En 1096, Bernard Raymond d'Esparros, assiste avec ses enfants à la dédicace à St Pierre et à St Paul de l'église de Saint Pé de Générest, dans la Bigorre.

En 1194, Raymond Bernard d'Esparros consacre son fils Bernard à la bienheureuse Vierge Marie de l'Escaladieu et fait donation au monastère de ses droits sur Mazerolles.

Le 25 avril 1266, Sans Aner d'Esparros figure comme témoin dans un accord intéressant l'abbé Paget et le comte d'Astarac.

En 1307, dans l'Armagnac, au sujet de certains différents qui s'élèvent entre les habitants de Marciac et les seigneurs de Gourdon et de Juillac, nous trouvons un Géraud d'Esparros, seigneur de ce dernier lieu.

C'est évidemment ce même Géraud d'Esparros qu'à propos d'affaires de montagnes, deux syndics de la Baronnie allèrent trouver à Mirande en 1336, comme nous l'avons dit plus haut.

Mais ici, la ligne directe n'a plus de représentant mâle ; une fille, Béatrix, va, par son mariage, donner de nouveaux maîtres à la Baronnie. Nous voyons en effet, en 1350 qu'Arnaud III, vicomte de Lavedan et de Castelloubon, fait l'aquisition, sous la tutelle de sa mère Béatrix héritière d'Esparros, de la terre de Siarrouy.

Si le nom d'Esparros s'éteint dans le comté de Bigorre, il persiste encore dans l'Armagnac.

En 1376, Monet et Guiraud sont mentionnés dans une revue passée par le comte de Foix.

En 1424, Bernard d'Esparros, seigneur de St Christan, figure dans une assemblée de la noblesse tenue dans le Pardiac pour y prêter foi et hommage à Bernard d'Armagnac et y recevoir en même temps son serment de respecter les privilèges obtenus de ses devanciers.

D'Esparros est enfin cité dans une revue d'hommes d'armes passée le 28 juillet 1521 à Castres.

Nous avons vue en 1350 la baronnie d'Esparros passer avec Béatrix dans la maison de Lavedan ; voici que nous la voyons relever plus tard des comtes de Foix, et de la couronne de Navarre pour passer bientôt en d'autres mains. Nous ne la suivrons pas dans ces vicissitudes, les documents et les dates précises nous manquent d'ailleurs pour ce travail.

Les pièces conservées dans les archives communales ont en partie rapport à deux procès soutenus entre les habitants de Hèches et le marquis d'Ossun, seigneur baron du dit lieu, d'une part, et d'autre part, entre la communauté de Bulan.

Le premier de ces procès eut pour origine au commencement du dix-septième siècle des contestations relatives aux limites des montagnes de Hèches et d'Esparros ; le second prit jour au milieu des contestations incessantes survenues dès le milieu du seizième siècle au sujet de certains droits d'usage accordés sur les montagnes de la Baronnie par Gaston de Foix à la communauté de Bulan.

Les autres pièces complètement étrangères à ces débats, nous les avons à peu près analysées.

Elles établissent plutôt les mœurs administratives antérieures à la Révolution que l'histoire locale elle-même.

Nous devons cependant mentionner un vieux cadastre, établi dans le courant du dix-huitième siècle. Ce monument qui transporte pour ainsi dire en plein dix-neuvième siècle un monde depuis longtemps disparu fut clos le 3Novembre 1774 à Montauban, c'est-à-dire coté, visé et rendu excécutoire.



Annexe IV : Enseignement


Les documents existant dans les archives municipales nous permettent à peine d'effleurer l'histoire de l'enseignement.

Pour ce qui précède la Révolution, par exemple, c'est la nuit obscure. Cependant par déduction nous pouvons augurer des signatures apposées au bas des délibérations remontant à cette époque, délibérations auxquelles prenaient volontairement part un grand nombre d'habitants, que la plupart de ces habitants savaient signer et qu'une école existait certainement à cette époque. Mais par qui cette école était tenue et dans quelles conditions le maître était payé, ce sont des questions qu'il nous est impossible de résoudre.

Après la Révolution nous trouvons jusqu'en 1806 une lacune, mais alors nous voyons un maître officiellement installé ; c'est un nommé Menjuc, originaire de la vallée d'Aure. Il reste de longues années dans la commune, et est remplacé par M.Grenier, de Hèches, à qui succède Jean Baptiste Cardaillac installé en 1831.

Le traitement lui était fait par les enfants comme du reste de ses prédécesseurs. Son fils, reçu à l'École normale de Tarbes, le remplaça dans les mêmes conditions jusqu'en 1851.

L'immeuble servant de maison d'école appartient à la commune depuis 1838. Il offre au rez-de-chaussée une vaste salle, la salle d'école, où l'on arrive par un large corridor, et possède un premier étage formant deux chambres avec cheminées. Disons que faisant suite au corridor se trouve une prolongement contenant l'escalier et que cette partie de construction comprend un espace qui pourrait, au moins au second plan, fournir à peu de frais une chambre ou plus ou moins un local très convenable pour les archives communales, car l'immeuble en question sert en même temps de Mairie. Les réunions du conseil et des syndicats se tiennent dans la salle basse, mais de loin en loin et seulement le dimanche, ce qui se pratique sans inconvénient pour les exercices scolaires.

La salle d'école est en bon état, mais la partie affectée au logement laisse beaucoup à désirer ; signalons en même temps l'absence de préau pour les élèves. A côté de cette lacune et comme ciconstance atténuante, hâtons-nous cependant d'ajouter que l'immeuble situé au midi donne sur la place publique où, par les jours de beau temps, les enfants peuvent prendre le grand air et se distraire.

L'école des filles ne remonte qu'à 1863. Elle débuta comme école privée pour devenir communale en 1866.

N'ayant pas de local pour l'installer la commune a loué pour la somme de 85 f une maison en très bon état, donnant comme l'école des garçons sur la voie publique.

La population d'Esparros a toujours vivement ressenti le prix de l'instruction, c'est-à-dire que dans un pays où les travaux agricoles sollicitent pourtant toutes les forces, les parents savent se gêner et se priver de leurs enfants, et que l'école est par cela même assez régulièrement fréquentée.

C'est ainsi que les illettrés font complètement défaut dans le tableau des conscrits de l'année dernière et de l'année courante, et que dans le nombre des conjoints nous trouvons une femme seulement qui n'a pas su signer.

L'école va se trouver en possession d'une bibliothèque. Cette création qui datera du commencement de cette année, sera le résultat d'une souscription publique.

La partie matérielle, c'est-à-dire une armoire et un cadre vitré fort convenable, est déjà en place, et une première somme sera prochainement employée à l'achat de livres. Pour continuer ces achats, nous espérons même qu'il sera permis de réunir chaque année un supplément quelconque de cotisations.

Le traitement de l'instruction est de 1.300 f ; celui de l'institutrice de 950 francs.

Nous allons maintenant toucher un point délicat celui des améliorations.

A l'école des garçons, il faudrait d'abord des réparations pour une somme de 3 à 4000 francs.

Et puisqu'il n'y a pas d'immeuble pour l'école des filles et qu'il faudrait à cet égard se mettre en frais de construction, ce serait une dépense d'environ 7 à 8.000 francs en plus.

Mais la commune est loin de pouvoir faire un sacrifice de 10 à 12.000 francs. Depuis quelques années, en faisant appel à toutes ses ressources, elle ne joint qu'imparfaitement les deux bouts de son budget.

Cette situation ne nous semble cependant pas un obstacle absolu aux améliorations indiquées. Le gouvernement depuis une dizaine d'années a beaucoup fait pour l'enseignement ; nous espérons bien voir quelque jour se donner rendez-vous ici même sa sollicitude et sa générosité.



A Esparros le 14 Avril 1887

L'Instituteur,

Duthu.




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© Marie-Pierre MANET









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