Bien que Barbazan soit nommé "gouverneur", cette haute situation n'était pas, à ce moment de celles qu'ambitionnent d'habitude les courtisans, et Barbazan allait avoir à déployer à la fin de sa vie des qualités militaires dont il avait eu rarement l'occasion de faire preuve dans tout le cours de sa longue carrière. Les Anglais tenaient plusieurs places en Laonnois et en Champagne ; leurs armées entouraient des provinces et c'était une entreprise hasardeuse que de venir à Troyes prendre possession du gouvernement avec quatre cents hommes d'armes.Barbazan n'hésite cependant pas : il arrive à Châlons où il fait sonner le toscin et d'où il envoie dans toutes les directions des hérauts pour annoncer son arrivée et appeler les communes à la défense de la patrie. Sa réputation est telle que plus de trois mille hommes, parmi lesquels le Bourg de Vignolles, frère de la Hire, et l'élite de la chevalerie champenoise viennent se grouper autour des gascons ; c'est avec cette armée, considérable pour l'époque, que Barbazan va marcher sur Troyes.
On l'a déjà averti qu'une armée bourguignonne de huit mille hommes environ s'est retranchée sur le plateau de la Croisette, à une lieue environ à l'Est de Châlons, sur la route de Bar-Le-Duc. Cette armée marchait sur Châlons ; elle s'est arrêtée en apprenant la présence de forces françaises dans cette ville. Le prudent capitaine attend pour quitter Châlons et se hasarder en plaine d'être plus exactement renseigné sur la position de l'ennemi ; dans ce but, il envoie de nombreuses reconnaissances vers Bar-Le-Duc, procédé de guerre qui n'était pas encore bien en faveur et que jusque là Du Guesclin avait été l'un des seuls à employer.
Par ces reconnaissances, Barbazan peut apprendre que l'ennemi fait face à Châlons et qu'il s'est solidement retranché au moyen de trous creusés dans la terre, d'arbres et de chariots renversés. En avant du front, s'étend un glacis en pente douce qui sur une longueur de quatre cents mètres environ, donne au défenseur un commandement d'une quinzaine de mètres. Le terrain est d'ailleurs complètement découvert et en présence des travaux de l'ennemi, une attaque de cavalerie a peu de chances de réussir de ce côté. Le piège était certainement là ; les Anglais n'avaient si parfaitement dégarni leur front que pour donner aux chevaliers français la tentation d'essayer cette attaque dont l'échec était certain ; mais ils n'avaient pas pensé à tout ; ils avaient négligé d'occuper le Bois Bauchet ainsi que celui de la petite Croisette. Averti de cette faute, Barbazan fait son plan, en général habile et expérimenté : habitudes de l'époque, il va manœuvrer. Il n'a que trois mille cinq cent hommes tandis que l'ennemi en a huit mille, mais il a vu le point faible de la position et il a l'initiative du mouvement. Il confie au Bourg de Vignolles six cents hommes d'armes qui, à l'abri du Bois Bauchet et de celui de la Croisette, se porteront vers l'épine sur les derrières des Anglais. Quand ils seront arrivés sur la route de Bar-Le-Duc, ils chargeront avec impétuosité la ligne ennemie, prise à dos.
Extrait écrit par
le lieutenant Grasset,
le 27 octobre 1905.
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