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Les prisons et les prisonniers
du château de Lourdes
(1344 - 1918)
.
[1]



Sceau
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[1] Le château de Lourdes avait comme toutes les forteresses militaires, ses prisons particulières destinées aux militaires indisciplinés de sa garnison et aux prisonniers de guerre que les événements pouvaient y conduire.

Mais telle ne fut pas toujours leur affectation exclusive. Combien de malheureuses victimes d'un pouvoir arbitraire et brutal y furent atrocement jetées ?

C'est d'abord l'historien Froissart qui, dans ses chroniques, nous raconte les exploits de ces terribles capitaines de Lourdes, sorte de chevaliers errants, tenant du bandit et du héros lesquels, sous la domination anglaise, avaient fait du château un lieu de rendez-vous et de retraite :

" Chevauchant à plus de trente lieues à la ronde, ils se faisaient un jeu de traverser les postes des Français, de harceler leurs garnisons... Quand ils rentraient à Lourdes, malheur à qui se trouvait sur leur passage ; ils pillaient et rançonnaient tout sans merci. Parfois ils ramenaient si grande foison de bêtes et de prisonniers qu'ils ne savaient où les loger. "

Nous relevons aussi par ailleurs " que certains châtelains de Lourdes, lieutenants au Sénéchal, prenaient les gens de force, ou les citaient ou ajournaient à Lourdes, et là arrêtaient les hommes et les femmes et les emprisonnaient s'ils ne payaient six sols morlaas. "

Si l'on considère, en outre, que les commandants du château avaient droit, en vertu de lettres patentes à eux octroyées par les divers rois de France, à une redevance applicable à chaque prisonnier, et désignée sous le nom de " droit de geaule ", on comprendra l'intérêt qu'ils avaient d'enfermer au château le plus de prisonniers possible dans le but évident d'augmenter leurs émoluments.

On trouve, notamment, dans les divers dénombrments de la ville de Lourdes, la mention suivante :

" Le capitaine chastelain du chasteau de Lorde n'a droict de prendre des habitans qui sont remis aux prisons dud. chasteau, pour debte civil que quatre liards et demy sullement du droict de geaule ; ainsi en a esté observé de tout temps dont n'est mémoire du contraire. "

Ainsi arrivait-il fréquemment que ces capitaines ou gouverneurs abusaient de leur droit, en emprisonnant de leur propre gré et sans autre motif que celui de satisfaire en même temps que leur rancune personnelle, leur désir du lucre, les consuls et habitants de Lourdes qui ne voulaient pas se plier à leurs exigences.

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Le règne de Louis XV amena la transformation du château de Lourdes en une véritable succursale de la Bastille.

A partir de ce moment, le vieux castel commença à perdre de son antique renommée de défenseur et de soutien de la vieille cité lourdaise, à la grande gloire de la Bigorre. Il devint un épouvantail pour tous ceux qui s'avisaient de jeter leur regard sur sa colossale stature, malgré l'aspect à la fois riant et pittoresque de la belle nature qui l'environne.[...]

Des cachots infects furent aménagés dans les dépendances du donjon où de malheureuses victimes de simples péchés politiques ou d'aventures galantes, furent atrocement jetées sans le souci de leur innocence.

Aussi n'est ce pas en vain si, dans la région, ce lieu devenu sinistre, fut surnommé : " La Bastille des Pyrénées "

Le château de Lourdes

Quiconque avait le malheur d'être enfoui dans ces sombres cachots, voyait disparaître toute chance de salut, tout espoir de liberté.

Assise sur une roche élevée, la " bastille des Pyrénées " surplombait à pic, d'un côté le gave de Pau dont seul le bruit monotone se percevait des alentours ; de l'autre, la vieille bourgade dont la paisible population méditait avec pitié sur le triste sort des victimes que leur ancien castel renfermait.

[...] Certians commandants du château usaient de leur pouvoir avec un raideur incomparable.

" Ils s'occupaient à bien clore, à bien cadenasser les prisonniers, à étreindre de leurs mains de plomb l'existence des malheureux, à en exprimer toutes les tortures que peut contenir un cœur d'homme, et, quand la mort plus généreuse qu'eux, venait leur arracher leurs victimes, ils annonçaient à leur maître que la geôle était vide ! Alors, pour ne point laisser rouiller les verrous on leur envoyait une autre proie. "

[...] Le comte de Marcellus décrit, en strophes indignées, le château de Lourdes, de cette époque :

Là dans d'effroyables cachots,
Entouré d'épaisses ténèbres,
Plus d'un captif, couché sous les voûtes funèbres
Attendrissait leurs lugubres échos.
Par ses gémissements, ses pleurs et ses sanglots
Les rayons bienfaisants de la brillante aurore
Lui portait chaque jour un douloureux réveil,
Et la nuit, il puisait dans son triste sommeil,
La force de souffrir encore.
Le doux pardon, l'indulgence pitié
Étaient bannis de cette enceinte
Là, le cœur, serré par la crainte,
Jamais ne s'ouvre à l'amitié.
Dans ce séjour de douleurs et d'alarmes
On n'entend d'autre bruit que le bruit des verroux,
Le sifflement de Borée en courroux
Et le hurlement des hiboux
.


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En 1789, les communes de la Bigorrre, émirent le vœu d'adresser aux États Généraux une supplique tendant à ce qu'en raison des innombrables services rendus au pays, le château de Lourdes ne soit plus désigné " prison d'État. Elle était ainsi rédigée : "Il sera demandé aux états généraux que le château de Lourdes, demeure ancienne des Comtes de Bigorre, ne soit plus appelé ni regardé comme prison d'État ; qu'il ne serve désormais qu'à la protection et à la défense du pays et non d'effroi à la liberté civile et qu'en conséquence, les prisonniers qui y sont enfermés dans ce moment seront rendus à leurs juges naturels.

Le conventionnelBertrand Barrère, de Tarbes, présenta à cet effet un rapport à l'Assemblée, et obtint satisfaction : les prisonniers recouvrèrent leur liberté et le château-fort fut conservé comme poste militaire et moyen de défense de la nation.

Les événements tragiques de la Révolution voulurent que cette décision ne soit point exécutée. Quelques reclus y furent internés.

En 1792, notamment, les prisons du royaume regorgeant de réfractaires, d'émigrés et de suspects, le château de Lourdes fut désigné, par ordre du Directoire des Hautes-Pyrénées, à la date du 19 mars, pour servir de maison de correction, en attendant l'acquisition de la maison dite des Carmes, à Tarbes. Tous les hommes correctionnés du département devaient y être conduits.

M. Daure était alors commandant du château. Ému de la situation dans laquelle allaient se trouver ces prisonniers, dans les locaux trop humides du donjon, cet homme, au cœur sensible, se refusa obstinément à les recevoir. Il fut, par la suite,, dans la pénible obligation de les accepter, car un nouvel ordre du Directoire, en date du 18 avril, le somma aussi impérativement que comminatoirement, d'avoir à exécuter sa décision.[...]

En 1794, les prisons du château, reçurent un contingent assez important de personnes suspectes, qu'on n'avait pu loger, faute de place, dans les prisons voisines de leurs domiciles. La plupart étaient de Bayonne et d'Hasparrens. Ainsi qu'il résulte d'une mention portée sur le registre de la société populaire de Lourdes : " Les Amis de la Constitution ", à la date du 20 vendémiaire An II, le nombre de détenus de Bayonne était de quarante.

En s'en rapportant à une délibération prise par la municipalité, à la date du 27 fructidor An II, sur une pétition que ces détenus réussirent à lui faire parvenir par l'intermédiaire du commandant du fort, on constate qu'ils étaient, en plus de leurs souffrances morales, envahis par les angoisses de la faim. Ces malheureux se contentaient de demander du pain !

La municipalité émue prit immédiatement la décision suivante : " [...] qu'il sera provisoirment pris au dépôt établi dans la maison commune, trois mesures de grain pour faire manipuler du pain pour ces individus, en attendant que l'administration du District ait pris une détermination ultérieure... "

Deux mois plus tard, la plupart de ces malheureux entendirent sonner l'heure de leur délivrance. Leur élargissement fut ordonné, en vertu d'arrêtés du représentant du peuple, Monestier (de la Lozère), sur les avis préalablement motivés des autorités du domicile respectif de chacun d'eux.

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De 1800 à 1805, les cachots du château s'eplirent de nouvelles victimes accusées de délits politiques.

D'après les statistiques de cette époque, il résulte que leur nombre ne dépassa pas une douzaine, désignés sous le nom de " prisonniers d'État ", sans que ce nombre paraisse avoir été augmenté par la suite. Ils touchaient une indemnité journalière variant entre 1 fr.50 et 4 fr. Certains d'entre eux disaient ignorer la motif de leur détention. Leur régime était assez doux ayant une liberté relative dans l'enceinte du château. Ils vivaient à la cantine de la garnison, la plupart dans une aisance due à leur situation de fortune personnelle, laquelle atténuait les ennuis de la captivité.

Certains d'entre eux finirent par abuser de leur liberté, en tentant de s'évader, ce qui amena, à l'égard de tous, un redoublement de surveillance et une discipline un peu plus sévère.

Le commandant Daure prit des précautions en conséquence. Il adopta un nouveau règlement qu'il communiqua à M. le Maire de Lourdes, à la date du 14 septembre 1803 :

" Lorsque les prisonniers promènent depuis 8 heures du matin jusqu'à 10 heures, la moitié de la garnison prend les armes, et de 3 heures du soir jusqu'à 5 heures, l'autre moitié prend aussi les armes, alors les prisonniers sont enfermés dans la tour. À 6 heures et demie que la retraite est battue, les prisonniers sont enfermés dans une chambre dont les portes sont fermées à deux verrous et à clef, le commandant du poste s'assure à l'avance que les prisonniers n'ont rien fait qui puisse favoriser leur évasion et, dans la nuit, il est fait plusieurs rondes... Pour plus de sûreté, j'ai placé une sentinelle au bout de la galerie, pendant le jour et deux pendant la nuit une à chaque bout de galerie, une troisième au pied de la tour. "

Quelques-uns de ces prisonniers contractèrent des maladies inévitablement due à l'insalubrité des cachots.

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Enfin, ce ne fut que bien plus tard, sous le règne de Louis-Philippe, que le château de Lourdes se vit définitivement enlever la réputation de lieu de souffrance et de martyre, pour ne servir exclusivement qu'à la défense militaire.

Néanmoins, par le fait de circonstances exceptionnelles, des prisonniers de guerre y furent par la suite emmenés en captivité : la guerre de 1870 y en conduisit plus d'une centaine. La récente grande guerre de 1914-1918 y conduisit un contingent très nombreux de prisonniers allemands qui y resta environ une année. Le château servit depuis, jusqu'à la fin de la guerre, de dépôt aux prisonniers alsaciens-lorrains.

 

[Les prisonniers du château de Lourdes]


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Notes

[1] Sources : Gallica.bnf.fr
Bibliothèque Nationale de France
Bulletin de la Société académique
des Hautes-Pyrénées
Archives départementales des H-P (1912).






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© Marie-Pierre MANET







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