I
La commune de Boô-Silhen, canton d' Argelès, département des Hautes-Pyrénées, est située dans la vallée de Labeda, sur la rive gauche du Gave de Pau. Elle est limitée au Nord par la commune de Geu, au levant par celle de Saint-Pastous, au sud par celle d' Ayros, au couchant par celle d' Argelès et d' Ayzac-Ost, et au nord-ouest par celle Agos-Vidalos.
L'étendue de la commune de Bôo-Silhen est de 316 hectares 05,20 ; sa distance du chef-lieu de canton et d'arrondissement est de trois kilomètres et du chef-lieu du département 29 kilomètres.
Le village est partagé en deux sections principales : Bôo et Silhen. La section de Bôo se trouve dans un bas-fond, ayant au levant les montagnes de Saint-Pastous et au couchant les collines dites du Buala. Silhen est placé au sud-est de Bôo, sur le versant oriental de la colline du Buala. Entre ces deux sections principales, distantes de deux kilomètres environ, se trouve le petit hameau d' Asmets, composé, de la maison d'école, du presbytère, d'une chapelle et de trois maisons de propriétaires. Asmets est à peu près à égale distance de Bôo et de Silhen.
La colline du Buala est formée de roche, nature de schiste, ainsi que les montagnes environnantes. Cette roche est recouverte d'une terre végétale qui produit d'assez bonnes récoltes.
Deux torrents arrosent la commune, ce sont le Gave de Pau, qui forme la limite occidentale de la commune, et le ruisseau de Saint-Pastous qui traverse le levant de la commune. Dès que la pluie devient un peu plus abondante, ou bien lorsqu'un vent chaud fait fondre la neige sur le sommet des montagnes, ces deux rivières débordent et l'impétuosité de leurs eaux cause beaucoup de dommages aux propriétaires riverains. Ces inondations arrivent ordinairement au mois de mai ou de juin. Pour l'usage de la cuisine, ou de la boisson, on puise l'eau dans des fontaines. Les puits ne sont pas nombreux, il y en a cinq seulement dans la commune.
Le climat est très tempéré, je dirai même que pendant l'hiver, il ne fait pas aussi froid que dans la plaine de Tarbes. La neige y tombe en abondance pendant l'hiver, mais il est bien rare qu'elle couvre la terre pendant trois ou quatre jours. Le vent du nord ne se fait presque pas sentir, surtout à Silhen, qui se trouve abrité par les collines du Buala ; c'est à peine si rarement on entend souffler le vent d'Espagne. Aussi le soleil de février fait pousser la violette. Dans d'autres parties des Pyrénées, il pleut bien plus souvent que dans la vallée de Labeda. Enfin le climat y est sain.
II
Lors du recensement de 1881, la population était de 284 habitants, tandis que le dernier recensement, en 1886, n'a donné que 235 habitants. Cette diminution provient de ce que les jeunes gens ne se marient pas ; car il y a sept ans qu'il n'a pas été célébré de mariage.
J'ai dit plus haut que la commune se divise en deux sections principales : Bôo et Silhen, et un hameau nommé Asmets. La population de Bôo est de 100 habitants, celle de Silhen de 95 habitants et celle d'Asmets de 40 habitants.
Le conseil municipal chargé d'administrer la commune se compose de 10 membres dont 4 appartiennent à Bôo, 5 à Silhen et 1 à Asmets. Le maire est domicilié à Silhen et l'adjoint à Bôo. Les fonctionnaires payés par la commune sont au nombre de trois : le secrétaire de la mairie, le valet commun et le garde-champêtre. Les autres fonctionnaires payés par le gouvernement sont : un instituteur, une institutrice et un vicaire.
Les habitants professent, tous, la religion catholique. La commune est désservie pour ce culte par un vicaire. Il y a deux églises, l'une à Bô, l'autre à Silhen, et une chapelle à Asmets. Pour célébrer les offices, le desservant dit la messe tous les jours à Asmets, excepté le dimanche. Ce jour-là, le vicaire célèbre deux messes : la première messe et la grand'messe à Bôo, le dimanche suivant elle est chantée à Silhen et réciproquement. Les vêpres se chantent ordinairement dans la chapelle d'Asmets.
Le receveur municipal de la commune a son bureau à Argelès. C'est là que l'on va pour acquitter l'impôt. La valeur du centime est de 1,16501. La commune possède pour tout revenu le produit du rôle des bacades, c'est-àdire du pacage du bétail dans les landes communales.
III
Les principales céréales cultivées dans la commune sont : le froment, la maïs, les pommes-de-terre. On récolte également beaucoup de fourrage dans les prairies naturelles. La production approximative de chacune de ces récoltes sont : 120 hectolitres de froment, 140 hectolitres de maïs, 66 hectolitres de pommes-de-terre et 30 hectolitres de haricots par an en moyenne.
Les nouveaux procédés de culture qui économisent beaucoup d'ouvriers dans certains pays ne sont pas encore introduits dans la commune. On se sert encore de l'ancienne charrue en bois. Espérons cependant que la routine sera bientôt vaincue et que les nouvelles machines agricoles qui facilitent le travail du laboureur seront bientôt en grand nombre chez tous les particuliers. Alors on économisera beaucoup de bras et les terres pourront être mieux cultivées.
La commune possédait autrefois deux bois taillis dont une grande partie a été enlevée par les inondations du Gave de Pau. L'aulne est le bois qui pousse uniquement dans ces taillis. Il ne donne aucun revenu pour la commune, car dès que le bois est un peu grand, on le partage entre les habitants de la commune.
Les principaux animaux domestiques que l'on élève dans la commune, ce sont : des troupeaux de moutons, des vaches, quelques chevaux et des porcs. Les oiseaux de basse-cour ne sont pas nombreux, on n'élève guère que les poules.
Les truites sont les seuls poissons qui sont dans les rivières ; mais on ne se livre guère à l'industrie de la pêche. La chasse ne préoccupe guère non plus les habitants de Bô-Silhen. Il y a cependant du gibier : lièvres, cailles et pies de mars. Ces dernières surtout, y apparaissent en troupes nombreuses pendant le mois d'avril.
Deux routes traversent la commune : l'une conduit à Argelès et l'autre à Lourdes. La ligne du chemin de fer de Pierrefitte à Lourdes est posée également sur le territoire de la commune. Dans le section de Bôo se trouve la station du chemin de fer. De là on peut se rendre facilement à Lourdes et à Tarbes. On peut également prendre le train pour aller à Argelès et à Pierrefitte.
Le marché le plus rapproché est celui d'Argelès qui se tient tous les mardis ; mais le plus important pour le commerce et pour la vente des bestiaux est celui de Lourdes qui a lieu le jeudi, tous les quinze jours.
Pour mesurer le grain, on emploie encore les anciennes mesures. Il faut cinq de ces mesures pour faire un hectolitre. Pour mesurer des murs ou bien de la planche on compte par cannes.
Le patois est la première langue que l'on apprend aux enfants ; c'est le seul idiome que parlent les gens de la commune.
IV
Les habitants de Bô-Silhen sont presque tous cultivateurs. Ils sont travailleurs ; mais ils quittent volontiers leurs occupations et se rendent à Argelès pour la moindre affaire. La plus grande partie des gens sont tracassiers et aiment les procès. Ils courent toutes les semaines pour aller à l'audience, devant le juge de paix, ou bien pour demander conseil aux avocats. Disons enfin qu'il n'y a pas d'auberge dans la commune, mais les hommes se dédommagent chaque fois qu'ils vont en ville. Quand ils sont au cabaret la conversation est tellement bruyante qu'il est impossible d'entendre bien souvent quelqu'un qui parle à demi voix. La sobriété et la tempérance ne sont donc pas en honneur dans la commune de Bôo-Silhen.
Les habitants portent des habits en laine grossière confectionnés dans le pays. Les vêtements des hommes se composent d'un pantalon, un gilet et une veste très courte. Bien souvent ils remplacent la veste par un tricot façonné par les femmes du pays. Les habits des femmes sont également très modestes ; ils se composent de robes et de casaques très simples. Le béret est l'unique coiffure portée par les hommes. Les femmes couvrent leur tête d'un foulard. Les chaussures portées de préférence par les hommes et par les femmes : ce sont les sabots.
Pour se nourrir, les habitants de Bôo-Silhen font du pain noir qui est composé d'un mélange de farines de froment, de seigle et de maïs. Presque à tous les repas, ils mangent de la pâte faite avec de la farine de maïs, et bien souvent ils font leur repas du soir avec cette même pâte et du lait seulement.
La commune de Bôo-Silhen ne possède rien aux archives qui permette d'établir l'histoire de la commune.
Annexe au titre IV
D'après les renseignements que j'ai recueillis, il y a toujours eu des instituteurs dans la commune depuis 100 ans environ. L'école a été mixte jusqu'à 1876. A partir de cette époque, la commune s'est imposée pour avoir une institutrice. La commune n'a possédé aucune maison d'école juqu'à 1883. A ce moment, le gouvernement de la République donna un fort secours qui a permis de construire une école convenable à un premier. C'est une école double qui contient les logements de l'instituteur et celui de l'institutrice. Sa façade principale, exposée au levant, est précédée d'une basse-cour. Au rez-de-chaussée se trouvent les deux salles d'école séparées entre elles par un corridor. Au milieu de ce corridor, est placée la principale porte d'entrée. A gauche, en entrant, est la classe des garçons et à droite celle des filles. Ce sont deux salles magnifiques très spacieuses, bien aérées et bien éclairées.
Au premier étage se trouvent le logement de l'instituteur et celui de l'institutrice. La partie occupée par l'instituteur se trouve sur la salle d'école des garçons, et la partie occupée par l'institutrice se trouve sur la salle d'école des filles. Quatre petites chambres forment le logement de chacun d'eux.
Ce logement est suffisant ; mais un grave inconvénient existe dans les deux cuisines. Les cheminées ferment tellement que déjà les murs et le plafond sont tout noirs.
Les sacrifices à demander à la commune seraient :
1° - D'acheter des stores pour les croisées, afin de garantir le local des chaleurs de l'été ;
2° - De faire refaire les cheminées qui fument ;
3° - D'acheter de nouvelles tables pour les écoles ; celles qui y sont tombent de vétusté .
4° - De faire arranger l'entrée de la basse-cour, car il y a deux mois environ l'administration des Ponts et chaussées a construit un chemin au levant de la maison d'école en contre-bas de deux mètres avec la cour de l'école, de sorte que la montée du chemin à la basse-cour de l'école est à pic. Plus d'une fois lorsque le terrain est mouillé, j'ai vu des enfants glisser et tomber en descendant. Il serait donc très urgent d'adoucir cette pente au plus tôt.
5° Enfin un autre sacrifice nécessaire, ce serait de préparer pour l'institutrice le jardin, sur l'emplacement qui a été réservé à cet effet.
Pour réaliser ces amélioration, la somme nécessaire serait de 1.000 ou 1.200 frs environ.
La fréquentation scolaire laissait quelque peu à désirer, au moins dans l'école des garçons. Cependant, en insistant auprès des parents, je suis parvenu à obtenir une fréquentation passable. J'espère qu'en réitérant mes instances auprès des parents et auprès des élèves, je parviendrai à une bonne fréquentation.
Les renseignements qui m'ont été fournis, me permettent de croire que le 1/3 des habitants sait lire et écrire ; un autre tiers sait à peine signer et le 1/3 restant n'a aucune instruction. Les conscrits de l'année dernière, ainsi que ceux de cette année savent tous signer. Il n'y a pas eu de mariage en 1886 ; mais au mois de février dernier, il en a été célébré un que les deux conjoints ont signé.
Parmi les instructions scolaires qui ont été créées, je ne puis signaler que celle de la bibliothèque populaire de l'école. Le nombre des volumes est de 22 et le nombre des prêts en 1886 a été de 106 volumes.
Le traitement de l'instituteur communal est de 900 frs ; celui de l'institutrice est de 600 frs.
Fait à Bôo-Silhen le 12 avril 1887
L'instituteur communale
D. Peyrelade.
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