de Marie-Pierre Manet |
I
Campan, chef-lieu de canton, situé au au sud des Hautes-Pyrénées, est une des plus vastes communes de ce département. Le village est borné par Asté, Banios, Esparros, Peyrehitte, et Aspin ; au sud par des montagnes de la vallée d'Aure et Aulon; au couchant par Barèges et Bagnères ; au nord, par Beaudéan et Asté. Il occupe une superficie de 1.150 hectares et s'étend sur une longueur de 17 kilomètres.
La commune de Campan n'est éloignée que de 6 kilomètres du chef-lieu d'arrondissement et de 26 kilomètres au chef-lieu du département. Elle se partage en deux régions bien distinctes : une profane vallée et les hautes montagnes.
Après avoir franchi l'Adour et Beaudéan a une faible distance de ce village, on aperçoit, dans toute sa magnificience, une belle et riante vallée, connue sous le nom de vallée de Campan, et dans laquelle se donnent, pour ainsi dire, rendez-vous, toutes les années, pendant la belle saison, les touristes, et les amateurs de sites pittoresques.
A droite, en montant, on laisse au pied de la montagne le prieuré de Saint-Paul. De ce point, on atteint, en quelques secondes, le Bourg de Campan, chef-lieu de la vallée.
Campan a une belle apparence, pour l'élégance et la propreté des maisons dont beaucoup, portant encore un cachet d'antiquité, sont construites en marbre provenant des carrières de la commune. Une de ses rues s'étend le long de l'Adour et présente peu d'intérêt. Sur celle du milieu ou route de Bagnères-de-Bigorre à Bagnères-de-Luchon, se dressent de jolies maisons blanches. C'est sur le bord de cette rue que se trouve la partie principale du village. Enfin, une troisième poursuit le couchant et n'offre rien d'intéressant. A l'entrée du Bourg, du côté de Bagnères-de-Bigorre, on trouve des halles du XVIe siècle et une belle fontaine de la même époque dont les eaux sont reçues dans des bassins en marbre vert.
A peine est-on sorti de l'intérieur du village, par la partie sud, qu'on se trouve dans un bassin ravissant où l'on est en quelque sorte saisi par le contraste de la nature. D'un côté, se montrent des champs cultivées, de fertiles prairies, partout des groupes gracieux d'arbres magnifiques ; ça et là, parsemés de jolies maisonnettes, des mamelons boisés dont les pentes ondulent mollement ; des granges rustiques, de petites cabanes autour desquelles sillonnent à plaisir des sentiers tortueux animés d'un mouvement pastoral ; nombreux troupeaux, tintement de clochettes, chiens de montagne, vieux bergers avec leur cape grise, jeunes bergères avec leur capette de la même couleur.
Tandis que l'œil se repose complaisamment sur les belles croupes herbeuses de droite, il se heurte, pour ainsi dire aux roches nues et stériles de la montagne opposée. Là tout est riant et carié, ici, tout est sauvage et monotone, plus d'habitations, plus de propriétés fertiles, plus de végétation sur ces pentes abruptes et ruineuses où la trace des torrents d'hiver est marquée par d'affreuses et profondes déchirures. Le contraste, qui fait, soit le pittoresque du tableau, se prolonge avec les mêmes formes, les mêmes accidents de terrain jusqu'au hameau de Sainte-Marie, gracieusement posée sur une iminence. A deux kilomètres environ avant d'arriver à Sainte-Marie, une étroite et ombreuse vallée débouche avec son torrent, si l'on quitte la grande route de la vallée de Campan, pour remonter la rive droite du ruisseau par un chemin facile qui se dirige au sud à travers les priairies du Rimoula, parsemées de cabanes, on découvre à droite les nombreuses habitations du Peyrac ( 1.062 mètres d'altitude), composées de maisons rustiques, qui, sans être régulières dans leurs formes et dans leurs distances, présentent cependant dans leur ensemble, une symétrie, un cachet d'un style unique.
Il n'y a pas de vert idéal plus beau que les gazons et les prairies qui les entourent ; échelonnées sur les hauteurs de la rive gauche du ruisseau dont la vallée porte le nom, et protégées contre les vents et les neiges par des forêts de hêtre, elle s'offrent à la vue du touriste sous un aspect tout à fait agréable. Au sud, on voit le vallon se terminer aux escarpements de Ballongue ou Montagnette (2.300 m) et le Pic-du-Midi, à demi dérobé par ces crêtes inférieures dresser sa tête superbe. C'est là un tableau du plus imposant effet.
Près de Saint-Marie, la vallée se divise en deux branches. Celle qui se bifurque à droite, conduit à Gripp et se continue jusqu'au plateau de L'Artigue ; mais à mesure que l'on avance, la vallée perd peu à peu son premier charme. Sans pourtant cesser d'être gracieuse, elle devient plus sauvage ; elle se rétrécit de plus en plus ; les sapins commencent à montrer leurs cimes noires sur les hauteurs de gauche.
L'autre branche, celle qui continue vers le bas de Payolle, d'une nature âpre, conduit à la Hourquette ou col d'Aspin et d'Arreau. Le paysage présente ici un caractère autre que dans la vallon de Gripp, il a quelque chose de plus gai et de plus souriant, du moins dans la partie inférieure. A cinq ou six mille mètres de Sainte-Marie, le vallon s'étrangle en gorge et les sapins solennisent le paysage. Un peu plus loin, on trouve une enceinte immense entourée de toute part de superbes forêts, appelée pré de St Jean ou Camp Bataillé, parce qu'elle fût, dit-on, le champs de bataille où, en l'An XXVII, le préconsul romain, Messala, battit les Bigorrais. C'est encore là que se trouvait l'hippodrome des courses de Bagnères jusqu'en 1885. Depuis cette époque, et pour la plus grande commodité des étrangers qui résident à Bagnères pendant la belle saison, le champs des courses a été transféré à Pouzac, c'est-à-dire, à proximité de la ville précitée.
Le sol de la commune de Campan est presque entièrement recouvert de montagnes s'élevant de chaque côté de la vallée et dont les principales sont : la Bouche, les Artigues, le Tourmalet, Balongue.
La nature des roches n'est pas très variée ; on ne rencontre que du granit, de la pierre calcaire, du schiste et du marbre : celui-ci est très estimé.
Un pays de montagnes, comme Campan ne peut manquer de présenter, dans ses régions élevées surtout, de nombreuses curiosité naturelles ; aussi serait-il fort difficile d'énumérer toutes celles qui se rencontrent ici. Tantôt, des pics neigeux dominant des panoramas grandioses : pics d'Espan, de Barrasset, de Montarouy, et de Quatre Thermes ; tantôt des cols faciles à atteindre, et offrant aux yeux des voyageurs les sites les plus agréables et les plus variés : cols du Tourmalet et d'Aspin sur les limites de la commune.
Les petites curiosités, grottes, échos, chutes d'eau, etc, passent inaperçues dans un pays de hautes montagnes ; cependant, on ne peut s'empêcher de citer une des merveilles naturelles de la contrées : les cascades de l'Artigue dont la plus renommée est celle de Garet. On arrive à cette cascade par un sentier qui serpente entre de maigres tiges de sapin. C'est un beau site que celui du Garet, beau par lui-même et beau par de qui l'entoure. Le Pic-du-Midi apparaît à sa droite dans sa plus imposante attitude.
Le sol de la vallée de Campan est très fertile ; une partie est abandonnée aux prairies naturelles, tandis que l'autre, qui est très restreinte, est livrée à la culture de la pomme-de-terre, du lin et des céréales. La maïs ne peut mûrir que dans la basse vallée. Les montagnes possèdent de riches pâturages où séjournent pendant six mois de l'année de nombreux et beaux troupeaux de vaches et de brebis.
La commune de Campan est arrosée dans toute sa longueur par l'Adour, fleuve assez important, mais redoutable, dans la plaine surtout, par suite de ses fréquents débordements. Il descend des sommets neigeux du Tourmalet et reçoit, à petite distance en aval de Ste Marie un autre cours d'eau venant de Payolle appelé aussi Adour. (Ce nom est générique). Il se grossit encore du ruisseau de Rimoula qui coule sur la rive gauche. Aux mois de mai, juin et juillet, ces ruisseaux, et par le fait même l'Adour, sont sujets à des crues extraordinaires occasionnées par les pluies et la fonte des neiges, quelquefois même par le débordement du lac de Grislés. Une partie des eaux de l'Adour est utilisée à alimenter de petits canaux d'irrigation qui sillonnent la vallée dans tous les sens.
La région montageuse comprend un nombre assez considérable de petits lacs dont les plus intéressants sont ceux d'Aygue-Rouye, de Quadrobé, de Grésioles et de Cloutou. Toutes les eaux de Campan sont bonnes à boire.
Si la nature n'avait donné à Campan que la fertilité du sol, les curiosités naturelles des montagnes, elle n'aurait pas cru son oeuvre achevé, aussi l'a-t-elle doté d'une source d'eau sulfureuse froide appelée source de Gripp ou du Bagnet.
Le Bagnet est un quartier de la vallée de Campan, distant de Bagnères-de-Bigorre de dix-huit kilomètres environ. Il est composé d'habitations assez nombreuses assises sur les deux rives de l'Adour, fermées au nord d'un vallon très accidenté et qu'amène un très joli paysage.
La source minérale est située au sud et à une petite distance du hameau, au sud de la chaîne des Pyrénées. On y arrive par un chemin facile et qui donne un libre accès aux voitures.
Afin d'utiliser l'eau qui jaillit de cette source bienfaisante, la commune de Campan a fait construire un établissement assez coquet, qui se compose d'un corps principal de bâtiment, élevé d'un comble, contenant une buvette et cinq cabinets de bains propres et assez spacieux auxquels donne entré un corridor qui en suit le font d'un bout à l'autre. Cet établissement bâti dans un des sites les plus pittoresques de la vallée de Gripp au pied des magnifiques cascades sur la route du Pic-du-Midi et du Tourmalet n'est ouvert que pendant la belle saison, l'hiver y étant trop rigoureux.
L'eau minérale sulfureuse du Bagnet a une saveur fraîche, légèrement saline et franchement hépatique (saveur de l'œuf gâté). Elle réussit très bien dans les toux nerveuses, les catarrhes bronchiques, l'asthme humide, la chlorise, l'ictère et dans l'asténie générale ; sa température modérée la rend précieuse dans les maladies de poitrine ou l'élément inflammatoire domine. Enfin, elle se montre très efficace dans le traitement des dartres, prurigo, gâles invétérées. Dans les sérofules, les ulcères atoniques de la peau, les rhumatismes chroniques et les engorgements lymphatiques des articulations.
En résumé, d'après les expériences analytiques qui ont été faites, nous trouvons que la composition de l'eau minérale de Gripp doit étre formulée de la manière suivante :
Pour 1000 grammes d'eau
Principe gazeux Azote mêlé d'oxygène..........
Sulfure de sodium..........
Chlorure de sodium..........
Chlorure de magnésium..........
Iodure alcalin..........
Sulfate de soude..........
Silicate de soude..........
Carbonate de soude..........0.004
0.0056
0.0300
0.0040
0.0030
0.0200
0.0200
0.0010Principe fixe Carbonates d'oxyde de fer..........
Carbonates de chaux..........
Carbonates de magnésie..........
Silicoles de chaux..........
Silicoles d'alumine..........
Sel ammoniacal..........
Glavine rudimentaire..........0.0040
0.0040
0.0040
0.0201
0.0201
0.0023
0.0023Principes TOTAL 0.0940
Extrait du rapport de M. Latour, de Trie, chimiste, sur l'analyse par lui faire en 1858 de l'eau sulfureuse iodurée du Bagnet.
Comme on le voit par ce qui précède, la source minérale de Bagnet doit être enregistrée comme une richesse nouvelle pour le département des Hautes-Pyrénées, en général, et surtout pour la vallée de Campan ; car elle compte déjà, quoique peu connue encore de nombreuses guérisons de maladies sérieuses. Les propriétés que cette eau possède lui ont valu une attention honorable à l'Exposition Universelle de 1878.
Campan jouit d'un climat tempéré mais humide et brumeux ; sa tempéarature varie du 5 degré au dessus de zéro au 22 degré au dessus. La pays est très salubre et se trouve à une altitude qui varie suivant l'endroit de 656 à 1.110 mètres ; l'air, qui est vif et pur, est également très salutaire. Les courants aériens dont la force est en quelque sorte neutralisée par les montagnes qui entourent la vallée comme d'un rempart, sont généralement faibles. Les vents qui s'y font le plus sentir sont ceux du nord-ouest et du sud-ouest.
Quant aux pluies, il résulte de quelques observations faites à ce sujet, qu'il tombe en moyenne chaque année 1.025 millimètres d'eau.
II
D'après le recensement de 1886, la population de Campan, y compris les divers hameaux, est de 2.974 habitants. Ce chiffre tend à diminuer sans cesse. On constate tous les cinq ans une importante diminution dont l'immigration et le célibat sont les principales causes.
Cette commune pauvre, le bourg particulièrement, sans commerce ni industrie, ne pouvant affecter à la culture qu'une très minime partie de son territoire, ne peut suffire aux besoins de ses nombreux habitants qui vont chercher ailleurs les moyens d'existence qu'ils ne trouvent pas chez eux.
Mais c'est surtout le célibat qui contribue pour une large proportion dans la dépopulation de la commune. Pour des raisons multiples, un grand nombre de personnes, hommes et femmes, et surtout de ces dernières, restent célibataires. Plusieurs familles, même aisées, se sont ainsi déjà éteintes et un plus grand nombre sont à la veille de disparaître de la même manière.
Campan comprenant 917 feux, est divisé en trois sections :
Le Bourg
Ste Marie
La Séoube1.442 habitants
1.022 habitants
510 habitants
Ces sections sont à leur tour subdivisées en plusieurs hameaux et quartiers dont voici les principaux avec leur nombre d'habitants.
St Paul Agoué
Artigues
Paluasq Pé de Hourquet
Cap de la Lande
Hosse
Lagnès
Galade
Peyras
Remoula et Couya
Cayrès de By
Escarret et Pouey
Pradille
Sarrat de Bon
Ste Marie
Bulan
Bassus
Cabadur
Pierrefite
Artigaux
Hupats
Taillat
Laurence
Castelmasu
Batnère
Séoube67 habitants
71 habitants
50 habitants
42 habitants
31 habitants
132 habitants
92 habitants
167 habitants
95 habitants
158 habitants
65 habitants
50 habitants
60 habitants
155 habitants
58 habitants
92 habitants
117 habitants
91 habitants
90 habitants
57 habitants
22 habitants
88 habitants
50 habitants
23 habitants
217 habitants
Le conseil municipal se compose actuellement de 21 membres : le Bourg en compte 10 ; Ste Marie 7 et La Séoube 4 . Le maire est assisté de deux adjoints. Ste Marie et la Séoube ont chacun un adjoint spécial.
Les habitants sont presque tous catholiques. Le Bourg est desservi par un curé et deux vicaires, Ste Marie par un desservant et un vicaire et la Séoube par un desservant.
Le percepteur, le receveur de l'enregistrement et un receveur buraliste sont en résidence à Campan.
Les postes et télégraphies sont desservies par une receveuse, un facteur télégraphiste, un facteur local, un rural et un auxiliaire qui, pendant la belle saison seulement fait le service de l'Observatoire national du Pic-du-Midi .(Comme cet observatoire ne se trouve pas sur le territoire de Campan, je le passe sous silence). Le matin, le facteur rural qui dessert Beaudéan et Asté, fait en même temps le courrier de Campan à Bagnères et réciproquement. Un courrier spécial fait le même service dans l'après-midi. Le Bourg a deux distributions par jour, à midi et de 7 à 8 heures du soir, sauf les dimanches et les jours de fête où celle de midi n'a pas lieu. Les autres parties de la commune, les hameaux, n'ont qu'une distribution journalière, elle se fait le matin.
La commune de Campan, une des plus riches du département, possède de grands revenus. Les recettes ordinaires portées au budget de 1887 s'élèvent à la somme de 2.7694 frs.
Ce chiffre était bien plus considérable il y a quelques années, lorsque les carrières de marbre rapportaient à elles seules au budget communal une somme jamais inférieure à 8 ou 10.000 frs.
La valeur du centime, le franc est de :
Contribution foncière
Contibution mobilière et personnellePropriétés non bâties
Propriétés bâties
.0.1872
0.1876
1.2445
III
Les productions locales consistent en fourrages naturels et artificiels : froment, méteil, seigle, orge, avoine, maïs, haricots, pommes-de-terre, graine de lin, légumes de toutes sortes et certains fruits, mais en petite quantité, comme pommes, poires, prunes.
Les quantités peuvent être évaluées à environ 24.000 quintaux de foin naturel , 500 quintaux de fourrages artificiels, 1.200 hectolitres de froment, 320 de seigle, 270 d'orge, 250 de maïs, 95 de graine de lin, 30 de haricots, 2.260 de pommes-de-terre.
La culture principale est la prairie naturelle qui, bien fumée et par un bon système d'irrigation, donne les meilleurs résultats.
Pour l'exploitation de la prairie naturelle, il n'a pas été introduit de nouveaux procédés : l'emploi de machines agricoles n'étant pas possible vu les aspérités du sol et le morcellement de la propriété. Pour le labourage, l'emploi de l'ancienne charrue de bois tient à être avantageusement remplacée par la charrue en fer spécialement appropriée à l'usage du pays, c'est-à-dire pouvant servir pour terre légère et légère inclinaison du sol.
La forêt communale a une étendue d'environ 841 hectares, essence sapin, et 574 hectares essence hêtre, chêne, bouleau, tilleul, frêne, orme, érable, merisier, coudier, églantier et autres arbustres.
Les bois des particuliers dont la plus grande partie appartient à M. le comte Arnaud de Gramont, et qui s'étendent dans toute la vallée par lisières et bouquets ont une superficie d'environ 220 hectares, la plupart essence hêtre.
On ne fait pas de reboisement artificiel. La forêt communale donne, tous les ans, un revenu d'environ 12.000 ; bois essence sapin, venduà à ? adjudicataires de Campan et de Bagnères qui le débitent dans leurs usines en bois équarrre pour charpp?. Les principaux débouchés sont Bagnères, Tarbes et Lourdes. Il y a en outre une coupe affouagère, même essence, d'une valeur approximative de 6.000 frs.
La forêt communale est régie par l'administration forestière : un brigadier, résidant à la section de Ste Marie, un garde a celle du Bourg et deux autres a celle de la Séoube.
Il n'y a point de vignes dans la commune mais vu les ravages du phylloxéra et par suite la cherté, la mauvaise qualité du vin, un grand nombre d'habitants vont porter leurs pommes dans des pressoirs établis dans des localités voisines, et on peut évaluer à environ 80 hectolitres le cidre qui se fait chaque année ici. Le cidre n'a ni la saveur, ni la force de celui de Normandie ; mais nos paysans, depuis déjà quatre ou cinq ans arrachent les vieux pommiers de leurs vergers pour les remplacer par d'autres, propres à donner le fruit avec lequel on obtiendra dans peu de temps, du meilleur cidre et en plus grande quantité.
On compte à Campan 60 juments poulinières et 160 chevaux, mulets et ânes. L'élevage du bétail est la principale branche d'industrie dans la commune; aussi y compte 690 ménages qui possèdent des animaux, espèces bovine et ovine formant un total de 12.900 têtes, soit 2.500 vaches et veaux et 10.400 brebis.
L'hivernage a lieu à létable, pendant huit mois et l'été, les troupeaux étant disséminés parmi les nombreux et gras pâturages de nos montagnes.
La race bovine donne en veaux, beurre, et lait 115.800 frs de revenu annuel.
La race ovine donne en ageaux, laine et fromages 58.000 frs.
Les abeilles donneraient encore à nos paysans un assez bon revenu, ils auraient tout intérêt, non à devenir de savants apiculteurs, mais au moins à être ennemis de la vieille routine, en ayant à leur usage des ruches perfectionnées.
Le gibier devient de plus en plus rare, nous avons cependant encore, en plaine, quelques cailles pendant les mois de septembre et octobre ; dans nos montagnes, on trouve la perdrix rouge, la perdrix grise, le lièvre, le lagopède, et dans nos forêts le joli coq de bruyère.
Nous avons encore, pendant l'hiver quelques passages de pies de mars, canards sauvages, sarcelles, bécassines, vanneaux. Notre chasseur habitué dès sa plus tendre jeunesse aux exercices violents à la course, à la fatigue, va aussi poursuivre l'isard jusqu'au versant espagnol de la chaîne des Pyrénées, et, bon tireur autant qu'agile, il revient rarement sans quelque " oiseau sauvage ", ainsi qu'est si bien surnommé l'isard dans une chanson populaire de Roland.
La seule pêche est delle de la truite, si recherchée des étrangers et des touristes qui viennent visiter notre belle vallée. Aussi ce poisson est-il l'objet d'une chasse passionnée, pour les pêcheurs qui en prennent en quantité, souvent même au moyen d'engins prohibés et en trouvent le débit soit à Bagnères, soit aux divers hôtels de Payolle, de Gripp et de l'Artigue, à un prix quelquefois très exagéré.
Parmi les produits de toute nature, on ne peut s'empêcher de mentionner les carrières de marbre de renommé situées sur le territoire de cette commune, pour laquelle elles sont depuis longtemps déjà une source de revenus.
On trouve dans l'itinéraire général de la France par Paul Joanne :
" Dès la fin du XVIe siècle, mais surtout sous le règne de Louis XIV et Louis XV, les marbres de Campan étaient exploités pour la construction des maisons royales, délaissés à la fin du XVIIIe siècle, ils tombèrent dans l'oubli ; mais ils avaient rendu au pays dit M. Vaussenat, actuellement directeur de l'Observatoire national du Pic-du-Midi, l'immense bienfait de lui donner des routes. "
Plus loin, on trouve encore :
" La vallée de Campan se termine par une gorge étroite, où, sur la rive droite de l'Adour, est située la fameuse carrière de Campan, quartier d'Espiadet.
Au dix-septième siècle, le marbre de Campan était porté par un chemin pavé jusqu'à Sarrancolin, dans la vallée de l'Aure, où il était embarqué sur la Neste... La carrière d'Espiadet a fourni la colonne du péristyle du grand Trianon, et aussi 22 colonnes du palais royal de Berlin et 8 colonnes du nouvel opéra de Paris. "
Nous trouvons encore dans des notes laissées par M. Cazeaux, médecin, ancien maire de Campan :
" Le 25 mai 1823, le conseil municipal accorde la concession de la carrière à M. Costallet de Bagnères, moyennant 100 francs par eux... Le 6 mars 1825, le conseil accorde à M. Costallat l'exploitation de la carrière pour l'espace de six ans, à la condition qu'il admettra comme services les habitants de Campan qui se présenteront... En 1837, le conseil accorde à L. Géruset, gendre de M. Castallat la faculté gratuite de faire des fouilles dans la commmune pour la recherche des marbres...En 1839, l'adjudicataire pour l'espace de neuf années au prix annuel de 2.900 frs est M. Sollier-Mouton, négociant à Londres... En 1842, la campagne anglaise fait faillite ; M.Gérisset de Bagnères exploite la carrière aux mêmes conditions. "
Le marbre de Campan est en grand renom dans toutes les parties du monde. On en expédie pour tous les grands monuments d'Italie, d'Espagne, d'Allemagne, de Russie, de Portugal, de Belgique et de Suisse. Dernièrement encore, en plein hiver, c'est-à dire pendant les mois de novembre-décembre 1886 et janvier 1887 de nombreux ouvriers travaillaient à extraire de magnifiques colonnes pour un théâtre de Vienne (Autriche). Notre carrière est donc en pleine et active exploitation. On y trouve des marbres, de diverses nuances ; mais on remarque surtout le vert, le mélangé, le rubané, le griotte et brosé.
Nous l'avons déjà dit, elle a été une source de revenus pour la commune. Les industriels de Bagnères, ainsi que quelques sociétés parisiennes, entre autres Violet et Cie ont payé 8.000, 10.000 et même jusqu'à 12.000 par an. Actuellement, MM. Dussert et Labal de Bagnères, adjudicataires, l'exploitent moyennant un fermage de 4.000 frs. Il existe aussi d'autres carrières ; on en extrait du bon moellon et de l'excellente pierre à chaux.
Dix usines pour débiter le bois de construction, sont en pleine activité. De 25 à 30 moulins sont placés dans tout le parcours de la commune ; pour ceux-ci, comme pour les usines, la force est imprimée au moyen de l'eau de l'Adour.
La route thermale n°1 longe la commune jusqu'au col d'Aspin (route de Luchon), tandis que la route thermale n°2 va de la section de Ste Marie jusqu'au Tourmalet (Route de Barèges). La commune est encore en outre sillonnée de 29 chemins viernaux.
Une ordonnance royale de 21 janvier 1829 classe la route de Bagnères-de-Bigorre à Bagnères-de-Luchon parmi les routes départementales. On doit cette route principalement à l'insistance de M. Cazaux, médecin, maire de Campan, qui, en sa qualité de membre du conseil d'arrondissement, avait fait émettre, tous les ans, à partir de 1824, le vœu que cette route fut classée. Les travaux sur cette route commencèrent en cette même année 1829.
En 1837, la route de Ste Marie à Barèges est classée parmi les chemins de grande communication.
Les travaux d'agrandissement, afin de donner à cette route la largeur requise, commencent en 1838 à recevoir leur excécution. Deux tracés avaient été présentés pour cette route ; l'un par la vallée de la Séoube, l'autre par la vallée de Cabadur. C'était également celui qui avait été indiqué par M. Colomès ingénieur.
Une vingtaine de ponts sont jetés sur l'Adour dans toute la longueur de la commune. Le plus ancien, celui de la route thermale n°1 à Ste Marie date de 1825. Ceux dits de Cap de la Lanne et de Pierris étaient construits en bois jusqu'en 1826. A cette époque, le Conseil Général vota une somme de 12.000 frs. M.Artigala, ingénieur, fit les plans et devis. Ces ponts ne devaient occuper que la moitié de la largeur de la route. M. Cazeaux, maire, s'opposa à leur construction ; mais peu de temps après, on décida de leur donner toute la largeur de la route, et cette augmentation de travaux nécessita une nouvelle dépense de 1.400 frs, qui fût payée par la commune.
Les autres ponts sont de construction plus récente ou mieux, n'étaient à cette époque que de simples passerelle en bois. La plupart sont aujourd'hui en pierre de taille et si bien construits qu'ils résistent aux plus fortes inondations, même à celle de la date mémorable de 1875.
La voie ferrée s'arrête à Bagnères ; mais les moyens de transports sont faciles et nombreux chez quelques uns de nos propriétaires ; on trouve de légères voitures à quatre roues et chez la plupart des voitures à deux roues, dites jardinières. Depuis environ 4 ou 5 ans, on attèle à ces dernières de plus petites mules, moins fragiles que les chevaux et résistant mieux à la fatigue. On trouve aussi à Campan de grandes et lourdes charrettes destinées au transport des marchandises, surtout à celui du bois de construction provenant de nos usines. Ces charrettes sont trainées par de grands et encore solides chevaux provenant de la réforme du 14e et 24e Régiment d'artillerie, en garnison à Tarbes.
C'est avec ces différents moyens de transport que les communications s'établissent avec Bagnères, notre chef-lieu d'arrondissement. A partir de cette ville, pour aller à Tarbes, notre chef-lieu de département, on prend la voie ferrée.
On trouve à Campan et dans la vallée presque tous les corps d'état, chaudronniers, serruriers, forgerons, tourneurs, maçons, charpentiers, menuisiers, tailleurs et couturiers, marchands drapiers, cordonniers, bouchers, boulangers, épiciers, aubergistes, restaurateurs, tisserands, peigneurs de laine...etc...
Mais c'est surtout le bétail qui constitue la principales branche de commerce local. Les bouchers de Bagnères viennent tous les lundis au domicile de chaque particulier, acheter les veaux, moutons, brebis, agneaux ? Quelques propriétaires cependant préfèrent amener à Bagnères le bétail qu'ils élèvent à vendre. Les agneaux nous étant aussi achetés pour être ensuite revendus au marché de Bordeaux.
Le beurre de Campan est très estimé ; c'est par quintaux que quelques marchands le portent à Bagnères, car c'est au marché de cette ville tous les samedis, que se font toutes nos transactions, si ce n'est pour les vaches et les brebis pour l'achat desquelles nos paysans vont aussi tantôt à Lourdes et d'Argelès, tantôt à la vallée d'Aure.
C'est encore à Bagnères que se vendent nos œufs et nos volailles ; c'est dans cette ville et aussi à Ancizan dans la vallée d'Aure, que la laine, provenant des belles toisons de nos moutons, est cardée et filée pour devenir ce solide drap ; ce cadis, tissé dans nos métiers, avec lequel nous avons nos vêtements rustiques, c'est vrai, mais nous préservant contre le froids rigoureux des longs hivers de nos montagnes. C'est enfin à Bagnères que nous allons nous approvisionner des denrées et surtout des céréales que nous ne récoltons qu'en très petite quantité, pour notre consommation.
Le 2 janvier 1502, Henri de Navarre accorda à la commune de Campan l'autorisation d'avoir un marché.
En 1576, les habitants se réunissent devant M. Dartigue, notaire et s'imposent, sous peine d'amende l'obligation de ne point porter leurs marchandises ailleurs qu'au marché de Campan
Ce marché a été assez important pendant près d'un siècle ; mais le voisinage de Bagnères, lieu plus central, le fit tomber peu à peu ; et il n'est plus rentable malgré tous les efforts de la municipalité. Aujourd'hui, Campan, n'a plus que deux foires : celle du 28 septembre qui se tient à Ste Marie et celle du 29 octobre, au Bourg.
IV
D'après quelques historiens, Campan, d'une origine obscure et très ancienne, tirerait son nom des Campons, placés à Campan par Adrans de labis et d'Aville, M. Siqué, dans un voyage, dans les Pyrénées françaises a trouvé les Les Campons, parmi les peuples dont parle César.
D'après une seconde opinion, plus générale, Campan doit son nom aux Campani, des fondateurs, vieille tribue, connus des Romains et dont l'existence est attestée par quelques monuments.
Parmi ces derniers est un stèle actuellement dressé sur le sol et isolé à l'extrêmité du jardin de M. Soucaze, député. Ce monument est en pierre du pays; la face cylindrique porte au crux et en belles capitales, l'inscription suivante :
IMP. CAE
SARI . M
AVR . VAL
MAXIMI
ANO PIO.
Trois ou quatre lettres sont d'une lecture difficile par quite des injures du temps mais le sens de l'inscription est fort clair. Nous la lisons ainsi :
Imperatori Cesari Marco Aurelio Valissino Maximiano Pio
Deux Maximien ont pris part dans l'histoire romaine. Galerius Valerius Maximicimus, gendre de Diocletien proclamé Auguste en 305 mort en 311. Marcus Aurelius Valerius Maximianus, surnommé Hercules ou Herculeus, né en Sirmium, en 250 associe à l'empire par Diocletien en 286, renonça à l'empire en 305, reprit la pourpre en 306, abdiqua une seconde fois en 308. On raconte qu'il habitait en 309 à Arles, le palais de Constantin, à corrompre les troupes de la résidence impériale. Il se fit même proclamer empereur pour la troisième fois. Constantin revint sur ses pas, le poursuivit à Marseille, le fit prisonnier et le dépouilla de la pourpre mais le garda dans un palais d'Arles. Ayant conspiré de nouveau en 310 pour reprendre un pouvoir dont il était singulièrement affamé, on le condamna à mort et comme on lui laissa la choix du supplice, il s'étrangla.
L'inscription de Campan se rapporte évidemment à ce Maximius Hercules et en conséquence a été gravée à la fin du troisième siècle ou au commencement du quatrième. On peut admettre que c'était la pierre militaire d'un Campani et qu'elle était comprise dans une pile qui aurait été dressée sur le territoire de Campan.
Il importerait de savoir où elle était au temps des Romains, point sur lequel règne la plus grande obscurité.
Les Aquitains avaient élevé dans cette localité un Sacellum ou Sanstuaire à l'un de leur Agheion. Un autel de cette même divinité y fut découvert et transpoorté au musée de Toulouse.
En l'An XXVII, les Aquitains ayant pris les armes contre les Romans, le préconsul Messala conduit ses légions contre eux. On se battit avec acharnement de part et d'autre. L'Adour et les Pyrénées, témoins de cette sanglante bataille, frémirent de voir leurs fils plier sous les armes romaines. Les Bigorrais rentrèrent sous la domination d'Auguste. La tradition veut que cete bataille se soit livrée à Campan, près de Sayalle, dans une plaine appelée aujourd'hui Prés St Jean, et que les paysans de la vallée désignent encore aujourd'hui sous le nom de Camp Bataillé. .
Ce qui justifie cette dénomination c'est que non loin du lieu qui servit de champs de bataille, se trouve une colline connue sous le nom de Sarrat des Mortis ( Montagne des Morts ) et qui rappelle constamment la journée mémorable où les Bigorrais furent soumis par les Romains.
La tradition rapporte encore que des restes de l'armée des Sarrasins, battue à Poitiers, par Charles Martel et aux landes d'Ossun près de Tarbes, par un prêtre Missolin, avec le concours des Bigorrais, s'étaient réfugiés dans les Pyrénées.
En 733, un combat se serait engagé entre les Maures et les Campanois ; il aurait eu lieu à Campan sur les champs qui s'étendent entre l'ancien prieuré de St Paul et l'Adour. On y a, dit-on, trouvé des éléments à diverses époques. Les malheureux, que l'épée des vainqueurs épargne, n'eurent d'autre ressource que d'embrasser le christianisme. Mais, séparés du reste des fidèles, confinés dans des quartiers éloignés, ils y formèrent une caste abhorrée et malheureuse.
Des distinctions humiliantes, des épithètes injurieux cagots, servirent à les désigner. C'est ainsi que, toujours d'après les traditions, qui seule en a conservé le souvenir, une tribu des Maures se serait établie à Campan ; leur souvenir est encore vivant dans la contrée : un quartier de la commune situé sur la rive droite de l'Adour et un pont situé sur ce fleuve portent encore aujourd'hui le nom de quartier et de pont de Cagots.
L'église atteste encore la présence de ces infortunés dans la localité on y voit au fond sous la cloche, la place particulière qui leur était assignée, leur entrée spéciale et leur bénitier particulier.
En 1136, Forton de Vic avait reçu de Cendulle II, comte de Bigorre, un domaine à Cabadur, dans la vallée de Campan ; sur le conseil de la comtesse Béatrice et Guilhaume, évêque de Tarbes, Forton céda cette terre à Vauche, moine de l'ordre de Citeaux qui y éleva une abbaye dont il reste même quelques ruines et y établit pour premier abbé un de ses religieux Bernard.
Trois ans après Bernard de Labarthe, frère du vicomte Othon, étant devenu abbé de Cabadur, voulut transférer son monastère dans un lieu plus comode et moins retiré dans les montagnes. Arnaud, vicomte de Lavedan et Raymond, vicomte de Bourg, obtinrent pour lui du comte Pierre et de la comtesse Béatrix de Bigorre le site de l'Escaladieu sur les bords de l'Arros ; c'est là que Bernard transféra son abbaye six ans après qu'elle eût été fondée à Cabadur. Elle avait servi de retraite à St Bertrand, évêque de Comminges, lequel dut sa canonisation au témoignage rendu par les moines au sujet des miracles qu'ils lui avaient vu opérer.
A Cabadur on montre aux voyageurs la prairie, la montagne des moines. On doit à ces religieux de grands travaux de défrichement ; le nom de Stupas donné à ces collines rappelle l'étonnement qu'ils ont produit. D'après une commune croyance ce sont eux qui auraient fait de l'affreuse forêt de la Séoube, un séjour assez agréable pendant quelques mois de l'année ; c'est à leur intelligence et infatigable activité qu'on devait l'ingénieux système d'irrigation usité dans la vallée et qui y porte la vie et la fécondité. Au concours régional de Dax (1882), la commune de Campan a obtenue, pour son système d'irrigation un objet d'art d'une valeur de 800 frs environ et une somme de 1.000 francs qui a été consacrée à l'amélioration des conduites d'eau.
Les campanois se firent remarquer par les secours qu'ils apportèrent aux catholiques durant les guerres de religion et par le succès qu'ils obtinrent devant Tarbes, sous les ordres du duc de Gramont, seigneur d'Asté. A cette époque, les habitants de ce pays furent décimés pendant trois ans par la peste, par l'incendie qui consuma 70 maisons en 1694 et par les avalanches qui en 1660 en détruisirent encore une partie.
Voici ce que M. Cazeaux, ancien juge de paix de Campan raconte au sujet de cette peste :
Une maladie épidémique au mois d'août 1683, frappa le Bourg et la vallée de Campan ainsi que d'autres lieu du Bigorre. Le curé Galiay dont il sera parlé plus loin à cause de ses démêlés avec l'évêque d'Yharse, quitta la commune pendant l'épidémie... L'autorité municipale crut devoir prendre quelques mesures de police pour empêcher que la communication entre les habitants des quartiers infectés avec ceux qui ne l'étaient pas.
Le progrès de cette terrible maladie ayant diminué, M. le curé rentra dans la commune et voulut y excercer ses droits curieux. Le premier acte qu'il fit (le danger passé), fut de prescrire des prières publiques, des processions générales, pour remercier Dieu de ce qu'il voulait faire cesser le fléau. A cet effet, ces réunions publiques avaient été indiquées à l'avance et ces réunions avaient lieu à l'église.
L'autorité municipale prit des mesures de police afin que ces rassemblements n'occasionnassent un nouveau développement de l'épidémie, et ordonna la fermeture de l'église. Mais le curé s'y opposa violemment et revêtu de ses habits sacerdotaux, ouvrit lui-même les portes et apostropha avec injures les consuls qu'il traita de huguenots et ordonna au peuple d'entrer dans le temple. Les consuls pour éviter le scandale se bornèrent à protester et se pourvirent auprès du parlement de Toulouse pour obtenir la sanction des mesures de police adoptées par eux.
Par arrêté du Parlement du 30 janvier 1665, il fut enjoint au recteur de Campan sous peine de mille livres d'amende de s'occuper de la police des lieux publics.
- Nota - On trouve sur les registres de l'état civil de Campan, en 1653 :
" Le registre des morts a été interrompu depuis le 27 septembre 1653 jusqu'au 15 février 1654, à cause de la maladie contagieuse de laquelle Dieu a voulu affliger la paroisse de Campan". .
M. Cazeaux raconte encore de la manière suiante la cause de l'incendie qui en 1694 détruisit l'église, la halle et 70 maisons.
Deux mendiants de la commune de Bize- Nistos vinrent à Campan faire leur tournée ; ils couchèrent au Peyras dans la nuit du samedi au dimanche 19 novembre 1694. Ils devaient partir le lendemain au matin pour continuer leur course ; la maîtresse du logis, femme charitable leur observa, qu'avant leur départ, elle voulait qu'ils mangeattent la soupe. En effet, cette bonne femme se met en mesure de la leur préparer. Etant sortie un instant pour aller chercher du bois, ces coquins s'emparèrent d'une somme de 34 livres... Lorsque la maîtresse rentra, ils lui dirent qu'ils avaient changé de détermination, quapos;ils ne voulaient pas continuer leur tournée dans Campan, qu'ils voulaient rentrer à Bize-Nistos le jour même, et que, napos;ayant pas de temps à perdre, ils ne pouvaient attendre que la soupe fût cuite et partirent en effet sur le champs.
Mais au lieu de se rendre dans leur commune, ils se dirigèrent vers le quartier d'Escarret et entrèrent dans la maison Couloumé où ils savaient qu'il y avait de l'argent. Ils y assassinèrent une jeune femme qui était restée seule pour garder la maison et allaiter son enfant pendant que le restant de la famille s'était rendue à Sainte-Marie pour entendre la messe. Ils emportèrent une somme de six cents livres.
Ces scélérats, après avoir consommé leur crime, s'empressèrent de quitter la commune. Ils arrivèrent au Bourg de Campan vers deux heures de l'après-midi et entrèrent dans un cabaret tenu par des gens mal formés. Ce cabaret était établi dans une maison au rez-de-chaussée, couverte en paille, au centre du bourg...
Mais déjà la femme du Peyras, chez laquelle le vol des trente quatre livres avait eu lieu, avait informé l'autorité de ce qui se passait et cette même autorité allait recevoir aussi l'avis de l'assassinat commis à Escarret lorsque ces scélérats, avertis probablement des mesures qu'on allait prendre contre eux, et des dangers qu'ils couraient, conçurent le dessein infernal de mettre le feu au cabaret afin d'occuper la population et de détourner d'eux son attention. Ils mirent le feu à la toiture de cette maison et s'enfuirent par la rue Recaze.
Un vent fort régnait en ce moment, il propagea l'incendie dans l'enceinte du Bourg ; l'église, la halle et 70 maisons furent brûlées.
Le bruit de ces désastres se répandit bientôt dans les communes environnantes ; des agents de l'autorité et de la force armée furent envoyés à Bize-Nistos, mais ces scélérats n'y avaient pas encore paru.
Un bûcheron s'était rendu dans la forêt de l'Escaladieu... aperçut deux individus qui avaient l'air de se cacher ; il en informa le supérieur du couvent. Celui-ci, à son tour, en fit part à l'autorité de Cieutat et de Bonnemazon. Ces autorités se concertèrent, firent un appel aux habitants de ces communes qui, tous réunis, entourèrent la forêt, et, accompagnés de chiens, firent une battue dans l'intérieur et découvrirent la retraite de ces brigands. Ils s'en emparèrent et les remirent à la force publique.
Ces scélérats furent conduits à Toulouse où ils furent jugés, condamnés à mort et brûlés vifs. .
La reconstruction de l'église se fit immédiatement ; la charpente du clocher telle qu'elle existe, chef-d'œuvre qui atteste le savoir faire des ouvriers à cette époque a été placée en 1695 ; la charpente et la couverture de l'église ont été terminées en 1696. La commune fournit le bois nécessaire et les travaux se firent aux frais des habitants. Le curé Galiay ne voulut pas y participer. Ce dernier est resté célèbre dans la commune par ses démêlés avec l'évêque d'Yharse et le prieur de St Paul. On va en juger par ce qui suit :
La chapelle de St Paul, qui fait aujourd'hui partie d'une agréable habitation, était autrefois un prieuré. Elle s'élève sur un mamelon, au milieu d'un bouquet d'arbres qu'on aperçoit à droite de la route entre Beaudéan et Campan.
La chapelle renommée fut érigée en 1520, d'après quelques documents, incertains cependant, qui semblent faire remonter son érection à cette époque.
Comme toutes celles qui furent établies sur le territoire de la commune et dont le nombre est assez considérable, elle fut d'abord votive. Placée favorablement, elle frappa l'attention des personnes qui visitaient nos vallées et ne tarda pas à devenir l'apanage d'un C de noble famille ; elle fut dès lors érigée en prieuré.
En 1612, M. de Coture de Tarbes était prieur de St Paul. Il ne se rendait jamais à la chapelle, le titre de prieur de St Paul était purement honorifique ; elle était desservie par les prêtres de Campan, le jour de St Paul allaient y célébrer les messes et recevoir les offrandes de toute espèce.
En 1639, la guérison miraculeuse d'une fille impotente de Bagnères, attribuée aux vertus de la chapelle, y attira une affluence considérable des pèlerins qui apportaient dans la dite chapelle des offrandes et des dons de toute nature. M. De Coture y ayant porté son attention, s'attribua les oblations et les messes votives ainsi que tous les dons qui profitaient auparavant au curé Galiay. Celui-ci se voyant dépouillé des présents qu'on portait à la chapelle en témoigna son mécontentement. Et comme le prieur avait envoyé deux prêtres pour desservir, monta en chaire, et là il déclare :
" Que l'évêque n'avait pas donné pouvoir de confesser aux prêtres nouvellement venus à St Paul ; que ces prêtres étaient en état de pêché mortel et schismatiques ; que les honnêtes gens de Campan ne devaient pas souffrir cette dévotion dans la chapelle St Paul ; que le prétendu miracle et les indulgences qu'on y recevaient le jour de St Pierre et de St Paul, étaient de pure invention d'hommes qui devaient être excumuniés.
L'évêque se rendit à Campan le 1er novembre 1639, y célébra la messe paroissiale, fit faire les absoutes d'usage et s'en attribua le montant au détriment du curé. Exaspéré contre le curé de Campan par M. de Coture, l'évêque d'Yharse traita le curé avec la plus grande rigueur, jusqu'à oublier sa dignité épiscopale. Ce même jour, sur la promesse qu'il en avait faite au prieur de St Paul, l'évêque déclar la chapelle indépendante du curé de Campan pour ne relever désormais que de son autorité directe. Le 4 Septembre 1639, le curé Galiay appela comme d'abus devant le Parlement de Toulouse, de la décision de l'évêque, concernant la chapelle St Paul, et en restitution de la somme provenant des absoutes faites par l'évêque à son détriment.
Le parlement de Toulouse débouta le curé des conclusions par lui prises et le condamna aux dépens.
L'évêque fait ensuite censurer les propositions qu'on imposent au curé, comme erronnées, scandaleuses et hérétiques. Il excommunie M. Galiay et charge M. de Coture, prieur de St Paul d'administrer les sacrements dans toute l'étendue de la paroisse St Jean-Baptiste de Campan.
Le curé, alarmé d'une décision aussi sévère fait des démarches inutiles auprès des archevêques et évêques voisins pour obtenir la levée de l'excommunication qui pesait sur lui.
Le curé s'adresse alors aux députés du clergé de France et obtient d'eux une ordonnance portant injonction à l'évêque de lever l'excommunication soit par lui-même ou par un de ses vicaires généraux. Le 21 novembre 1639 le curé fait signifier cette ordonnance à l'évêque par un huissier demeurant à Vielle. Cet huissier est reçu par les valets du prélat à coups de fourches et de bâtons et poursuivi dans la rue à coups de pierres.
Salvat d'Yharse, évêque de Tarbes, vint, le 20 août 1640, visiter le prieur de St Paul, et se retira chez le seigneur de Beaudéan avec lequel il devait passer deux jours. Jacques de Coture, frère du prieur, présumant que le curé de Campan ne manquerait pas de venir rendre ses devoirs à son évêque résolut de le faire assassiner.
A cet effet, dans la nuit du 20 au 21 avril 1640, il fit venir de Tarbes dix hommes armés de piquets et de pistolets. Ces hommes s'enfermèrent dans une grange devant laquelle devait passer le curé pour se rendre au château. Le curé, informé de ce qu'on voulait faire, évita le piège qui lui était tendu.
Le 21 août, M. Galiay présente une requête aux consuls de Bagnères, auxquels il dénonce l'attentat commis contre lui. M. Lasson, procureur royal fut chargé de faire une enquête, mais elle ne produisit aucun résultat.
M. Galiay, curé de Campan pouvra fort bien sa carrière. Il mourut le 15 mai 1702 à l'âge de 101 ans. Il n'avait rendu le dernier soupir que des voleurs avaient spolié sa succession.
A cette occasion, sur la requête du frère du curé, l'évêque d'Yharse autorisa la publication d'un chef de monitoire ainsi conçu :
Sous peine d'excommunication, toute personne qui avaient pour l'argent et les effets mobiliers susdits qui auraient en connaissance, des sommes qui étaient dues au défunt, et celles que, malicieusement ne veulent point payer de qu'elles lui devaient sont tenues de le révéler ...
Adrien de couture succéda à Guilhaume, son oncle, au prieuré de Saint-Paul. Pendant quelques années encore, la dévotion et les présents se maintinrent à la chapelle ; mais vers 1770, elle n'était presque plus fréquentées. C'est vers cette époque que le prieuré de Saint-Paul passa aux mains de M. Corné, ancien évêque de Bourges, et les prédicateurs de Louis XV. Le nouveau prieur fit et refit à plusieurs reprises la maison et les promenades qui l'entoure actuellement. Les changements si fréquents que l'on fit subir à cette propriété sont restés proverbiaux dans la localité. Il avait espéré sans doute, quand il était prieur de Saint-Paul, pouvoir finir ses jours dans son prieur ; car il avait fait faire une bière en pierre de taille qu'il avait placé dans son domaine et fait entourer de murs. Il n'eût pas cette satisfaction, et sa tombe sert aujourd'hui d'abreuvoir aux vaches d'un propriétaire de Campan.
En 1793, le prieuré de Saint-Paul, qui forment un très joli domaine, fut vendue par la Nation et acheté par Barrère de Vieuzac, député de la Convention. M. Tourné, évêque a réalisé ce proverbe : 00 évêque devenu meunier. Il a vécu, ces derniers temps, du produit de moulin à vent qu'il avait fait construire sur le territoire de la commune de Souyeaux et dont la tour existe encore aujourd'hui. Finalement et il est mort dans la misère.
La chapelle de Saint-Paul n'existe plus ; elle a été transformée en étable. La propriété de Saint-Paul appartient aujourd'hui à M. Dulout, de Campan, et sert d'habitation à M. Le juge de Paix du canton.
M. Cazeaux, ancien juge de paix, et ancien originaires de Campan, raconte, dans ce recueil de notes écrites par lui et tiré des archives municipales, l'histoire de deux faux-monnayeurs découverts à Campan en 1702. Voici ce qu'il dit :
Deux individus, originaires de Montauban, marchand de chiffons, et colporteurs de marchandises en usage dans la localité avait loué une maison à Campan pour leur servir de gîtes.
Ces deux individus faisaient des absences fréquentes et la maison était, pour ainsi dire, abandonnée. Les habitants du quartier n'y faisaient nul attention connaissant des habitudes de ces deux marchands ambulants. Ils avaient cependant remarqué, pendant ses absences présumées et des heures très avancées de la nuit, de la lumière qui disparaissait immédiatement. L'on avait entendu aussi, dans d'autres circonstances, des bruits sourds qui semblaient provenir des entrailles de la terre, quelquefois des sons qui semblaient produits par des chaînes en fer.
Il n'en fallut pas davantage pour que la superstition ne s'empara de ces circonstances et que l'on considéra cette maison comme habité par des revenants. Déjà, les habitants du quartier n'osait y passer devant après l'angélus. D'autres croyaient faire acte de courage en passant devant cette maison, seuls, aprés minuit, sans faire le signe de la croix.
Pendant l'époque du Carnaval le 1702, des jeunes gens étaient réunis au cabaret pour souper ; ils avaient gaiement passé leur soirée , lorsque l'un d'entre eux eût la fantaisie de proposer à un de ses camarades d'aller frapper à la porte de la maison dont il s'agit. Celui-ci s'y refusa convenant qu'il n'en avait pas le courage.
" Et bien, puisque tu n'oses pas y aller, j'irai moi-même ; deux, parmi vous, me suivront à une certaine distance pour s'assurer du fait. "
La proposition acceptée, deux, des jeunes gens, suivent leur ami et s'arrête auprès de la halle pour voir s'il aboutissait réellement à la maison signalée. Ce jeune homme prit un caillou à la main droite pour frapper à la porte... On le voit s'approcher, mais tout à coup, comme s'il eût éprouvé la crainte d'un grand danger, ses camarades le voit fuir et se diriger vers eux. Il ne pût leur parler pendant quelques instants... Il tombe en syncope. Quand il reprit ses sens, il leur raconta qu'en approchant de la maison, il avait vu un fantôme couvert d'un drap blanc à la fenêtre. Que, malgré cette apparition, il se proposait de frapper à la porte, lorsqu'au même moment, il entend un gémissement souterrain, et il lui semble que la terre a tremblé sous ses pieds...
Cette circonstance fit beaucoup de bruit à Campan et dans les communes voisines et on voulut s'assurer de la réalité de ces faits... Pendant ce temps, quelques pièces d'argent fausses avaient été répandues dans la circulation et l'on s'arrêta à l'idée que la maison précitée pouvait bien être habité par des faux-monnayeurs. Pendant la nuit du 18 février 1702, cette maison fut entourée par un nombre considérable de personnes, et par la maréchaussée de Bagnères ; le lendemain, au jour, on força les portes. L'on s'empara des deux individus qui venait de s'occuper, quelques instants auparavant de leur coupable industrie. Ils furent conduits à Toulouse et condamnés à être pendus à Campan même. Personne ne les connaissaient dans la commune et les colporteurs devaient être leurs complices et chargés de mettre en circulation des pièces fausses. Le 26 juillet 1702, le bourreau et ses aides se rendirent dans la commune pour procéder à l'éxécution des deux condamnés. Deux cordes furent placées à une forte branche d'un gros chêne au quartier du Layris, et les deux faux-monnayeurs furent pendus. Ce chêne se trouvait dans l'emplacement occupé par le nouveau cimetiére. Cet arbre était encore sur pied en 1806 et on l'appelait le chêne des pendus.
Parmi les faits importants qui se sont passées à Campan depuis le commencement de ce siècle, il faut citer l'incendie de la forêt de Mourgoueilh, la disparition subite de l'eau de l'Adour, en 1816 et le transport de canons aux cabanes de Tramesaïgues par le Général Levasseur (1825).
La forêt de Mourgoueilh a été incendiée une première fois le 30 brumaire An 12 ainsi que cela résulte d'un procès-verbal dressé par le sous-inspecteur forestier. Cette superbe forêt brûla pendant 15 jours jusqu'à ce qu'enfin le feu ne trouva plus d'aliments. En l'année 1814, le feu a consumé, à nouveau, les vieux troncs d'arbre épargnés dans l'incendie de l'an 12 ainsi qu'un nombre considérable de jeunes sapins dont le sol était recouvert. Aujourd'hui, les traces de ces incendies ont complètement disparu ; car, grâce à la fertilité du sol, la forêt s'est repeuplée et renferme des arbres magnifiques : essence sapin et hêtre.
Le 26 mai 1816, vers une heure de l'après-midi, l'eau de l'Adour disparaît presque en entier ; toutes les usines, moulins et scieries, sont mis à sec. La population se dirige vers le fleuve. On s'interroge en tremblant sur les causes d'un pareil événement. Mais déjà les habitants de Lagües viennent prévenir M. Bourdette, maire, que l'eau de l'Adour s'échappe par une ouverture souterraine, près de l'Oustaou de Margalit. Le maire se rend sur les lieux, avec bon nombre de curieux, et on s'aperçoit que l'eau de l'Adour disparaît, avec fracas, par un énorme entonnoir dans l'intérieur de la terre.
Si l'étonnement fut grand à Campan, qu'elle ne fut pas la stupéfaction de M. Romain et de sa famille au château de Médoux sur le territoire d'Asté. M. Romain, promenait dans son jardin, lorsque des flots furieux sorte d'une fontaine située dans sa propriété ordinairement si tranquille. En un moment, son jardin est converti en un lac et M. Roumain a, tout au plus, le temps de monter sur un tilleul énorme, dans l'intérieur duquel, il avait établi un réduit, où il était dans l'habitude d'aller faire la sieste chaque jour. L'anxiété de M. Roumain et de sa famille ont été grande ; mais enfin vers les quatre heures, l'eau se retire et les choses reprennent leur état habituel : des ouvriers sur l'invitation du maire de Campan, avait comblé l'excavation par où l'eau s'enfuyait.
Avril 1825 - le Général Lavasseur part de Toulouse pour se rendre dans les pyrénées afin d'essayer le nouveau mode adopté pour les transports de l'artillerie. Il parcourt toutes les vallées. Il va à Labassère, à la vallée de l'Esponne, à Gers, aux Baronnies et ailleurs en suivant les chemins les plus scrabeux et les plus difficiles. Il vient à Campan, le 24 avril 1825, et se dirige vers le Tourmalet. Entre les cabanes de Lartigue et celles de Tramesaïgues, il trouve un chemin ou plutôt un sentier, très rapide, raboteux et couvert de neige. Les chevaux ne peuvent enlever les trains de l'artillerie, un fourgon est sur le point d'être renversé, il est redressé par les soldats. Le Général fait attacher un gros câble aux pièces et ordonna à ses soldats de se mettre à la manœuvre pour venir en aide aux chevaux, mais leurs efforts sont inutiles. M. Cazaux, maire, voyant la peine que prennent les soldats, engage une vingtaine de vigoureux montagnards à se joindre à ces militaires ; les pièces d'artillerie sont enlevées. Arrivés aux cabanes de Tramezaïgues, le Général fait pointer les pièces et salue le Pic du Midi de trois coups de canon. Plus de 200 personnes attirées par la curiosité avaient suivi le Général jusqu'à Tramezaïgues.
La chapelle de Saint-Roch au Laygües est une des moins anciennes de celles qui existaient à Campan ; elle fut élevée en 1680 par les soins pieux des habitants de ce quartier, en commémoration d'une épizootie terrible qui se déclara parmi les bêtes à corne, et de l'événement heureux qui la fit cesser. Les habitants, dit M. Cazaux, voyaient périr leurs vaches par l'effet d'un mal inconnu, elles paraissaient et, tout à coup, elles tombaient comme frappées de la foudre. C'est en vain qu'ils avaient imploré la bonté de Dieu, et les prières qu'ils lui avaient dressées, soit à la chapelle de la Monjoie, soit à celle de Sainte Barbe, voisine de ce quartier, n'avait pu faire cesser le fléau.
Un des plus anciens de la localité avait vu périr sa dernière vache et dans sa douleur poignante, remerciait la providence de ce que l'auteur de toutes choses avaient voulu épargné les hommes. Un idée soudaine, effet de l'inspiration divine, frappe son imagination :
" Jusqu'à ce jour, dit-il, nous n'avons adressé à Dieu que des prières individuelles ; réunissons nous tous pour implorer sa miséricorde. "
En effet, à savoir, tous les habitants du quartier se réunissent à un endroit désigné longtemps avant ce jour ; ils envoient chercher un prêtre de Campan ; réunissent sur un pré les vaches qui avait été épargnées et au moment où le soleil paraît, se prosternèrent, en adressant à Dieu de ferventes prières, en invoquant Saint-Roch, le bienheureux. Une messe fut célébrée.
Dès cet instant, le fléau cessa ; une chapelle fut immédiatement construite sur l'emplacement où la messe avait été célébrée, en l'honneur de ce saint ; une fête fut institué. Depuis cette époque, tous les ans, un prêtre de canton a été y célébrer la messe, jusqu'en 1826, qu'elle fut est interdite par M. de Nayrac, évêque de Tarbes.
M. Double, évêque du diocèse, s'étant rendu à Campan le 9 août 1835 pour y administrer le sacrement de la confirmation, une députation des habitants de ce quartier se rendit auprès de lui, pour le prier de lever l'interdit qui pesait sur leur chapelle chérie. Cette demande fut accueillie favorablement et la permission d'y célébrer la messe fut octroyée.
Les hommes célèbres ne sont pas nombreux dans la commune. Parmi ceux qui se sont le plus distingués, on cite : Gaye Mariolle, premier sapeur de l'Empire. Il était né dans la vallée de Campan. Malgré toutes mes recherches, je n'ai pas pu me procurer la biographie et je n'ai osé le faire d'après les renseignements qu'on m'en a donnés, la plupart était probablement de pure invention. À la mairie de Campan, on voit un beau tableau représentant le vaillant soldat. Ce tableau a été donné à la commune par M. Achille Jubinal, ancien député.
La langue vulgaire de la localité est l'un des nombreux dialectes de la langue romane ; elle ne manque ni de finesse et, ni de tout cela, ni d'énergie. En général, les habitants entendent le français, mais, sauf quelques rares exceptions, ils le parlent toujours mal, et comme ils sentent toutes leur ignorance, ils aiment mieux s'exprimer en patois. Comment ne serait-il pas attacher à cet idiome ? C'est leur langage maternel ; il ne leur coûte aucune étude, il est non seulement expressif, mais abondant et il se prête au double charme de la poésie et de la musique.
Les chansons du charmant poète Despourrins sont connus dans ce pays. On entend souvent celles qui commencent par ces vers :
1. " La haou sus la montagne, a pastou malheurous,
seduit aou pé d'u haou bagnat dé plous,
Sounjabé aou cambiamén dé sas amous... "
2. " Bagnères, séjour de plaisir et d'amour
Patrie chérie me voici de retour... "
L'hymne national retentit aussi très souvent dans la rue et dans les réunions ; la jeunesse semble s'attacher de plus en plus aux chants patriotiques.
Les mœurs sont simples et pastorales. C'est une population généralement bonne, douce, hospitalière, vivant très sobrement. Dans la vallée, on est très laborieux et économe. Mais c'est, en même temps, une population ignorante et par suite superstitieuse. En général, on est très infatrue des sorciers, des loups-garous, des revenants. Les devins, les rebouteux y sont en honneur. Cependant, au fur et à mesure que l'instruction se propage, toutes ces superstitions tendent à disparaître. Les vieux, les ignorants, reste seuls imbus de ces croyances ridicules.
La population est presque entièrement catholique ; la Foi y est très vive, poussée même parfois jusqu'au fanatisme. Dans la haute vallée surtout, les gens sont très zélés pour les pratiques extérieures du culte.
Dans presque toutes les maisons de la commune, la plupart des vêtements sont confectionnés avec la laine des troupeaux.
L'habillement des hommes consiste en une assez courte veste de couleur brune, une étoffe grossière et lourde appelée cadis ; un gilet et un pantalon de même étoffe, une cape grise avec le large capuchon qu'ils quittent rarement en hiver ; un béret est leur coiffure ordinaire.
Les jeunes filles et leur mère filent de la laine et souvent la tissent non seulement pour les vêtements des hommes mais encore pour les leurs qui consiste en une casaque ou brassière qui marque la taille jusqu'aux hanches et qui se ferment en se boutonnant ; en un jupon qui descend jusqu'à la cheville. Elles se coiffent d'un mouchoir disposé complètement sur leur tête. Durant l'hiver, les guêtres en drap complètent leur vêtement si le pays est boueux ou couvert de neige. Tel est le costume des femmes les jours ouvriers, costumes qui contraste singulièrement avec celui des jours de fête. Ces jours-là, la parure, gracieuse, fine et élégante des jeunes filles de notre vallée ne la cède en rien à celles de nos bourgeoises.
La commune de Campan n'est pas riche en monuments publics.
Cependant, on remarque que l'église construite en 1567, elle est précédée d'une cour qu'entoure une sorte de hangar porté par sept colonnes octogonales de marbre. La porte de cette cour, en plein cintre, assez belle, est datée de 1562. Le portail de l'église, ainsi que les autres ouvertures sont en ogive. Le clocher, seul en pierre de taille et dépourvu d'ouverture, porte les dates de 1548, 1554 et 1555. Une petite flèche s'élève sur le chœur. À l'intérieur, on remarque la voûte en bois, les fonts baptismaux et un grand bénitier en marbre de Campan.
On lit dans les notes écrites par M. Cazaux :
" Par suite de l'incendie du 19 novembre 1694, le bénitier et les fonts baptismaux furent détruits ; il en fut placé de nouveaux ; il en résulte de l'article 53 du compte des consuls, pour l'année 1694, que les sieurs Jean Brau et Jean Dubarry perçurent une somme de six livres pour avoir porté d'Espiadet jusqu'au lieu d'Asté, deux blocs de marbre, pour le bénitier et les fonts baptismaux ; que le sieur de Jacques Lhez d'Asté reçu quatre livres quatre sols pour avoir fait le bénitier de marbre ; les consuls gardes dépensaient 20 sols lorsqu'ils firent le marché avec l'ouvrier. Il était à présumer que la commune dû fournir quelques autres indemnités au sieur Lhez ; le travail de ce meuble distingué semble du moins l'indiquer. "
On voit également à Campan des halles du XVI siècle, elles furent construites en 1565, brûlées en 1694 et reconstruitent quelques années après. Au sud des halles, se trouve une belle fontaine en marbre du pays, construite vers 1630. L'eau coule dans un assez grand bassin circulaire en marbre vert qui a l'époque de son érection devait avoir son importance sous le rapport matériel et sous celui de l'art.
La mairie, assez bel édifice, a été bâtie en 1810. Les archives communales sont assez importantes, mais, elles ne se composent que de documents officiels et administratifs : État-civil, bulletin officiel, moniteur des communes, etc. Les documents destinés à établir l'histoire de la commune font entièrement défaut. On ne trouve que quelques notes écrites par un ancien juge de Paix de Campan, M. Cazeaux.
Enseignement
Les documents scolaires faisant complètement défaut, l'historique de l'enseignement des écoles n'est que la reproduction des renseignements que j'ai pu recueillir auprès des vieillards et des personnes d'un âge mûr.
Dans toute la commune, Bourg et hameaux, les écoles ont été créées antérieurement à la Révolution.
Primitivement, l'école du bourg été mixte, dirigé par des hommes de la commune, ayant reçu une certaine instruction ; souvent, il y en avait plusieurs qui exerçaient en même temps les fonctions d'instituteur libre. Comme la même commune n'avait pas de maison d'école, et recevait les élèves chez eux et étaient payés à raison d'un franc par mois et par élève.
Plus tard, on verra 1820 au 1825, la commune commença à faire un léger sacrifice ; elle vota d'abord soixante francs pour le loyer de la salle d'école. L'enseignement ne comprenait alors que la lecture dans l'initiation de la Bible, l'écriture, les notions les plus élémentaires de la grammaire et de l'arithmétique.
Après la loi de 1833, la position des instituteurs s'améliora un peu ; ils reçurent 200 frs de la commune, plus un franc par mois et par élève payant. À partir de cette époque, la commune eut des instituteurs plus capables et plus dévoués.
Depuis, le traitement des maîtres subit diverses améliorations à des époques différentes.
Enfin, depuis la loi de 1875, l'instituteur jouit d'un traitement afférent à sa place.
Actuellement, le directeur de l'école reçoit 1300 frs et l'adjoint 700 frs. Grâce au Gouvernement Républicain, l'instituteur est aujourd'hui à l'abri du besoin.
La fréquentation est généralement bonne. Le même le nombre des élèves varie de 50 à 60 pendant l'été, de 60 à 72 pendant l'hiver.
La maison d'école bâtie en 1864 se compose de deux salles de classe trop petites l'une et l'autre (elles ont ensemble une surface de 60 mètres carrés) ; d'une cour et d'un préau, si l'on peut appeler ainsi un petit hangar de quelques mètres carrés et où l'on est à l'abri ni du vent, ni de la pluie, ni de la neige.
Le logement de l'instituteur seul est assez convenable, il se compose d'une cuisine au rez-de-chaussée et de trois chambres au premier étage. Le mobilier scolaire est en mauvais état et incomplet et devrait être renouvelé et complété, les tables remplacés par un système plus commode.
La salle de classe et le préau devraient aussi être agrandis.
On peut porter à 2.000 frs les améliorations à réaliser à l'école du Bourg.
En 1835, une école de filles fut créée au Bourg, elle fut d'abord dirigée par une institutrice laïque qui recevait de 100 frs de la commune et un franc cinquante par mois et par élève payant. En 1845, l'enseignement laïque est remplacé par l'enseignement Congréganiste ; depuis cette époque, l'école est dirigé par des Sœurs de la Croix. L'institutrice titulaire reçoit un traitement de 700 frs ; l'adjointe de 600 frs. La maison d'école des filles appartient à la congrégation, la commune supporte les réparations ; la salle de l'école maternelle est la propriété de la commune.
Écoles de Galade
On croit généralement que la formation de l'enseignement dans cette section remonte à l'époque de la Révolution. Les instituteurs furent payés comme dans le Bourg, un franc par mois et par éléve. À partir de 1838, la commune alloua d'abord 10 francs puis 100 et enfin plus tard 150 aux institutions de Galade, afin de permettre aux enfants indigents de fréquenter l'école. Leur situation ne change qu'à partir du 1er janvier 1881. La commune vota un traitement de 800 Fr.
Le 25 janvier 1883, l'école libre de Galade fut érigée en école publique de hameau. Le traitement du maître actuel est de 900 Fr. Les filles de ce hameau ont fréquenté l'école du Bourg jusqu'en 1877, époque où une institutrice ouvrit une école libre dans ce quartier. Sa position ne fut pas d'abord bien brillante, elle jouissait du produit de la rétribution scolaire, à raison d'un franc cinquante centimes par élève et de la somme de 30 frs que lui accorda la municipalité. À partir du 1er janvier 1881, la maîtresse d'école reçut un traitement de 600 frs faits par la commune.
Le 25 janvier 1883, cette école fut classée école publique de hameau. L'institutrice reçoit un traitement de 700 frs. La fréquentation des écoles de ce quartier n'est pas bonne. La commune se propose de faire bâtir une maison d'école double dans cette section, en attendant elle paie 170 frs de loyer pour les deux fonctionnaires.
École de Sainte-Marie
La création des écoles de Sainte-Marie remonte à peu près à la même époque que celle des autres parties de la commune. En 1813 le nommé Gaye Morcenat y remplissait les fonctions d'instituteur. Les successeurs sont : Péteilh, Baylac, Gaye Bounet,Baylac, Jambot. Ces instituteurs étaient de la localité même, ils faisaient classe dans leur maison ; la section ne possèdait pas de maison d'école. Le nombre des élèves était de 20 à 25 pendant l'été, et de 40 à 45 pendant l'hiver.
Voici quel était le traitement de ces instituteurs : chaque élève devait payer à la fin de chaque mois 0,50 fr. et un petit pain de ménage ; ceux qui ne portaient pas le pain payaient un franc. Plus tard, la commune accorda aux instituteurs une allocation.
Au mois d'octobre 1873, l'école de Sainte-Marie, est érigée en école communale. Actuellement, l'école comprend de 40 à 45 élèves pendant l'été et de 60 à 65 pendant l'hiver. La fréquentation est assez régulière. La salle d'école se trouve dans une maison appartenant aux habitants de la section. La commune peut l'utiliser à condition d'en supporter les frais d'entretien. Cette salle est beaucoup trop petite pour le nombre des élèves qui fréquentent l'école, le matériel est dans le plus mauvais état. Mais une maison d'école dont le devis s'élève à 17.000 frs. a été mise en adjudication dernièrement et va être construite dans le courant de l'année. Vu le nombre considérable d'élèves ainsi que les programmes de 1882, la seule amélioration à réaliser serait la nomination d'un instituteur adjoint. L'instituteur reçoit un salaire de 1050 frs. L'école des filles est libre, payée par la commune et dirigée par des congréganistes, les sœurs de la Croix.
École de Cabadur
En 1710, plusieurs habitants du quartier de Cabadur s'étaient associés pour construire une maison d'école dans cette localité. Les premiers statuts de cette société datent de 1710 ; ils ont été renouvelés aux dates ci-après : le 27 octobre 1735 ; 27 août 1865 et 24 septembre 1833.
L'article 2 des statuts du 24 septembre 1833 est ainsi conçu :
" lorsqu'elle manquera de Régent, un instituteur aussi capable que possible pour donner aux enfants, admis à l'école, des leçons d'une manière conforme aux vœux de la loi. "
Jusqu'en 1852, les instituteurs recevaient mensuellement 0,50 Fr. pour chaque élève, plus, un pain par chaque famille qui envoyait des enfants à l'école. À partir de cette époque, les instituteurs prirent des abonnements ou traitaient à forfait avec les syndics : les émoluments ne pouvaient être inférieurs à 400 frs.
En 1861, le sieur Tajan fut appelé à diriger cette école comme instituteur adjoint de Sainte-Marie, il y contracta son engagement decennal et recevait comme appointements la somme de 150 fr. de la part de la commune pour les enfants de parents indigents admis à fréquenter l'école de Cabadur ; plus, une rétribution scolaire de 1,50 fr. par mois et par élève payant.
La situation des instituteurs dirigeant l'école de Cabadur ne changea qu'au 1er janvier 1877. La commune fut chargée de payer annuellement un instituteur de Cabadur une somme de 500 frs ; ce dernier jouissait en outre du produit de la rétribution scolaire basée sur l'abonnement des écoles publiques, c'est-à-dire 10 frs. pour un seul élève, 16 frs. pour deux et 1,50 Fr. par mois pour tout élève non abonné.
Le 25 janvier 1883, un arrêté préfectoral érigea l'école de Cabadur en école de hameau mixte et publique. Il ne reste pas de trace des instituteurs qui ont été appelés à diriger l'école surnommée pendant le siècle précédent.
Depuis le commencement du XIXe siècle, 27 instituteurs se sont succédés à Cabadur. L'école est actuellement dirigée par une institutrice.
Écoles de la Séoube
L'école de la Séoube a été fondée de la même manière que les autres de la commune, les maîtres étaient rétribués comme nous l'avons dit plus haut. Cette école était mixte jusqu'en 1852. La maison d'école actuelle a été construite en 1876-1877. Elle se compose au rez-de-chaussée, d'une salle de classe mesurant 8 m de longueur sur 5 m de largeur et 3,25 m de hauteur, d'une petite cuisine ; au premier étage se trouvent deux petites chambres.
Plusieurs améliorations seraient à réaliser à la cuisine et à la salle d'école ; elles nécessiteraient une dépense d'environ 300 frs.
Les élèves fréquentent l'école assez régulièrement, on compte en moyenne 28 présences journalières.
Le traitement du maître et 1.100 frs.
L'école des filles est libre, gratuite, et dirigée par les Sœurs de la Croix et rétribuée par la commune.
L'instruction populaire se répandant ainsi dans toutes les parties de la commune par les nombreuses écoles d'antenne dépourvue, le nombre des illettrés tend à diminuer de plus en plus.
En 1886, on compte trois conscrits illettrés et trois femmes qui n'ont pas pu signer leur nom dans leur acte de mariage.
Aucune école de la commune n'est encore pourvue de bibliothèque scolaire.
En peu de temps, nous espérons en créer une au Bourg et à Sainte-Marie ou une souscription est ouverte à cet effet.
Ces deux écoles possèdent même déjà l'armoire bibliothèque.
L'instituteur public,
Campan le 13 avril 1887.
Clavère.
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département 65.© Marie-Pierre MANET