La monographie de 1887 de Laméac
Hautes-Pyrénées
département 65.

(ADHP - Monographie établie en 1887)




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I


La petite commune de Laméac est située dans une plaine assez fertile resserrée entre deux collines couvertes de magnifiques forêts. Elle est limitée à l'est par les communes de Bouilh et de Trouley Labarthe ; au sud et au sud-ouest, par les communes de Chelle-Debat et de Jacque ; à l'ouest et au nord-ouest, par les communes de Peyrun et de St Sever. Son territoire mesure une superficie de cinq cent quatre hectomètres carrés ; et sa distance au chef-lieu de canton est de 11 kilomètres ; elle est de 20 kilomètres au chef-lieu de l'arrondissement et du département.

Ce pays ne présente pas de curiosités naturelles. Son sol qui est généralement fertile est partout cultivé ; de nombreuses prairies, de beaux vignobles dont l'exposition est magnifique constituent sa richesse. Une assez importante rivière le traverse du sud au nord, c'est l'Arros. Elle prend sa source aux baronnies dans les Pyrénées, et vient d'un cours lent et sinueux se jeter dans l'Adour. Ses débordements qui sont fréquents proviennent le plus souvent de la fonte des neiges dans les montagnes. Les dégâts causés par ses crues sont quelquefois considérables.

On voit ça et là quelque source jaillissante claire et limpide d'un tertre ou d'une anfractuosité. Ces eaux qui sont potables sont ordinairement recueillies dans des bassins qui servent d'abreuvoirs partout où des fontaines ne sont pas construites.

Ce pays qui a une altitude de deux cents mètres jouit d'un climat tempéré. Les froids ne sont pas excessifs et les chaleurs sont supportables ; il est d'une grande sallubrité. Les vents de l'ouest et de l'est qui soufflent parfois avec violence sont assez fréquents. Les pluies tombent abondantes pendant l'hiver, et sont assez rares pendant l'été. Néanmoins, beaucoup d'orages alors se forment et éclatent ; de là, des pluies diluviennes, sinon de la grêle qui cause d'affreux ravages dans cette contrée.



II


La population totale de la commune de Laméac, d'après le recensement de 1886, est de 310 habitants, le nombre de feux est de 77. Cette population ne tend pas à s'accroître ni à diminuer sensiblement ; elle restera longtemps encore dans une moyenne de 295 à 310 habitants. Le hameau du Trémont qui dépend de cette commune n'en est distant que de un kilomètre. Il se trouve situé dans un plateau sur la colline du levant ; il est de peu d'importance : 7 feux et 47 habitants le constituent.

L'administration municipale de Laméac se compose de dix conseillers, d'un maire et d'un adjoint pris dans le Conseil. Le seul fonctionnaire municipal est le valet commun qui est au service spécial du Maire. Les autres fonctionnaires exerçant dans la commune sont l'instituteur, l'institutrice, le garde-forestier et le Curé.

La commune est desservie pour les cultes par un prêtre catholique. Elle fait partie de la perception de Lacassagne, et les impositions de toute nature sont payées ordinairement par semestre au percepteur qui réside au chef-lieu de canton. Le bureau de poste qui la dessert est à St Sever ; la distance à ce bureau est de 3 kilomètres. Le revenu par franc qui varie presque toutes les années est actuellement de 0,1445. Les revenus communaux ordinaires de toute espèce s'élèvent en moyenne par an à la somme de quatre mille francs.



III


Le terrain qui est d'une nature généralement bonne, produit des céréales en abondance sur une surface de cent quatre-vingt-quatorze hectares. Voici, par hectare, le rendement moyen en hectolitres de grains, et en quintaux métriques de paille des principales céréales.

Froment : grains, 16 hectolitres ; paille : 12 quintaux.
Méteil : grains, 16 hectolitres ; paille : 14 quintaux.
Avoine : grains, 18 hectolitres ; paille : 12 quintaux.
Maïs : grains, 32 hectolitres.

Les autres grains alimentaires, comme fèves, haricots, et pois, ces derniers surtout cultivés en grand donnent le rendement suivant :
Fèves et féveroles, 150 hectolitres par hectare ;
Haricots, 100 hectolitres et pois, 95 hectolitres par hectare ;
Haricots, 100 hectolitre et pois 95 hectolitres.
Les tubercules (pommes de terre) qui sont cultivés sur une superficie de quinze hectares environ produisent en poids de 35 quintaux par hectare.

Les prairies naturelles fauchables situées sur la rive droite et la rive gauche de la rivière de l'Arros et fertilisées par ses eaux donnent en foin et en regain une quantité de 200 quintaux par hectare. Les prairies artificielles dont la culture consiste en sainfoin et en trèfle incarnat mesurent une surface de 11 hectares. Leur rendement par hectare (coupes comptées à sec) est de cent vingt quintaux métriques.

Si je me suis étendu, un peu trop peut-être, dans le détail de ces différents produits, c'est pour mieux donner une idée exacte de la richesse du sol, et par suite du labeur opiniâtre et intelligent du cultivateur Laméacais.

Les procédés de culture qu'on emploie sont en raison de la nature du terrain à travailler. Les terres qui sont en grande partie calcaires sont facilement cultivées au moyen de la charrue. Elles sont amendées avec du fumier chaque fois qu'une semence doit être faite. Mais chaque saison amène ses travaux. Au printemps, le cultivateur prépare ses champs et sème le maïs ; il taille et laboure ses vignes. Au commencement de l'été : il fauche ses prairies, et lorsque les foins sont rentrés, il fait la maison. Enfin, à l'automne, après avoir terminé ses vendanges, il commence les semailles, et il n'a du repos que lorsqu'il a confié à la terre le blé qui doit nourrir sa femme et ses enfants. L'hiver, il se repose, confiant dans l'avenir.

La commune possède une étendue de hectares de bois et forêts, réparti ainsi qu'il suit : taillis simple et sous futaie, 50 hectares, et bois futaie, 22 hectares appartenant à la commune. Les bois taillis appartenant aux particuliers ont une superficie de 58 hectares. Les essences principales sont : le chêne, le hêtre, le tremble, l'orme et le châtaignier. Les forêts sont reboisés par le moyen des semis. La production annuelle par hectare des bois taillis est de 96 mètres cubes, et celle des des bois futaies est de 288 mètres cubes. Une grande partie du bois communaux sont soumis au régime forestier.

Les vignes qui constituent une superficie de soixante onze hectares sont situées en partie sur des coteaux. Leur belle exposition contribue beaucoup à la maturité hâtive du raisin et à la bonne qualité du vin. La récolte principale est un vin blanc qui possède jusqu'à douze degrés d'alcool.

Dans ce pays, on plante la vigne en traçant des sillons distants de 2 mètres, et en laissant entre chaque pied un espace de un mètre. Il faut ainsi 5000 pieds par hectare. Au bout de quatre ou cinq ans, cette vigne qui se trouve dans un bon terrain, est en pleine production. Le rendement moyen par hectare (il y a 5 ans) était de trente-deux hectolitres. Mais, depuis ce temps, son rendement a diminué sensiblement, et aujourd'hui la vigne ne produit presque plus rien.

A quoi attribuer ce changement notable de production ? La présence du philloxéra est ici constaté depuis quatre ans. Aurait-il donc déjà envahi tous les vignobles de la contrée ? Je n'ai nul doute qu'il n'exerce ses ravages sur une certaine étendue du territoire ; mais, ces ravages sont locaux, c'est-à-dire que le philloxéra peut n'avoir encore attaqué que les vignes plantées dans des terrains légers et caillouteux ? Pourquoi la vigne est-elle donc généralement malade ? Je dis de suite que les intempéries et principalement les gelées sont les causes réelles de son état actuel de dépérissement.

La commune de Laméac n'est pas riche en pâturage ; aussi, le nombre des bestiaux n'est pas considérable. Le propriétaire possède seulement les bêtes indispensables à l'agriculture. Les bœufs sont peu communs dans la localité et sont remplacés par les vaches qui donnent au cultivateur un produit assez rénumérateur. Le prude pâturage ne permet d'élever de nombreux troupeaux. Les propriétaires les plus aisés ont vendu quelque petit troupeau de brebis.

La plaine de Laméac est renommée par les chasseurs. Elle convient à la caille qui y séjourne tout l'été, et aux perdreaux que l'on y rencontre par grandes compagnies. Le lièvre y choisit son gîte lorsqu'il se trouve incommodé dans les bois. Si le chasseur trouve là ses agréments, le pêcheur peut jouir aussi du plaisir de la pêche, car la rivière de l'Arros qui traverse le village est assez poissonneuse. Les poissons qui la peuplent sont : le goujon, l'anguille, la truite, le poisson blanc et le cabos. La pêche la plus commune est la pêche à la ligne.

Sur cette même rivière, au sud de la commune, est construit un moulin important d'une force motrice de vingt-six chevaux et où cinq ou six communes environnantes viennent moudre leur blé. A deux cents mètres en aval du moulin se trouve un pont ordinaire en bois, construit depuis bien longtemps, mais que chaque année on doit réparer par suite des avaries causées par les inondations. Il met en communication plusieurs communes entre elles.

Après les chemins vicinaux et d'intérêt commun qui sont au nombre de dix-huit, la route départementale nº 7 traverse le village. Elle vient du Gers se dirigeant vers les Pyrénées jusqu'à Esparros.

La voie ferrée la plus proche est à sept kilomètres de la commune. On ne prend ce moyen de transport que pour les longs voyages. Pour communiquer avec les chefs-lieux de canton et d'arrondissement, on se sert pour le transport des personnes et des marchandises, des sortes de tilburgs ou cabriolets qui sont plus communs que les voitures à quatre roues.

Dans cette localité qui est de si peu d'importance, il ne se fait aucun commerce ; il n'y a ni foires, ni marchés. Quant aux mesures locales encore en usage, on peut citer comme bien ancienne : l'impan et la canne qui correspond à trois mètres carrés 16. Mais ces mesures tendent à disparaître.



IV


Toutes mes recherches pour trouver l'étymologie du nom de la commune, l'histoire de la commune, les traditions et légendes, et la biographie des personnages célèbres nés dans la commune sont restées infructueuses. Les habitants dont les moeurs sont encore assez grossières cachent, sous des dehors parfois affables, une certaine malice appelée dans le pays la ruse du paysan. Le culte catholique est le seul partiqué dans la commune.

Le costume ordinaire du paysan consiste en un béret, une blouse, des souliers ou des sabots.

La base de l'alimentation est végétale ; elle se compose exclusivement de froment, de maïs, de haricots et de pommes de terre.



Annexe au titre IV : Enseignement


Jusqu'à la construction de la nouvelle maison d'école de Laméac, la classe a été faite dans une petite maison à une seule pièce éclairée par deux petites ouvertures. L'enseignement était donné par des instituteurs qui se sont succédé rapidement jusqu'en 1835. L'école était fréquentée à cette époque par une cinquantaine d'élèves des deux sexes.

En parcourant le registre des délibérations du Conseil municipal de cette localité, je trouve l'acceptation par ce même conseil, en 1809, du "Estrémé" en qualité d'instituteur de Laméac. En voici un extrait :

"Moyennant 100 f, trois coupeaux de froment pour les élèves qui ne faisaient que lire en syllabes, et deux mesures plus un franc par ou pour ceux qui écrivaient, l'instituteur s'obligeait à faire toutes les écritures de la mairie, à assister aux offices et à enseigner aux enfants à lire, à écrire et à compter."

Cet enseignement, a dit Mr Vessiot, était bien assez pour qui devait se borner à lire l'almanach, à signer son contrat de mariage, à compter son fermage et ses impôts. Il ne fallait pas être savant pour faire son salut ou pousser le rabot de la charrue.

La loi du 28 juin 1833, en améliorant la situation de l'instituteur fit aux communes une obligation de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer l'éducation des enfants, et déterminer les matières qui feraient désormais l'objet de cette éducation.

La loi du 15 mars 1850 apporte de sérieuses modifications à celle du 28 juin 1833, parmi lesquelles on peut citer :
1 e. La fixation du traitement minimum de 600 f
2 e. La perception de la rétribution scolaire par les percepteurs.

Enfin, la loi du 19 juillet 1875 substituée à celles du 19 avril 1863 et du 1 er janvier 1871 a fait l'instituteur ce qu'il est aujourd'hui.

Mais une grande réforme devait nécessairement s'opérer dans l'enseignement primaire. Pendant que des maisons d'école se construisaient partout, l'arrêté du 27 juillet 1882 réglait définitivement l'organisation pédagogique et le plan d'études des écoles primaires publiques.

La nouvelle maison d'école double de Laméac dont la construction vient d'être terminée ne laisse rien à désirer sous aucun rapport. Elle est située au centre de la commune et distante de toute autre habitation. Les cours de l'instituteur et de l'institutrice closes et séparées par des murs se trouvent au nord. Cette maison est agrémentée par deux jardins assez vastes qui sont également clos et séparés par des murs. L'école des garçons est au levant et celle des filles au couchant. Les préaux sont entre les salles d'école et les logements des instituteurs.

La fréquentation de l'école est généralement bonne. Il n'y a pas de conscrits illettrés de la dernière année. Tous les conjoints ont su signer leur nom.

Quant à la caisse des écoles, la caisse d'épargne scolaire, rien de tout cela n'est encore créé. Des fonds ont été votés par le Conseil municipal pour l'achat de la bibliothèque scolaire et des livres.

Le traitement de l'instituteur est de 1200 f et celui de l'institutrice de 600 f.

(Le nom de l'instituteur n'est pas stipulé.)





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© Marie-Pierre MANET








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