de Marie-Pierre Manet |
Loudervielle est un petit village situé à un kilomètre, vol d'oiseau, sur le versant rive gauche de la Neste de Louron. C'est une des dix-huit communes qui forment le canton de Bordères dont Bagnères-de-Bigorre est le chef-lieu d'arrondissement et Tarbes le chef-lieu de département.
Loudervielle a pour limites : au levant , les communes de Mont et de Portet (Haute-Garonne) ; au Nord, la commune d'Estarvielle ; au couchant, les communes d' Armenteule et Loudenvielle ; et au midi, la commune de Germs.
L'étendue de son territoire est de 538 hectares 48 ares, 09 centiares. La distance qui le sépare de Bordères est de 8 kilomètres ; de Bagnères-de-Bigorre de 50 kilomètres et de Tarbes de 74.
L'altitude au dessus du niveau de la mer est de 1.000 mètres. La plus haute montagne appelée Pic de Irias s'élève à 3.087 mètres.
Dans les terrains primaires, le granit et les roches stratifiées en forment la charpente ; dans les terrains de transition à l'étage profond en rapport avec la couche granitique, on trouve le gneiss schisteux ; à l'étage silurien, on découvre les cristaux calcaires et d'alumin ; à l'étage doronien, on rencontre les schistes ardoisiers, siliceux terreux. On y trouve des filons de plomb argentifère, du fer, du cuivre, de la galène, du blende, du manganèse. Les terrains secondaires se composent de grès rouge, formé par du quartz, mêlé à du mica et de terraire crétacé. Telle est la nature du sous-sol.
Quant au sol ou terre arable, il est siliceux calcaire et comme la pente est sensible, le rendement serait consédérable si les gelées, les neiges et les orages ne venaient, à un moment donné, détruire l'espoir du laboureur. Mais si le cultivateur est mal partagé au pont de vue des terres arables et de leurs rapports, les prairies naturelles et les pâturages de la montagne sont pour lui la source de quelques ? .
L'abondance de l'eau, permet d'arroser admirablement chacune de ces prairies ; elle est pure et limpide. Aussi la quantité de foin et de regain permet d'élever un certain nombre de bêtes à cornes, de bêtes à laine et même quelques chevaux. Telle est la seule branche qui constitue la richesse de la commune.
Deux petits cours d'eau se dirigeant du levant au couchant arrosent les propriétés, l'un au midi, l'autre au Nord de ce village. Le ruisseau dit de Capdevielle prend sa source dans la montagne de Balestas et après avoir décrit quelques méandres, va se jeter dans la Neste du Louron à peu de distance du hameau d'Aranvielle.
Le ruisseau dit de l'Angla prend sa source dans la montagne de Mont appelée Coumalongue ; celui-ci entre dans le terrain de Loudervielle en offrant à l'admirateur l'aspect d'une chute d'environ 130 mètres. L'eau resserrée entre deux blocs de granit se jette avec tant d'impétuosité sur un petit lac que l'air en refoule les globules jusqu'à mi-cascade. Ce ruisseau, après avoir décrit une courbe très prononcée au lieu-dit Plagnet prend la direction du Nord-Ouest et va se jeter dans la Neste, tout en arrosant les prairies d'Estarvielle et d'Armenteule. Ces deux cours qui reçoivent quelques petits affluents tels que, ruisseau de Cadoouétre, ruisseau de Tramont débitent ààpeu près le même volume d'eau. En temps ordinaire, on peut considérer leur débit comme étant de un mètre cube par seconde. mais lors de la fonte des neiges et à la suite d'un orage, la crue est très sensible et leur débit pourrait être évalué très facilement à dix mètres par seconde.
L'eau potable ne fait pas défaut à Loudervielle, de tout côté, on voit jaillir des fontaines peu abondantes, il est vrai, mais d'une eau si claire et si limpide que l'homme serait tenté d'oublier tout autre boisson. Presque toutes les fontaines sont entourées de crénon, nous citerons en particulier, la source de Beruet, au quartier Bours et la source de Mayoau quartier Balestas. On ne connaît pas dans nos parages ne canaux, ni lacs, jamais d'épaves, jamais de couches noirâtres qui roulent à la surface d'une eau viciée. A une altitude de 1.100 mètres, le climat est humide soit à cause des brouillards qui couvrent souvent les montagnes, soit à cause de la fonte des neiges.
Le vent est souvent impétueux. Parfois il est glacial, parfois il est chaud comme le vent d'Afrique. Le vent du Sud, qu'on appelle aussi vent d'Espagne amène la pluie. Le vent d'Est souffle rarement, l'Ouest est aussi rare, le Sud est de beaucoup le plus commun, Le Nord vient en seconde ligne. En moyenne, le Sud souffle 150 fois par an, le Nord 130 fois, l'Est 45 et l'Ouest 40.
Les pluies sont abondantes et occasionnent avec les orages la formation de nouveaux torrents. Nous parlerons en particulier de la mommette de la Can qui a fait l'objet de mille réclamations et qui menace d'encombrer, pour ne pas dire d'engloutir deux communes, Loudervielle et Armenteule. Un seul conducteur, nommé Mr Fachan, a su apprécier les dangers : il tendait à faire reboiser le ravin, il avait déjà commencé quand malheureusement cet agent des ponts et chaussées a été appelé ailleurs, et les ravages recommencèrent. La moyenne des deux dernières années a été de 216 jours de pluies donnant un mètre d'eau au sol.
D'après les observations prises durant six ans consécutifs, la moyenne de la température s'est élevée à neuf degrés.
Les terrains schisteux granitiques, bien cultivés, ayant un plan incliné, comme la commune de Loudervielle ne pourrait être que salubre, car il réunit toutes les conditions favorables : l'air pur, l'écoulement des eaux, et une riche végétation.
II
Le nombre des habitants, d'après le recensement de 1886 est de 158 ; il tend à s'accroître, les dernières années écoulées ayant été très favorables aux vieillards. La commune comprenant 30 feux n'est point divisée en hameaux, une seule maison se trouve écartée de quelques deux-cents-mètres.
Un maire, un adjoint et dix conseillers sont les seuls fonctionnaires municipaux. Un desservant fait le service des cultes, un percepteur en résidence à Arreau s'occupe des finances.
A Bordères, chef-lieu du Canton, se trouve un bureau de postes et tous les matins un facteur vient distribuer les lettres et télégrammes à Loudervielle. Les revenus ordinaires sont de 1.638 fr 28 centimes et la valeur du centime de franc est de 0.35715.
III
Les produits que la culture tire du sol sont le blé, le seigle, l'orge, la sarrasin, la pomme-de-terre, les haricots, les lentilles, les pois.
Le rapport des céréales varie selon les années mais d'une quantité rarement considérable ; on peut mette en moyenne :
Blé pour un sac semé cinq récoltés.
Seigle ................... cinq récoltés.
Orge .........................six récoltés.
Sarrasin.................... huit récoltés.
La pomme-de-terre est la base de la nourriture et une vraie ressource pour le cultivateur, son rapport est peu variable, mais assez élevé : dix hectolitres par an. Elle sert à la nourriture de l'homme et à l'engrais de quelques animaux.
Les haricots pois et lentilles sont l'objet d'une culture médiocre. le chanvre et le lin sont plus soigneusement cultivés et le paysan se fait fabriquer de jolis draps de lit et de belles chemises.
Les plantes potagères, les plus communes, sont le trèfle, le sainfoin et la luzerne. la terre arable est labourée au moyen d'une paire de vaches ou de bœufs, bien dressés à ce travail. Le foin est rentré à dos de cheval.
Les propriétés sont assez boisées. On y trouve le frêne, l'orme, l'aune, le cerisier, le tremble et le peuplier d'Italie. La commune possède une forêt de sapins, au Val de Balestas, exposée au Nord et d'une contenance d'environ 44 hectares, 04 ares, 70 centiares. Elle est soumise au régime forestier, surveillé par un garde payé aux frais de la commune. Tous les ans, une coupe affouagère, en jardinage, est délivrée aux habitants. Le revenu peut être évolué à 50 francs par copartageant.
Point de vignes, pas de phylloxéra, par conséquent, pas de ravages. Parmi les animaux, élevés dans la commune, le veau et la vache occupent le premier rang, vient ensuite le cheval qui partage la fatigue de l'homme ; on ne doit pas oublier surtout les gros troupeaux de moutons et de brebis qui sillonnent la montagne pendant l'été.
Le gibier n'offre au chasseur que peu de variétés. Ma perdrix grise, la perdrix rouge, le râle, la caille la palombe et le lièvre, sont les seules pièces.
Une mine de Manganèse a été exploitée pendant quarante ans. Son gisement se trouve dans les mines de Sendix, val de Balestas, et ses ramifications se répandent dans presque toutes les montagnes. Aujourd'hui, elle est abandonnée et la compagnie minière se dispose à abandonner la concession.
Loudervielle possède plusieurs chemins vicinaux dans un très mauvais état. Une route de grande communication traverse le village se dirigeant vers le col de Peyresourde et presque abandonnée. La route thermale 10 I qui vient décrire un lacet à cinq ou six mètres en amont de l'église est la seule route ou peuvent aisément circuler les char et les voitures. Cette route qui dessert Bagnères-de-Bigorre et Bagnères-de-Luchon passe au levant de Loudervielle et longe les propriétés presque jusqu'au bout du col.
A trois kilomètres du village, elle entre dans un petit vallon appelé Balestas, coup d'œil magnifique. Une étendue de prairies, au printemps émaillés de mille fleurs différentes, un ruisseau faisant entendre des doux murmures, une forêt toujours verte à droite et une belle pelouse à gauche enchantent le touriste dans ses excursions.
Pas de voies ferrées, les moyens de transport roulant sur la route thermale sont le char et la voiture du propriétaire. Pour arriver au chef-lieu de Canton le voyageur prend son cheval à selle. Pour arriver au chef-lieu d'arrondissement, il prend la diligence à Arreau jusqu'à Lannemezan et ensuite le chemin de fer jusqu'à Tarbes et Bagnères.
Le seul commerce local consiste dans la vente de bétail élevé à la maison et le produit du laitage, beurre, fromage vendu à Luchon. Les foires et marchés sont tenus à Arreau situé au centre des trois vallées.
Le coupeau pour les graines, le pan pour les draps, la couperade pour les terrains, sont les seules mesures locales encore en usage.
IV
Le nom de Loudervielle vient d'un fils d'un ancien comte nommé Viella, qui, après avoir partagé les domaines à ses enfants, Louder, Louden, etc... a voulu qu'ils ajoutent viella (d'où vielle) et leur prénom.
De tous les temps, Loudervielle a été une communauté régie par des consuls et des syndics tributaires des Comtes de Comminges.
Deux jeunes gens de la famille Moulor sont partis pour les croisades, sous Louis IX. Avec leur titre de noblesse ils ont apporté une croix de Jérusalem que les habitants dirent comme contenant les reliques de la vraie croix.
L'idiome de la commune est un mélange de mots grecs, celtes, latins, espagnols et français. La formation paraît avoir subi l'influence de plusieurs générations. Chacune d'elles y a apporté son tribut. De l'ensemble, il résulte un patois en rapport avec l'esprit de la population. Quelques chansons patriotiques chantées par les jeunes gens sont à peine entendues dans la localité.
Les habitants sont profondément religieux, ils professent la religion catholique. Ils ont horreur du crime et se voient entraîner avec peine à un procès civil. Ils sont bons hospitaliers aimant les gais propos, ouverts, toujours prêts à tendre une main secourable.
Leur costume se compose d'un pantalon souvent en lin, soutenu par une large ceinture ; d'une veste ample et courte et d'un gilet avec ou sans manches. La coiffure consiste en un béret ou casquette en hiver, chapeau de paille ou de feutre en été. Les souliers sont bons le dimanches et jours de fête ; les sabots suffisent les jours ouvriers.
La farine en entre dans la composition du pain ordinaire résulte d'un mélange de grain de blé, de seigle et d'orge. Les bouillies de maïs et la pâte de sarrazin, assaisonnées d'un bol de lait, font souvent le principal repas du propriétaire. Cependant il tue un gros cochon et plusieurs brebis qu'il sale ; mais les jours sont trop longs et les heures des repas trop rapprochées.
Pour tout monument, une tour carrée, dite château de Moulor du XIVe siècle étale ses ruines, et nous traduit qu'au XIVe siècle le ciment était bien employé.
Les archives communales consistent en peu de titres et en moins de volumes.
IV
Avant 1789, les prêtres seuls donnaient quelques notions de lecture et d'écriture aux enfants privilégiés. Après 1789, des pères de famille, ayant reçu quelques notions se plaisaient à demander au Gouvernement l'autorisation d'enseigner, et rendaient de grands services à la population. Ce n'était qu'en 1838, que l'organisation pédagogique a commencé à prendre son élan.
La commune possède depuis cette dernière époque une école publique mixte. Elle n'a pas de maison d'école. Elle a loué une salle qui est assez convenable à sa destination. Tout ce qu'il y aurait à désirer serait que la commune se met à l'œuvre pour faire bâtir une maison .
La fréquentation est assez régulière. Pas de conscrits illettrés, pas de conjoints qui ne sachent écrire leurs noms.
Quant aux institutions scolaires, elles sont en retard, pas de bibliothèque, pas de caisse des écoles, pas de caisse d'épargne scolaire. L'instituteur est au traietment de 1.200 francs. Les frais de loyer divers s'élèvent à 70 francs.
La commune devrait s'imposer les sacrifices nécessaires pour bâtir une maison d'école. Qu'il plaise à l'administration supérieure de seconder les instances de l'instituteur.
L'instituteur public
Fait à Loudervielle, le 13 avril 1887
Capcarrère .
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[Sommaire]
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département 65.© Marie-Pierre MANET