I
Situation géographique : située sur la partie Nord-Ouest du plateau de Lannemezan, à une altitude de 580 mètres environ, la petite commune de Lutilhous se trouve à deux kilomètres et demi au nord de la gare de Capvern, sur le chemin de grande communication n°11, de Capvern à Marciac (Gers).
Limites : elle est limitée à l’Est par la commune de Lagrange, à l’Ouest par celles de Mauvezin et de Péré au Nord, par celle de Caharet et de Bégole, et au Sud, par celle de Capvern.
Étendue : d’une étendue de 361 hectares environ, son territoire se divise en terres labourables, prés, bois, vignes et landes.
Distances : elle est à une distance de sept kilomètres de Lannemezan, chef-lieu de canton ; de vingt-quatre kilomètres de Bagnères, chef-lieu d’arrondissement et de vingt-neuf kilomètres de Tarbes, chef-lieu du département.
Description physique du pays : placée sur la crête d’une des nombreuses collines qui se détachent du plateau et s’avancent vers le nord, elle a, aux parties septentrionale et méridionale de l’agglomération du village, sa plus grande partie en terres labourables ; le reste se trouve à la partie occidentale sur deux petites collines qui se détachent de la principale comme deux doigts de la main.
Cours d’eau - débits : sa situation fait qu’elle ne profite guère des eaux de deux petits cours d’eau qui se trouvent, l’un à l’est, (la Baïse), l’autre à l’ouest, (la Lène). Le premier qui est un affluent de la Garonne, rive gauche, devient une belle rivière dans le département du Gers qu’elle traverse du sud au nord ; le second, peu considérable, se jette dans l’Arros à Tournay. Quelques prés seulement qui se trouvent au fond des vallons qu’ils arrosent profitent de leurs eaux pour l’irrigation. Quoique le volume en soit bien petit, surtout en été, les fortes pluies produisent souvent des crues subites qui occasionnent de grands dégâts, le terrain se trouvant léger et sablonneux.
Canaux : un petit canal dit rigole du Boués (dérivation de la Neste) traverse le village du sud au nord, mais on n’utilise ses eaux que pour les besoins du ménage et pour abreuver les animaux. Si les propriétaires pouvaient s’en servir pour l’irrigation de leurs prés situés en majeure partie sur les deux versants de la colline, ils rapporteraient au moins 25 % de plus. Ils ne donnent annuellement qu’une coupe, souvent médiocre, tandis qu’ils en donneraient deux presque toujours abondantes.
Eaux potables : comme eaux potables on a plusieurs sources ou fontaines et des puits particuliers.
Altitude- Pluies -Salubrité : à cause de son altitude, la commune est sillonnée par des courants qui y maintiennent la fraîcheur, même pendant les fortes chaleurs de l’été, ce qui fait qu’il n’y a à craindre ni les maladies, ni les épidémies que produisent souvent les bas-fonds, les masures et la raréfaction du renouvellement de l’air. (Les paysans jouissent en général d’une santé robuste.)
Vents : les vents d’ouest sont fréquents, souvent forts, et alors ils sont presque toujours accompagnés de pluie, l’été, de neige l’hiver. Les vents d’autan ou du midi soufflent quelquefois, et, quoique chauds, ils apportent aussi infailliblement la pluie. Les vents du nord et de l’est se font sentir sur le plateau, le premier rarement, mais le second assez fréquemment. Ils sont toujours froids et secs.
Climat : le climat est tempéré.
II
Population - recensement 1886 : la population de Lutilhous, d’après le rencensement de 1886 est de 322 habitants, chiffre ballottant entre 320 et 340, d’une période quinquennale à l’autre, et ne tendant ni à diminuer ni à s’accroître d’avantage, car l’habitant, casanier d’habitude, ne cherche pas à quitter son village.
Nombre de feux : la commune n’est guère qu’une simple agglomération qui se compose de 66 maisons et de 71 feux allumants.
Organisation municipale et autre : elle est administrée par un maire assisté d’un conseil municipal composé de 10 membres, parmi lesquels sont choisis le maire et l’adjoint. Un valet commun et un garde-champêtre sont au service de la commune. Un prêtre résidant dans la commune fait le service religieux. Un percepteur demeurant au chef-lieu de canton se rend deux fois par an dans la commune pour faire la perception. Un instituteur et une institutrice publics donnent aux enfants l’instruction primaire. Enfin, un facteur rural venant de Lannemezan fait le service des postes et télégraphes ; il fait dans la commune deux levées par jour : la première le matin, entre 9 et 10 heures le plus ordinairement, en passant par Péré, commune voisine, et la seconde dans l’après-midi, à son retour.
Valeur du centime : la valeur du centime est de 6f29.
Revenus ordinaires : les revenus ordinaires s’élèvent à 800 francs.
III
Productions : les principales productions de la commune de Lutilhous sont :
- le blé,
- froment et seigle,
- le maïs,
- les pommes-de-terre,
- le foin.
Quantités : comme la terre n’est pas de première qualité, le rendement moyen par hectare est de :
- Froment 20 hectolitres.
- Seigle 25 hectolitres.
- Maïs 18 hectolitres.
- Pomme-de-terre 30 hectolitres.
- Foin 24 quintaux métriques.
Procédés : le paysan, quoique voisin de la montagne, s’inspire chaque jour du progrès dans les procédés et les moyens de culture, et abandonne la routine. Les récoltes se succèdent ; les assolements variés révèlent l’intelligence et l’activité du laboureur. Terre et cultivateur sont rarement au repos. Il ne recule ni devant la peine ni devant la dépense pour améliorer son terrain. Aussi a-t-il fallu un travail à la fois pénible et constant pour parvenir à amender cette terre si légère et si pauvre en calcaire, et la soumettre à une production assez rémunératrice. Fumier, marne, chaux, engrais chimiques ne sont pas marchandés pour suppléer aux éléments naturels qui lui manquent. Aussi quelle différence entre les productions d’aujourd’hui et celles d’autrefois ! Il y a à peine un demi-siècle, que le dixième seulement de la terre labourable qui est aujourd’hui à Lutilhous, était cultivée et produisait difficilement encore, un peu de seigle, du petit millet et quelques pommes de terre. Et dans quelles proportions ! Cinq à huit hectolitres par hectare ! La charrue à bois a disparu. Le battage au fléau a été remplacé par celui des machines.
Bois et forêts : les bois et forêts de la commune se répartissent ainsi :
- 25 hectares, 69 ares, 42 centiares en haute futaie, essence chêne soumis au régime forestier ;
- 3 hectares, 48 ares, 80 centiares en châtaigneraies non soumis ;
- 2 hectares, 66 ares, 90 centiares en bois taillis, chêne et châtaignier soumis,
Total de : 31 hectares, 25 ares, 12 centiares
dont le produit annuel consiste en une coupe et en la vente de châtaignes et de feuilles produisant une somme de cinq à six cents francs.
Vignes et maladies : la vigne aussi est cultivée à Lutilhous et occupe une superficie de 14 hectares environ. Jusqu’ici les principaux ennemis ont été la gelée, l’oïdium et le mildiou. Le phylloxéra n’a pas encore paru.
Animaux : les principaux animaux élevés dans la commune sont les bêtes à cornes, les bêtes de sommes, le porc et quelques petits troupeaux de bêtes à laine (3 à 400 têtes). Quatre ou cinq juments soumises à la reproduction et autant de chevaux de trait constituent la quantité de la race chevaline.
Pêche : Rioupoyrous, ainsi est nommé la Baïse au passage de Lutilhous, serait une rivière très poissonneuse si pendant l’été, lorsque les eaux sont basses, ou bien au moment où l’eau de la Neste vient à manquer (la Baïse est alimentée par un filet pris au canal de dérivation de la Neste), des individus souvent étrangers toujours peu consciencieux n’empoisonnaient la plus grande partie de la rivière au moyen de la chaux ou du chlore. Une truite excellente, légèrement saumonée y abonderait, surtout vers la source. L’anguille même dont on rencontre de temps en temps quelques individus, s’y multiplient.
Usines : un moulin, situé sur la Baïse, à l’est du village, est la seule usine de la commune.
Chasse : le lièvre et la perdrix se trouvent aussi sur le territoire de Lutilhous. La bécasse et la caille, chacune en son temps, apparaissent assez abondantes pour procurer une distraction aux amis de St Hubert.
Voies de communication : un chemin de grande communication n°11 (de Capvern à Marciac) construit vers 1835, traverse le village du sud au nord ; l’ancienne route nationale de Bayonne à Toulouse passe au sud du village et coupe en croix le chemin ci-dessus à la dernière maison. Comme moyen de transport pour le canton il n’y a que les voitures particulières ; pour l’arrondissement et le chef-lieu du département il y a le chemin de fer que l’on prend à la gare de Capvern, située à deux kilomètres et demi au sud de Lutilhous, et à laquelle on se rend directement par le chemin de grande communication ci-dessus. Comme moyens de communication avec le canton on a l’ancienne route nationale de Bayonne à Toulouse qui conduit directement à Lannemezan, et pour le chef-lieu du département, on prend l’ancienne route nationale située au sud du village, elle conduit directement à la nouvelle route Nationale de Bayonne à Toulouse, qu’elle va rejoindre à Péré, à deux kilomètres environ, de Lutilhous.
Commerce local : le commerce local se résume dans la vente et l’achat du bétail et de quelques produits de la terre. Le centre principal des échanges est Lannemezan.
Mesures en usage : les mesures légales sont les seules en usage dans la commune.
IV
Étymologie probable du nom : Lutilhous s’écrivait autrefois Luctilhous, Luctilloux, Lucteilhous, orthographe trouvée dans des livres anciens, (16° et 17° siècles). Son étymologie, que je n’ai pu trouver nulle part, pourrait bien dériver, comme certains quartiers et localités du département, tels que Luc, Luquet, de (lucus, bois sacré). Qui sait si du temps des Gaulois, les druides ne se sont pas établis dans ces lieux, couverts alors de forêts, et n’y ont pas installé leurs dolmens, menhirs, etc. Et si la première partie du mot Luc signifie bois, la terminaison (tillous ou teillous) en patois du pays, signifie flexible, fort, difficile à rompre. Lutilhous signifierait, selon mon hypothèse, bois dur (qualité qu’on attribue encore aujourd’hui au bois de certains quartiers de ses forêts).
Histoire municipale : la commune, avant 1792 était tour à tour administrée par des consuls, des syndics, des administrateurs. A partir de décembre de cette même année il y eut des officiers publics membres d’une assemblée appelée Conseil général de la commune ; enfin, quelques années plus tard, le premier magistrat municipal porta le titre de maire.
Féodalité : Lutilhous a eu un seigneur dit de Barège dont on n’a pu établir l’origine, l’écriture était presque effacée sur les titres et parchemins qui se trouvent aux archives. Un de ses descendants vivait encore à Lutilhous en 1789. Il n’a pas, dit-on, laissé d’héritier mâle. Cette famille a disparu du pays. Et du château qui se trouvait au centre du village, il n’en reste que le souvenir. On a détruit jusqu’aux derniers vestiges qui pouvaient rappeler l’asservissement. Il se trouve dans les archives certains titres où sont stipulées les redevances et les prestations auxquelles étaient soumis les habitants du lieu.
Idiome : l’idiome est un patois dans lequel on remarque assez facilement des racines latines et françaises. C’est à peu près le langage que l’on parle dans l’arrondissement de Bagnères. On ne connaît ni ouvrages ni monographies écrits sur la commune.
Chants : le chant consiste en chansons et romances de l’époque. Les morceaux patriotiques sont les préférés et le plus en vogue.
Moeurs : les habitants de Lutilhous sont d’une simplicité de moeurs toute patriarcale. Sans ambition, ils ne désirent que d’abondantes récoltes, des enfants vigoureux et une bonne santé. Cependant depuis quelque temps ils paraissent prendre goût pour le nouveau. Ils aiment l’instruction , et ils parlent avec orgueil de quelqu’un des leurs s’il est parvenu à occuper une petite situation dans la société.
Culte : ils sont tous catholiques.
Costume : le costume journalier des hommes consiste en hiver en un pantalon et une veste de drap de laine du pays appelé (cadis ou buréou) et en un béret béarnais (bleu ou marron), ils sont chaussés d’une paire de sabots. L’été, un pantalon en coutil et une blouse bleue de même étoffe, remplacent la laine, et souvent un chapeau de paille a succédé au béret. Les dimanches et jours de fête, leur costume est plus soigné, un pantalon de drap assez fin et une veste noire ou de couleur assez sombre, plus longue que d’habitude, dénoncent que c’est jour de cérémonie. Les femmes portent journellement une robe assez courte pour qu’elle ne les gêne pas dans les travaux des champs qu’elles exécutent avec autant d’adresse, de dextérité que les travaux de ménage. Une casaque recouvre leur buste, et un mouchoir ordinairement en couleurs enveloppe leur tête. Les dimanches, leurs robes sont plus longues et de plus de prix, et un capulet blanc ou noir, élégamment posé sur leur tête, tombe jusqu’à la ceinture. Il va sans dire que ces jours-là, elles sont chaussées de bottines, et les hommes de souliers ou de bottes.
Alimentation : leur nourriture consiste en une bonne soupe soit aux choux, soit aux haricots, additionnés de quelques pommes-de-terre. Une tranche de lard hâché, un morceau de salé, et quelques épices appropriés la rendent excellente. Souvent, le soir surtout, la pomme-de-terre frite fait les frais du repas que couronne un verre de vin blanc levé dans leurs vignes. Le pain est d’habitude de froment ou de méteil et toujours assez bon.
Annexe au titre IV : Enseignement
Histoire de l'enseignement : l’enseignement primaire était donné il y a environ quarante cinq ans par des instituteurs communaux dirigeant une école mixte. Avant, c’étaient des instituteurs libres le plus souvent sans titre qui donnaient l’instruction à Lutilhous. Ils réunissaient les enfants des deux sexes de Lutilhous, Lagrange et Péré. En 1859, une institutrice libre vint s’établir dans la commune et ainsi l’école fut dédoublée. Environ dix ans plus tard, le conseil demande une institutrice communale et vota pour cet objet un crédit de 50 fr, et le 14 Novembre 1868, un arrêté préfectoral satisfaisait les désirs de la municipalité en nommant à Lutilhous une institutrice communale.
Description de l’école actuellement existante : depuis lors la commune possède deux écoles publiques, l’une spéciale aux garçons et l’autre spéciale aux filles. En 1877, le Conseil vota une imposition de 4 centimes pour rendre l’école gratuite ; et à partir de cette année la gratuité a été établie dans l’école des garçons. L’école des filles restait payante ; une nouvelle imposition eut lieu et en 1880 un avis ministériel établissait la gratuité dans l’école des filles. La maison d’école d’aujourd’hui occupe le centre du village et est située sur un bel emplacement. Devant la principale façade, au sud, se trouve une belle et agréable place publique, plantée d’ormes et de tilleuls ; à l’est est un jardin assez spacieux, mais sans arbres fruitiers. Malheureusement l’édifice, commencé dans de trop grandes dimensions n’est pas encore terminé. Et la commune étant sans ressources se trouve dans l’impossibilité de faire continuer les travaux qui sont suspendus depuis plus de quatre ans.
Fréquentation : les familles ont reconnu les bienfaits de la gratuité et senti un peu le devoir que leur impose la loi sur l’obligation aussi la fréquentation s’est améliorée et se maintient mieux que du temps où l’école était payante.
État de l'instruction : on apprécie aussi l’utilité de l‘instruction car le fils du paysan et de l’artisan rivalisent avec le fils du riche : les deux premiers comme le dernier tiennent à coeur d’obtenir le certificat d’études avant de quitter l’école ; parmi les conjoints et les conscrits de la dernière année, tous savaient lire et écrire.
Bibliothèque : l’école possède une bibliothèque populaire fondée en 1871. La commune fait confectionner l’armoire et l’État donna les premiers livres. En 1878, elle renfermait quarante volumes. Aujourd’hui grâce à la libéralité du conseil qui, depuis quatre ans vote chaque année quelques fonds pour achat de livres, elle renferme soixante trois volumes. Une nouvelle commande de onze volumes est faite depuis le 15 mars 1887, ce qui porte à soixante dix huit le nombre de volumes existants dans la bibliothèque au 1er avril 1887. Le nombre de prêts en 1886 s’est élevé à cinquante huit.
Caisses : il n’y a ni caisse des écoles ni caisse d’épargne scolaire.
Les traitements des maîtres sont : 1200 francs pour l’instituteur et 600 francs pour l’institutrice.
Loyers : le prix du loyer des écoles est de 210 francs par an.
L'instituteur public de Lutilhous
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[Commune de Lutilhous.]
[Généralités sur les Communes]
[Sommaire]
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de la Bigorre devenue Hautes-Pyrénées
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