Les contreforts des Angles compris entre les vallées de Lourdes et de Bagnères et ainsi nommés parce qu'ils comprennent l'ancienne baronnie des Angles, se prolongent vers le nord par une agglomération de hauteurs dont quelques-unes se prolongent jusqu'à Juillan et qui comprennent entre elles l'étroite vallée de l'Échez. A l'endroit où ces collines semblent complaisamment s'élargir pour se resserrer bientôt après, laissant ainsi sur une longueur de trois kilomètres une largeur moyenne de quinze cents mètres, s'élève le village d'Orincles. Situé à l'extrémité sud-ouest du canton d'Ossun dont il forme ainsi une pointe, il a pour limites au sud les territoires des communes d'Astugue (arrondissement de Bagnères) et d'Arrayou (arrondissement d'Argelès) ; au sud-ouest et à l'ouest, ceux d'Escoubès-Pouts, de Paréac, de Julos (arrondissement d'Argelès) ; au nord, ceux d'Averan et de Bénac ; au nord-est, est et sud-est, ceux de Layrisse et de Loucrup (arrondissement de Tarbes). A huit kilomètres du chef-lieu de canton, Orincles se trouve ainsi heureusement placé à une distance à peu près égales des trois villes importantes du département : Tarbes (13 km.), Bagnères (14 km.) et Lourdes (10 km.). L'étendue de son territoire est de 586 hectares 4439.
La vallée avec ses riantes prairies, ses asiles ombragés, formés la plupart d'arbres fruitiers aux diverses couleurs donnent au village, au printemps, un coup d'oeil merveilleux, avec ses champs dont les fortes récoltes témoignent d'une grande fertilité ; les côteaux aux croupes arrondies et à pentes généralement douces, recouvertes de châtaigniers, de bois taillis, de pâturages - ces derniers tendant à disparaître sous l'effort continu du travailleur qui, soucieux d'agrandir sans cesse ses terres productives, les transforme en vignobles et en beaux champs de seigle et de pommes de terre ; les nombreuses dépressions du sol qui séparent ces diverses hauteurs et forment de délicieux vallons ombreux et solitaires ; la vue au sud d'une multitude de collines s'élevant en amphithéâtre et couronnées par un pic de la chaîne pyrénéenne le Mont Aigu (2341 m.) dont la pointe semble déchirer l'azur du ciel font de ce point de la vallée un endroit excessivement pittoresque, ne manquant même pas d'une certaine poésie capable d'inspirer un poète qui aurait le sens de la nature : je regrette vivement n'être point ce poète.
Le sol de la vallée est un terrain généralement siliceux, argileux en certains points, couvert d'une couche grasse et fertile ; on rencontre même cette couche arable, moins fertile sans doute, à la partie supérieure de la plupart des monticules qui s'élèvent à l'est et à l'ouest. A la base de ces derniers et sur leurs flancs, à une assez faible profondeur, on remarque ici des blocs granitiques mais d'une dureté médiocre, là des bancs de schiste peu durs aussi.
Une rivière d'une certaine importance traverse du sud au nord le territoire d'Orincles : j'ai nommé l'Échez, qui prend naissance aux contreforts des Angles et après un parcours de 42 kilomètres, va mêler ses eaux claires et limpides à celles de l'Adour dans le territoire de la commune de Maubourguet. Il reçoit sur la rive droite, à un kilomètre en amont d'Orincles, un affluent la Géline ; sur la rive gauche, plus en aval, le ruisseau du Paréaguet ; et dans l'intérieur de la commune, un autre ruisseau le Galor, au lit profond, presque à sec une partie de l'année mais dont le courant excessivement rapide charrie, lors des inondations, de très grosses pierres et cause parfois de grands ravages dans le vallon d'où il descend. Grossi ainsi des eaux que lui apporte ces tributaires, ayant d'ailleurs un lit très resserré et une pente fort douce, l'Échez est lui aussi sujet à des débordements annuels qui causent aux propriétaires dans leurs prairies et même quelquefois dans leurs maisons et jardins, des dégâts souvent considérables.
Orincles a quelques petits canaux, si du moins l'on peut appeler ainsi des voies d'eau détournées de l'Échez dans le but d'assurer la marche de quatre usines (deux scieries et deux moulins) et qui, après avoir arrosé quelques prairies, retombent dans la rivière qui les alimente. En outre de ces rivières dont les eaux sont potables, Orincles possède sur différents points de son territoire des fontaines naturelles dont les eaux fraîches et limpides désaltèrent les travailleurs des champs pendant les chaleurs de l'été, et aussi un grand nombre de puits qui fournissent aux habitants toute l'eau qu'il leur faut dans leurs habitations.
L'altitude d'Orincles est de 375 mètres au-dessus du niveau de la mer. Entouré de hauteurs presque de tous côtés, Orincles est à l'abri des grands vents et se trouve ainsi avoir une température assez égale. Tempérée pendant les chaleurs torrides de l'été par un courant d'air frais provoqué assurément par la présence de tant de cours d'eau sur une surface très resserrée, elle n'est pas non plus excessivement rigoureuse l'hiver ; si en cette saison, elle descend à environ -12° elle ne s'élève guère l'été au-dessus de 26 à 28° centigrades. Les pluies n'y sont ni plus ni moins fréquentes que dans les autres localités situées à la base de la chaîne pyrénéenne. L'uniformité de température et la douceur du climat en font un lieu salubre, qualité que contribuent à lui conserver les habitudes de propreté prises par les paysans dans l'exploitation de leurs fermes.
II
Le recensement de 1886 accuse un chiffre de 628 individus donnant ainsi une diminution de 28 habitants sur celui de 1881. Ce résultat ne peut pourtant point être attribué à un excédant des décès sur les naissances, puisque c'est précisément le contraire qui se produit depuis plusieurs années. Cette diminution est due au départ de jeunes gens et de jeunes filles qui, dans l'espoir d'une vie plus facile se sont laissés entraîner par le mouvement fatal qui amène dans la ville les gens de la campagne. En somme la population restera à peu près stationnaire, quand bien même les naissances continueraient à présenter annuellement un excédant sur les décès. Elle est en effet à son maximum de densité, et le trop-plein ira toujours chercher ailleurs les moyens d'existence que ne peut lui fournir le sol natal.
Orincles a la plus grande partie de ses maisons groupées sur une faible étendue de son territoire. Le village proprement dit renferme 106 habitations avec 549 habitants ; il y a encore, disséminés sur tout le territoire, 12 maisons isolées comprenant 79 individus.
La commune est administrée par un maire assisté d'un conseil municipal composé de douze membres. Comme autres fonctionnaires, il y a un instituteur, une institutrice, un garde-champêtre et un régisseur d'octroi.
La commune, dont les habitants sont catholiques, forme à elle seule une paroisse dirigée par un desservant. Elle fait partie de la perception de Bénac ; elle est aussi desservie par le bureau de poste de cette dernière localité. Son centime a une valeur de 0,162865. Quant à ses revenus ordinaires, ils sont très faibles et ils consistent dans la vente annuelle de quelques produits communaux et dans les produits de l'octroi qui vont sans cesse faiblissant depuis que les vignes ne produisent guère plus.
III
Les productions d'Orincles sont nombreuses et variées. Toutes les richesses agricoles poussent à l'envie dans la vallée. Autour des maisons, de beaux jardins potagers, des vergers où de nombreux pommiers, poiriers, pruniers, pêchers, cerisiers, noyers, mûrissent au soleil leurs fruits délicieux. Les blés et les prairies naturelles y sont d'un très bon rapport ; le maïs y prospère fort bien ; la pomme de terre y donne de beaux produits. On y remarque aussi d'autres espèces végétales ; le lin en assez grande quantité ; les trèfles, sainfoin et luzerne dont la culture est en progrès. Les côteaux, ainsi que je l'ai déjà dit, sont tapissés de verts pâturages, de vignobles attaqués de l'oïdium - mais pas encore atteints de phylloxéra - et de beaux champs de pommes de terre. Néanmoins, Orincles, dont la plaine est trop resserrée, ne produit pas les céréales nécessaires aux besoins de sa population.
La propriété est extrêmement morcelée, aussi les procédés de culture en usage sont loin d'être parfaits ; pourtant il y a quelques progrès et le laboureur commence à comprendre que les rendements dépendent, dans une certaine mesure, de la valeur des procédés employés dans la culture.
A vrai dire, la commune n'a pas de véritable forêt : à peine quelques hectares recouverts de bois taillis et de rares gros arbres, le tout à essence de chêne. Par contre les châtaigniers sont nombreux et le fruit, la châtaigne, constitue pour la commune un très important revenu. Sur le bord des eaux se trouvent aussi, et même en assez grande quantité, l'aulne et le peuplier.
L'élevage du bétail est considérable à Orincles, les habitants, dans le but d'augmenter le revenu de leurs terres, font un commerce très actif des différents bestiaux, vaches, veaux, moutons, brebis, agneaux, chevaux, mules, mulets et porcs, et aussi de leurs produits beurre et fromages.
La chasse est d'une très médiocre importance. Le gibier est même aujourd'hui très rare et récompenserait assurément très mal celui qui se livrerait à la chasse dans un but spéculatif : aussi ne compte-t-on que deux chasseurs munis de leur permis.
La pêche, assez lucrative autrefois, n'est guère plus possible aujourd'hui. Les rivières, très poissonneuses pourtant, tendent à se dépeupler par suite des moyens très regrettables d'extermination employés malheureusement depuis quelque temps.
En outre des sources de production ci-dessus, je citerai encore deux scieries de bois, deux moulins, le travail du bois et du fer, la confection de draps, de la toile, de chaussures qui occupent environ 40 individus, charpentiers, charrons, forgerons, tisserands, tailleurs, couturières et cordonniers.
En dehors des chemins ruraux destinés à l'exploitation des terres, et des chemins vicinaux qui le mettent en communication avec les communes de Paréac, Loucrup et Layrisse, Orincles, qui n'a pas de voie ferrée, est traversée du sud au nord par un chemin de grande communication N°7 qui va rejoindre à 2 kilomètres au sud la route départementale de Bagnères à Lourdes et à 7 kilomètres au nord la route de Tarbes à Lourdes. On trouve sur cette route et de construction assez récente, deux ponts assez peu importants, l'un sur la Géline à 1200 mètres au sud et l'autre sur le ruisseau du Galor dans l'intérieur du village. Quant aux moyens de transport, il n'est guère de propriétaire qui n'ait son break avec son cheval ou son âne ; on trouve aussi quelques voituriers publics qui font les jours de marché le service pour Tarbes, Lourdes et Bagnères.
VI
L'étymologie probable du mot Orincles est très probablement aurum includere (renferme de l'or). Ce mot s'écrivait en effet autrefois par AU ; et le ruisseau, la Géline, passe pour avoir, dans des temps forts reculés, roulé des paillettes d'or.
Je ne connais aucune tradition, aucune légende qui soit propre à Orincles. Les archives ne contiennent non plus rien d'intéressant ; et tout me porte à croire que, comme les villages heureux, Orincles n'a pas d'histoire. C'est à peine si, sur les lieux, on peut remarquer les misérables ruines d'un château sur lequel il m'a été absolument impossible de recueillir le moindre renseignement. Au fond, je m'en réjouis, car je trouve là une heureuse tendance des habitants à perdre jusqu'au souvenir des tyranneaux de leurs ancêtres.
Les habitants d'Orincles sont de moeurs généralement bonnes et hospitalières. L'étranger est toujours sûr de recevoir de leur part un bon accueil. Essentiellement laborieux, ils mènent une vie assez large, et on remarque chez la plupart d'entre eux cette gaieté, cette jovialité, cet entrain, cette verve, cette bonne humeur, cette insouciance, ce mépris du lendemain qu'on ne trouve que dans les populations méridionales. D'un caractère franc, loyal, ouvert, communicatif, caractère qu'a contribué assurément à leur donner le négoce auquel ils se livrent, ils semblent ainsi se distinguer des populations des communes voisines. Ils sont généralement doués d'une intelligence qui leur permet une certaine culture intellectuelle et qui leur rend accessibles le progrès, la lumière.
Et si les pratiques religieuses antiques sont encore en grand honneur dans Orincles, il est facile de constater les brèches considérables que l'esprit moderne a déjà faites, chez les hommes du moins, dans le domaine de la superstition, de l'intolérance et du fanatisme clérical. Les femmes, il est vrai, continuent à être réfractaires ; et ce qui est regrettable, c'est que l'influence de l'école semble s'exercer pour le maintien du statu quo. Néanmoins, en somme, il y a des progrès, à en juger par les cris de désolation que poussent plus que jamais un certain nombre de bonnes personnes - toutes célibataires et d'un âge fort respectable d'ailleurs - que l'on nomme dévotes et que j'appellerai volontiers des incorrigibles, savamment organisées en un corps dont le chef est M. le curé, grâce sans doute à une similitude d'habit. Et certes, pour un esprit réfléchi, libéral, il y a quelque malin plaisir à observer les agissements de ces bonnes âmes qui s'en vont crier partout et à toute occasion qu'il n'y a plus de foi, que la religion disparaît, et cela parce qu'aujourd'hui on a les écoles sans Dieu et que l'instituteur n'est plus chantre, bedeau, pratiquant, etc.
Le particularisme même dans les costumes tend à disparaître. Et ces costumes locaux qui ne manquaient pas d'originalité se trouvent remplacés par ceux qui sont imposés par la mode, à laquelle aiment tant se conformer les habitants des campagnes, les femmes surtout.
Les monuments, comme les archives communales, font absolument défaut. Il me serait donc très difficile de préciser le rôle historique de la commune, si toutefois - ce dont il est bien permis de douter - elle en a jamais joué aucun.
Manquent aussi les documents qui pourraient servir à établir l'historique de l'enseignement et des écoles. Vers l'an 1800, il y aurait eu un instituteur, d'une certaine renommée même à cette époque, chez lequel, pendant de longues années sont venus en grand nombres les élèves des communes voisines. Cet instituteur, qui donnait l'enseignement dans sa maison d'habitation, ne recevait pour toute rémunération que des dons en nature (céréales, lin, pommes de terre, etc.). Depuis et jusqu'à vers l'année 1860, se sont succédés trois instituteurs qui semblent avoir laissé l'enseignement dans un état assez primitif. A cette époque, l'enseignement est entré dans une ère de progrès qui a été fort accentué dans ces dernières années, grâce à l'énergique impulsion qui lui a été donnée par le gouvernement de la République, impulsion dont la commune a certainement bénéficié. Je ne crois pas en effet pouvoir être accusé de témérité en affirmant qu'aujourd'hui il est dans un assez bon état et que les parents ont pour principal souci de faire donner à leurs enfants une instruction dont ils apprécient tous les avantages.
Vers l'an 1800, il y aurait eu un instituteur, d'une certaine renommée même à cette époque, chez lequel, pendant de longues années sont venus en grand nombres les élèves des communes voisines. Cet instituteur, qui donnait l'enseignement dans sa maison d'habitation, ne recevait pour toute rémunération que des dons en nature (céréales, lin, pommes de terre, etc.). Depuis et jusqu'à vers l'année 1860, se sont succédés trois instituteurs qui semblent avoir laissé l'enseignement dans un état assez primitif. A cette époque, l'enseignement est entré dans une ère de progrès qui a été fort accentué dans ces dernières années, grâce à l'énergique impulsion qui lui a été donnée par le gouvernement de la République, impulsion dont la commune a certainement bénéficié. Je ne crois pas en effet pouvoir être accusé de témérité en affirmant qu'aujourd'hui il est dans un assez bon état et que les parents ont pour principal souci de faire donner à leurs enfants une instruction dont ils apprécient tous les avantages.
Ce qui est moins consolant, c'est la situation de la commune relativement aux locaux scolaires. Orincles ne possède qu'un seul immeuble pour l'école de garçons. Cet immeuble est en outre fort insuffisant si l'on considère que la salle d'école a un volume de 150 mètres cubes pour une population moyenne de 60 élèves. La maison d'école de filles qui n'est certainement pas dans de meilleures conditions, est une maison louée, et le propriétaire peut d'un jour à l'autre l'utiliser pour son usage personnel. La commune serait alors dans le plus grave embarras, car il serait très difficile, pour ne pas dire impossible, de trouver une autre salle. De ce chef, la situation est donc des plus mauvaises et il y a urgence à y apporter une prompte amélioration. La commune n'a pas de fonds, c'est vrai, mais j'ai la parfaite conviction que les pères de famille seraient unanimes à s'imposer tous les sacrifices qui pourraient leur être demandés en vue d'une construction nouvelle.
La fréquentation est assez régulière, et ce n'est que contraints, que les parents gardent chez eux leurs enfants qu'ils emploient à la garde du bétail, fort nombreux d'ailleurs dans la commune.
Comme je l'ai déjà dit, l'instruction est aujourd'hui dans un bon état ; on ne rencontre pas, même depuis plusieurs années, ni des conscrits, ni des conjoints absolument illettrés.
L'école de garçons d'Orincles possède une bibliothèque scolaire et populaire, de fondation assez récente puisqu'elle a été créée en 1883. J'ose espérer qu'elle donnera d'excellents résultats, vu le nombre sans cesse croissant des lecteurs. Pour l'année 1886, le nombre de prêts a été de 84 pour 29 volumes.
L'instituteur et l'institutrice n'ont d'autre traitement que celui que leur fait la loi. On ne doit certes pas s'attendre à une amélioration de la part de la commune qui est pauvre.
Comme conclusion de ce que je viens de dire sur l'enseignement, et c'est par là que je vais terminer mon travail, je me permettrai d'émettre un voeu ; celui que l'administration départementale mette la municipalité d'Orincles en demeure de construire une nouvelle maison d'école. Je suis profondément convaincu que M. le Maire, ancien instituteur, homme sincèrement libéral, aimant l'instituteur et l'enseignement, s'exécutera avec la meilleure grâce du monde pour réaliser le désir de l'immense majorité de ses électeurs.
L'instituteur public d'Orincles
Le 13 Avril 1887
Candebat.
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[Commune d'Orincles.]
[Généralités sur les Communes]
[Sommaire]
Chacun peut apporter son aide concernant les monographies de 1887 des communes
de la Bigorre devenue Hautes-Pyrénées
département 65.© Marie-Pierre MANET