I
La ville de Tournay, chef-lieu de canton est assise sur la rive droite de l'Arros, à 18 kilomètres de Tarbes, à l'ouverture d'une charmante vallée sensiblement orientée du sud au nord-ouest, entre l'éventail formé par les derniers contreforts du plateau de Lannemezan et les faibles dépressions des collines d'Orignac. L'infériorité de son altitude (254 mètres) des autres localités sous-pyrénéennes et sa position au fond de l'entonnoir formé par les coteaux qui la protègent contre la violence des vents, procurent à cette cité privilégiée un climat d'une douceur exceptionnelle.
Son territoire, limité dans la vallée entre les communes d'Ozon et de Bordes qui l'enserrent, l'une au sud et l'autre au nord, se développe à l'ouest, en remontant les coteaux ondulés de Bru de Hourloung, d'Aouezac et du Tuco, jusqu'à Oléac et Oueilloux ; à l'est, il gagne les dernières dépressions du plateau de Lannemezan par les collines de la Serre, de Rensou, de Houquillou, du Bedat, du Salidet et de la lande jusqu'aux territoires de Castéra, Burg et Bernadets-Dessus. Pour compléter ces limites ajoutons que l'arête de Poumarous forme au sud-ouest, une espèce de longue croupe où la culture et les défrichements disputent le terrain aux taillis et aux futaies ; tandis qu'au nord-est, Peyraube, avec son château, ses cerisiers et ses pêchers lui ouvre l'agréable horizon de la plaine.
Le sol des coteaux est argilo-silicieux et la plaine formant un cinquième environ de la surface totale est de nature calcaire à sous-sol imperméable. La vigne vient bien à l'exposition du sud et du sud-ouest ; le châtaignier se plait plus particulièrement au nord et au nord-ouest. Les châtaignes de Tournay sont très recherchées et font l'objet d'un mouvement commercial assez important, pendant la saison, sur la petite place de cette ville. Toutes les cultures s'accommodent bien dans la plaine qui fournit des fruits excellents et les primeurs du département.
L'Arros, dont le cours est déjà très lent, partage le territoire de Tournay en deux portions à peu près égales. Avant d'atteindre la ville, il a mis en mouvement le moulin à farine et la batteuse de M. le Docteur Loustau ; plus loin, la scierie mécanique exploitée par M. Moudens lui emprunte l'eau nécessaire à l'alimentation de sa machine à vapeur.
Un peu au-dessous, le chemin de fer, ce géant de la locomotion, lui prend chaque jour une immense provision d'eau. La route nationale n°117, de Toulouse à Bayonne, le franchit peu après, sur un pont de pierre d'une seule arche, remontant à cinquante ans à peine.
Sa solidité, trop souvent mise à l'épreuve, lui a permis d'être témoin indifférent des désastres causés par cette rivière, généralement d'humeur fort tranquille, mais affreusement terrible au moment des crues subites occasionnées par les pluies torrentielles. En aval du pont nous rencontrons la scierie hydraulique Lacassin et enfin la minoterie Luillet. Il reçoit sur la rive droite les ruisseaux de Larriou grossi du Hourquillou et le Barrau qui sert de limite à Tournay, au nord, dans la plus grande partie de son cours. Sur la rive gauche, il a pour tributaires, l'Arrêt grossi du Rebazy et du Pelleport et enfin l'Arrédou effleurant à peine Tournay au sud.
Deux sources d'eau potable alimentent la ville : l'une, au levant, dite la Fontaine ; l'autre, au couchant et sensiblement au nord, appelée Traoux dit Gous (Trou du gout).
De Novembre au mois d'Avril, les vents soufflent de l'ouest. Ils sont généralement suivis de pluie. Ceux du sud-ouest, assez fréquents dans toutes les saisons, amènent des chutes d'eau plus abondantes, presque toujours accompagnées du débordement des cours d'eau. Le beau temps coïncide plus particulièrement avec les vents des autres régions. Les chaleurs de l'été sont modérées par la brise qui souffle des montagnes et en hiver l'abaissement de la température est beaucoup moins sensible que dans les vallées voisines. Si Tournay avait été doté par la nature de sources thermales ou minérales, il aurait rivalisé avec bien des stations hivernales par la douceur du climat et la beauté du paysage.
II
Le chiffre de sa population, relevé dans le dernier recensement, est de 1.307 habitants. Comparé au recensement antérieur, il accuse une augmentation de six individus, différence équivalente à un état stationnaire dont la cause n'est point attribuable à un parfait équilibre entre les naissances et les décès, mais bien à l'état de gêne d'une population essentiellement agricole déversant son excédent dans des contrées plus favorisées par le développement industriel et commercial.
L'agglomération principale comprend : 281 maisons, 339 ménages et 1126 habitants.
Le hameau de Bru renferme dix-neuf maisons, autant de ménages et quatre vingts quatorze habitants ; les quartiers de Castéra et de la Lande avec le Barrau, comprenant des habitations éparses et quelques métairies, ont dix-neuf maisons, vingt ménages et quatre-vingts sept habitants.
Le chiffre de la population classe notre ville dans la catégorie des communs qui nomment douze membres au conseil municipal élisant le maire et un seul adjoint. Les hameaux, n'ayant pas une grande importance et se trouvant reliés au chef-lieu par de bonnes voies de communication, n'ont pas d'adjoint spécial. Le percepteur de la réunion de Tournay est aussi receveur de la ville et comptable du Bureau de bienfaisance. Les autres fonctionnaires municipaux sont : le secrétaire de la mairie, l'appariteur communal, deux gardes-champêtres, le régisseur de l'octroi et celui de la bascule, l'instituteur, l'institutrice et le cantonnier communal.
A Tournay résident encore M.M. le Juge de paix, le greffier, un huissier, le receveur de l'enregistrement, le conducteur des ponts et chaussées, le receveur des droits réunis, un commis principal, le percepteur de la réunion de Bordes, un receveur buraliste et le brigadier des forêts. J'allais oublier le brigadier de gendarmerie et les quatre hommes qui composent la brigade à cheval.
Toute la population est catholique et le service du culte est assuré par le curé doyen assisté d'un vicaire. Tournay n'a pas de maison presbytérale.
Le bureau de poste est tenu par une receveuse assistée d'une aide plus particulièrement attachée au service télégraphique. Une armée de facteurs, toujours huit, part tous les matins en distribution dans la campagne. Trente ans à peine nous séparent de l'époque où trois hommes zélés et dévoués employaient toute la vigueur de leurs jambes à faire mal le même service. Aujourd'hui la ville est un enfant gâté : elle a trois distributions par jour.
Le budget communal ne dispose pas de grandes ressources : quelques fermes de droits de place, les revenus des forêts et enfin quelques produits accessoires portent les recettes à environ 18.000 francs. C'est à peine de quoi suffire aux dépenses ordinaires et aux diverses charges locales.
La valeur du centime était de 74.25 en 1886. Tournay n'a encore que 0.0225 millièmes d'imposition extraordinaire affectée à la rectification du chemin vicinal ordinaire n°4, dit de Camp de Labat ou de Castéra.
III
Le territoire de Tournay occupe une surface totale de 1.387 hectares. Le tiers, 450 hectares environ sont labourables.
On cultive le froment, le maïs, l'avoine, les pommes-de-terre, les fèves, etc. Les produits annuels peuvent être évalués en moyenne, à l'hectare, en grains alimentaires, savoir :
- Froment 12 hectolitres de grain et 14,9 de paille
- Seigle 14 hectolitres de grain et 13,9 de paille
- Orge 16 hectolitres de grain et 69 de paille
- Avoine 13 hectolitres de grain et 79 de paille
- Maïs 15 hectolitres de grain et 159 de tiges
- Les fèves et haricots peuvent être comptés pour un produit moyen de 2hl50 à l'hectare.
Vers 1820, il avait à peine 95 hectares de prairies naturelles. Leur étendue actuelle est de 125 à 130 hectares ; c'est une amélioration lente mais tout à l'avantage de la prospérité agricole. Les prairies artificielles donnent des produits abondants.
Avec cette augmentation de fourrages, le cultivateur peut développer l'élève du bétail, accroître les fumiers qui lui ont fait généralement défaut et réaliser de sérieux bénéfices dans l'engraissement des animaux de boucherie. Les prairies naturelles rapportent en moyenne 26 quintaux métriques de foin par hectare ; les prés artificiels donnent moyennent quarante quintaux à l'hectare.
Les vignes s'étendent sur une superficie de 141 hectares. Depuis quelques années on multiplie particulièrement les cépages rouges et cette innovation donne des résultats satisfaisants. Le phylloxéra n'a pas été constaté jusqu'ici dans la région, mais le mildew éprouve cruellement la vigne depuis deux ans. Les vignes pleines renferment 3.600 pieds par hectare et produisent, année moyenne, 18 hectares de vin. Les vignes avec cultures intercalaires (à reng clar) ont 1.800 pieds à l'hectare avec un produit moyen de 16 hectolitres.
La situation agricole de Tournay est dans la voie du progrès. Encore quelques efforts et la transformation sera complète. Au reste, les générations nouvelles, guidées par une instruction aussi étendue que variée, marcheront plus résolument en avant.
Morcellement de la propriété rurale, culture du modeste patrimoine par le propriétaire lui-même, assolement biennal : tel est le système cultural dans la commune.
Les produits agricoles sont consommés sur place et les échanges se font plus particulièrement le mardi, jour du marché de Tournay. L'espèce bovine et porcine sont l'objet d'un commerce important sur notre place. Les fruits et les légumes de nos jardins et des vergers, excédant les besoins de la consommation sont portés dans les villes de Tarbes, Bagnères-de-Bigorre et Capvern. Les fraises, les cerises, les abricots, les pêches, les prunes reine-claude jouissent d'une réputation dépassant les limites de la région.
Tournay a plusieurs foires. Sans m'arrêter à toutes, (elles sont partout les mêmes) je me bornerai à mentionner la foire dite de Carnaval. Elle se tient le lundi, veille du mardi gras. C'est le moment, au jamais, de rire et de s'amuser. Pour se préparer aux fêtes du lendemain, fillettes et garçons des villages du canton se donnent rendez-vous à la Heyrs de Tournay. La ville sait qu'il y aura fête aussi les épiciers, les cafetiers, les maîtres d'hôtel et les aubergistes se sont mis en frais pour bien recevoir la jeune clientèle. Des bals publics sont organisés par la jeunesse du lieu. Il est une heure et, suivant l'expression consacrée, la foire commence. Je voudrais pouvoir raconter ici les allées et les venues de tout ce jeune monde frais, pimpant, rayonnant de santé et contrastant parfois avec la figure d'un bon vieux paysan profondément absorbé dans la supputation du bénéfice ou de la perte d'un marché qu'il vient de conclure. Ils vont, par deux, par trois, le nombre ne fait rien, devisant, riant, allant du Portail Devant au Pont, pour échanger une communication avec un couple connu que l'on rencontre, réglant un petit projet d'amusement aussi vite accepté que conçu. Tout ce mouvement dure bien trois heures et ce sont trois heures bien occupées. Enfin, le vide se fait peu à peu sur les promenades et le calme renaît. Les sages regagnent leur village ; d'autres, le plus grand nombre, s'attardent d'avantage et mettent leur temps à faire une collation comme elle se pratique en temps de carnaval. Tournay finit par retrouver sa tranquillité ordinaire et nos visiteurs vont regagner leur domicile après une journée de charmes et de plaisirs.
Le sol forestier de Tournay a une étendue de 400 hectares environ. Les propriétés privées figurent pour 66 hectares et la propriété communale comprend la différence.
L'essence dominante est le chêne avec quelques rares hêtres. Deux cents cinquante hectares de forêts communales sont soumis au régime forestier. Quartiers d'Aouezac de Carrugues, du Bedat, Goutte de Caillive et Tuco, 50 hectares de haute futaie forment le bois de réserve. L'administration forestière délivre annuellement à la commune sur cette partie une coupe ordinaire de quinze à vingt arbres dont le produit brut s'élève en moyenne à 500 francs.
Deux cents hectares de bois taillis sont aménagés pour le service du bois de chauffage. Le retour sur les coupes de la même assiette se produit après vingt quatre ans. La coupe affouagère, après abattage et formation des lots par un entrepreneur responsable, est répartie par feu allumant moyennant une redevance de trois à cinq francs par lot. Le produit brut s'élève à 1.200 francs environ. L'administration prélève chaque année sur le produit des coupes, outre le 1/20° pour frais d'administration, le traitement du garde et une somme variant de 90 à 120 francs pour semis de glands et ouverture de fossés.
La route nationale n°117 de Toulouse à Bayonne, les chemins de grande communication n°27 et 28 de Tournay à Bagnères et de Lourdes à Boulogne, ainsi que la ligne de chemin de fer de Bayonne à Toulouse, traversent la ville de Tournay. La station de notre ville dessert toute la région. Mentionnons le chemin d'intérêt commun n°22, tout un réseau de chemins vicinaux et des chemins ruraux encore plus nombreux.
IV
Pour remonter à l'origine de la ville de Tournay, nous devons rappeler qu'à la suite d'une sécheresse extraordinaire survenue seize siècles environ avant l'ère vulgaire, la foudre paraît avoir occasionné l'incendie des forêts des Pyrénées. L'ardeur de cet embrasement, dont plusieurs historiens fixent la durée à 26 ans, fit fondre les métaux et mit à nu des mines voir, d'argent, de cuivre et de plomb. Attirés probablement par le retentissement de la découverte de ces mines, plusieurs peuples durent s'en disputer l'exploitation. Il en résulta un amalgame de Celtes et d'Ibères qui se subdivisèrent en une foule de petites tribus au nombre desquelles figurent les Tornates dont Tournay était la capitale.
Constituées en petits états démocratiques fédérés entre eux, les peuplades occupant la région des montagnes, de mœurs très paisibles, ne participèrent pas aux goûts belliquevins que celles de la plaine contractèrent au contact des Gaulois et paraissent avoir mené une existence vraiment patriarcale jusqu'à la domination romaine.
La période du triomphe des Romains n'a laissé aucun vestige à Tournay. On mentionne toutefois une voie romaine, construite par les conquérants, partant de Dax, passant par Tournay et Capvern pour aboutir à St Bertrand de Comminges. On voit aussi sur un tertre élevé, au quartier Tuco de la Mote, un amas de terre se dressant en forme de cône et ayant toutes les apparences d'un tumulus. Des travaux de nivellement exécutés récemment par le propriétaire du sol ont amené la découverte de traces d'incinération sous des couches de terrain de nature différente.
Comme tant d'autres cités dont l'existence est difficile à retrouver, Tournay dût disparaître à l'époque de l'invasion des Barbares puisque cette ville n'existe plus vers la fin du XIII ème siècle, au moment où Bohémond d'Astarac, apanagé par sa famille de biens considérables au lieu dit du Renso dont l'étymologie (sol sur l'Arros), indique leur situation sur l'Arros, vient y construire un manoir sur l'emplacement qu'occupent plus tard le château et le couvent des Minimes. Séduit par la beauté du site et la fertilité du sol, il conçoit le projet d'y fonder une bastide, ou ville nouvelle. La nécessité d'une protection efficace contre les ennemis du dehors et l'insuffisance de ses ressources ne lui permettant pas de réaliser une si vaste entreprise, il appelle à son aide Eustache de Beaumarchais, sénéchal à Toulouse de Philippe IV, dit le Bel qui tenait alors en fief le comté de Bigorre. Eustache de Beaumarchais, agent ordinaire du roi dans les constructions nouvelles, arrêta avec Bohémond les bases d'une convention qu'il signa au nom de son maître, le mois d'août 1307. Le cinq décembre de la même année Philippe agréa et confirma la donation avec toutes ses clauses en autorisant son Sénéchal à se concerter avec Bohémond pour octroyer les us et coutumes particuliers à ceux qui viendraient habiter la Bastide. Par ses soins, les murs s'élevèrent rapidement : la protection royale, la fertilité du sol et surtout les nombreux privilèges concédés à la ville y attirèrent un si grand nombre d'habitants que Tournay figura bientôt au rang des premières cités de Bigorre.
Après le traité de Brétigny en 1360, qui livra cette province aux Anglais, Tournay plusieurs fois rançonné, secouant enfin le joug étranger parvint à rentrer sous l'obédience du roi Charles V. Une garnison fut alors placée à Tournay. Elle soutint, avec l'aide de celles de Tarbes et de Bagnères de nombreuses luttes contre les capitaines anglais ( routiers ) qui, partant du château de Lourdes, s'avançaient pour piller et rançonner le pays jusqu'aux portes de Toulouse et de Carcassonne (1379 - 1380). Au retour d'une de ces incursions, la troupe anglaise divisée en deux corps, fut simultanément arrêtée au pas de l'Arrêt, entre Tournay et battit bel et bien. Rien n'égale la fureur des combattants si ce n'est leur chevaleresque courtoisie. Le combat se termina par la fuite et la dispersion des anglais, la délivrance de leurs prisonniers et la capture d'un immense butin que l'on conduisit dans les murs de Mascaras et aux portes même de Tournay.
Au dire du chroniqueur anglais et français de Tournay, aucun fait mémorable n'est à signaler jusqu'en 1568.
Alors apparaît dans la Bigorre le terrible Montgommery . Après avoir brûlé le château de Lannemezan, exterminé les Carmes du Couvent de Trie, le chef des Huguenots vient assiéger Tournay, s'en rend maître après trois assauts consécutifs, passe la garnison au fil de l'épée, rançonne les habitants et détruit la ville de fond en comble. On retrouvait encore naguère des traces de l'incendie dans ce quartier du Renso ou Bohémond fonda sa bastide.
Nous ignorons pourquoi Tournay fut relevé de ses ruines sur l'emplacement qu'il occupe aujourd'hui. Selon toute probabilité, les habitants délogés, ayant à construire de nouvelles maisons renoncèrent à l'ancien emplacement de la ville trop souvent éprouvé par les crues de l'Arros et choisirent l'emplacement actuel toujours indemne des caprices de la rivière. En outre la nouvelle Bastide était plus rapprochée du Hourc de Renso dont la traduction libre fait : habitations éparses du hameau élevé de Renso. La ville avec remparts, glacis et fossés, dut être reconstruite à bref délai, puisqu'une notice de 1587 fait mention de la remise de Tournay aux consuls après la sortie des Huguenots en l'année même.
Cinq ans après, le 17 juin 1592, une procuration du chapitre des Minimes de Toulouse est donnée au Sieur P.Dumas pour prendre possession du couvent fondé en la ville de Tournay (ancien château et manoir de Bohémond).
" Les R.R.P.P. Minimes possédaient en 1764 : maison, église et cimetière, plus jardin, vergers, prés, Bouiq (terrain marécageux), par ces granges avec bois d'une contenance de 23 journaux un quart et demy, faisant d'estimation ( pour la manse) 177 livres dix sols ; et, pour l'allivrement : deux livres, trois onces et demy. "
En 1771, la demoiselle d'Uzer de Cabanac devenue plus tard, par mariage, d'Uzer d'Arcizan, fit achat de tous ces biens et se mit en possession le cinq février de ma même année. Je reviens en arrière sur les évènements et je me borne à citer les faits les plus saillants.
Un Édit de Louis XIV, en date de 1713, éleva M. Jean de Gerde, chevalier de l'Ordre de St Louis, premier capitaine au régiment de Foix, infanterie, aux fonctions de gouverneur de Tournay en Rivière. Gerde a présenté ses lettres à l'assemblée générale de la communauté qui refuse de procéder à son installation. Ensuite, le Président de la Généralité de Montauban reçoit du titulaire le serment de fidélité au roi ;
" et l'installe dans les formes accoutumées, dans les fonctions de gouverneur pour jouir des droits et privilèges attachés à sa charge, savoir : pouvoir chasser dans les lieux dépendants de notre dite ville, jouir des fruits, foires, herbages et pêches des remparts, fossés et glacis de ladite ville, ainsi et de même que jouissent les gouverneurs pour nous des places frontières. "
Tous ces droits étaient illusoires, puisque Tournay était ci-devant ville libre. La revendication des habitants d'Ouzou pour droit de pacage sur le territoire de Tournay est suivie d'un long procès. Différend de la communauté de Tournay avec les Minimes. La communauté fut obligée de payer aux moines une somme de 7.000 livres. Un plan, avec arpentage des bois et autres terres fut fait en 1668 pour servir d'assiette à la taille et autres redevances. La communauté avec ses consuls et son juge royal fait, à différentes reprises, des efforts pour faire reconnaître sa dépendance du Vicomté de Nébouzan dont elle avait fait partie à l'époque où le pays était sous la dépendance du roi d'Aragon.
La Révolution survint et les évènements qui la suivirent ne provoquèrent pas, dans notre cité, les représailles fruit d'une longue oppression. Tournay ne possédait ni nobles, ni privilégiés, circonstance inscrite dans l'un des procès-verbaux de l'assemblée politique du 13 Xbre 1789.
En 1790, Tournay avait espéré être érigé en chef-lieu de district, mais par lettre de M. Barrère de Vieuzac, député des communes du Bigorre à l'Assemblée nationale, les officiers municipaux furent avisés que le comité de constitution établissait Tournay, chef-lieu de canton avec 18 communes sous sa dépendance. (le canton renferme 27 communes).
Le 17 mars 1793 on donne lecture à l'église St Jean du décret de la convention nationale déterminant le nouveau mode de recrutement pour le service militaire. Tournay doit fournir un contingent de douze hommes. En vertu de l'article 10 du même décret, une liste où devront être inscrits ceux qui désirent se consacrer volontairement au service est ouverte au greffe de la municipalité. Les commissaires ayant constaté que personne ne s'était présenté volontairement, les jeunes gens de dix-huit à quarante ans appelés à fournir par la voie du sort le contingent exigé, furent réunis à l'église St Jean le 22 mars. Ils sont rangés d'un côté de l'église et alors douze d'entre eux sortent spontanément des rangs et déclarent vouloir se consacrer à la défense de la patrie.
En présence du danger de l'invasion étrangère, les évènements se précipitent. De nouveaux auxiliaires, particulièrement vingt-quatre volontaires vont grossir les rangs de l'armée. Il n'y a bientôt que des veuves et des filles dans la majeure partie des maisons de la ville. La loi des suspects accomplit son œuvre dans nos murs : deux ecclésiastiques, les citoyens Tramazaïgues prêtre et de Palats aîné, natifs de Tournay, sont seuls proscrits.
Au moment de la levée en masse, on dresse une liste des citoyens de dix-huit à vingt-cinq ans non mariés ou sans enfants requis pour marcher les premiers à l'ennemi. Mais il ne suffit pas de lever des troupes, il faut les armer et pourvoir à leur entretien. L'heure des réquisitions a sonné. Tournay fournit une cloche pesant trois quintaux, cinq primes, dix-neuf sacs de blé, neuf selles, onze brides et trois arçons. Pendant ce temps, le sieur Fourcade, fils, organisait un club où les bons républicains devaient seuls être admis.
Les documents font défaut pour suivre les évènements locaux de 1793 à 1814. Je suis forcé de m'arrêter à la fin de 1793 et de suspendre l'énumération, d'ailleurs fort incomplète, des faits intéressants la localité. Je termine en citant deux célébrités de Tournay : Lordat et Dupouey.
M. Lordat (Jacques) est né le 11 février 1773 à Tournay, Hautes-Pyrénées. Fils d'un chirurgien distingué, il entra à quatorze ans à la classe de troisième du collège des Doctrinaires de Tarbes. Après y avoir terminé ses études, il acquit les premiers principes de médecine auprès du docteur Broca, médecin distingué de Plaisance (Gers), joignant ainsi la pratique à la théorie. Requis en 1793 comme étudiant en médecine, il fut envoyé en 1794, après examen, en qualité de chirurgien de troisième classe à l'armée des Pyrénées Orientales. En 1797, il prit à Montpellier le grade de docteur en médecine, renonça à la carrière militaire et se maria dans cette ville en 1799. Professeur de la faculté de médecine en 1802, chef des travaux anatomiques en 1804, professeur de médecine opératoire en 1811, il devint Doyen de la faculté de 1818 à 1831 et président des jurys médicaux en 1820. Décoré de légion d'honneur le 5 Xbre 1826, il reçut le collier de commandeur le 5 juin 1860 dans une séance publique qui fut une véritable solennité non seulement pour la faculté mais pour la ville de Montpellier tout entière. Contrairement aux théories de certains savants d'un mérite incontestable, qui s'ingénient à démontrer que " l'homme n'est qu'une bête ", les doctrines physiologiques du professeur Lordat placent l'être humain à une distance infinie au-dessus des animaux et nous montrent dans l'homme autre chose qu'un orang-outang perfectionné. Lordat est mort en 1872. Il a fourni une longue et brillante carrière, mais, il a eu un tort grave : emporté par ses triomphes, il a absolument oublié sa famille qui lui survit toujours très honorée et très respectée, et sa ville natale dont les étrangers mêmes savent, à l'occasion, se souvenir.
Le Général Dupouey, chevalier des ordres de St Louis et de St Ferdinand, commandeur de la Légion d'Honneur est né à Tournay en 1787. Il prit part aux guerres et batailles de l'Empire en qualité d'aide de camp du Général de Bethisy. Nommé Maréchal de camp peu de jours avant les journées de 48, on lui confia bientôt après le commandement de l'école militaire et ne tarda pas à être élevé au poste éminent de commandant du département de la Seine et de la place de Paris. Le lendemain de l'Insurrection de juin, lorsqu'il venait d'exposer sa vie cinq jours durant dans la meurtrière attaque des barricades du faubourg du Temple, une blessure faite à son amour propre par le Général Cavaignac, le détermina à donner tout à coup sa démission au moment où il venait d'être nommé Commandant de la première brigade de la première division de l'armée des Alpes. Retiré dans son château de Pelousey, il trouva un aliment à son infatigable ardeur comme conseiller général du Doubs et président de différentes commissions. D'une obligeance proverbiale, ce brave militaire a consacré au service de ses compatriotes et de ses concitoyens qui ne l'ont jamais sollicité en vain, les loisirs de sa retraite et sa haute influence. Il est mort au château de Pelousey en 1872.
Annexe au titre IV : Enseignement
L'historique de l'enseignement à Tournay n'offre rien de bien saillant. Les archives communales permettent néanmoins de retrouver la trace des Régents ou maîtres d'école à partir de 1812. Ils sont tantôt loués, tantôt nommés par l'assemblée générale de la communauté et reçoivent un traitement annuel de cent livres avec ou sans normes. Le premier Régent dont il soit possible de retrouver la trace, Pierre Abadie, était en même temps consul de la ville et collecteur des tailles, capitations et autres impôts en 1813. Généralement le payement des gages promis, fixé par l'usage à 100 livres, s'effectuait par trimestre. Si le maître choisi, presque toujours renouvelé tous les deux ou trois ans, s'acquittait bien de ses devoirs, on bonifiait son traitement en ajoutant certaines redevances en nature que les parents remettaient directement. C'était la morne ou le commencement de la rétribution scolaire.
La ville possédait bien une baïlie, une geôle, une halle et deux églises mais elle n'avait pas de maison d'école. La salle de classe était fournie par le titulaire de l'emploi d'éducateur de la jeunesse. Les régents étaient communément pris parmi les laïques mais le vicaire, assistant l'archiprêtre de la ville fut souvent pourvu de l'office de la Régence.
Le maître d'école doit enseigner la religion, conduire les enfants à tous les exercices du culte, les surveiller à l'église, faire lire tout le jeune monde, écrire et compter pour les plus savants. Les instruits avaient en certaines années des cours " de tesmes et de lettres ".
Les Régents étaient sérieusement surveillés et impitoyablement remerciés ou révoqués lorsqu'ils se rendaient coupables de négligence dans l'accomplissement de leurs devoirs. En 1789, le 29 septembre, les consuls exposent à l'assemblée politique
" que leur zèle pour l'éducation de la jeunesse les a engagés à se donner des soins pour trouver un régent capable de remplir les voeux des pères et des mères pour l'instruction et les mœurs, etc. "
L'assemblée accepte les propositions de M. M. les consuls et les autorise à augmenter le traitement ordinaire de cent livres, jusqu'à la somme de 50 livres en faveur du Régent de leur choix. En 1790, un Sieur Verdau est nommé Régent et en 1793 il est attaché en qualité de secrétaire adjoint au secrétaire greffier de la commune.
Impossible de suivre la marche de l'enseignement à Tournay de cette époque à 1813. Les archives de la ville ne renferment aucun document sur cette période.
Le 1er janvier 1813, Raymond Gerde, clerc tonsuré fut établi instituteur de la ville de Tournay avec 220 francs pour indemnité de logement et le produit de la rétribution scolaire fixée à 0fr.75 par mois pour les élèves apprenant à lire, et 1fr.20 pour les plus avancés. Il dirige l'école primaire élémentaire jusqu'en 1854 avec des traitements divers. A ce moment il fut envoyé à Castéra-Lanusse pour y attendre la retraite. Il avait occupé le poste de Tournay pendant quarante et un an.
Je dois mentionner l'existence des principaux cours libres ouverts pendant cette période. En 1825, M. Récaud, professeur à St Gaudens vint ouvrir un établissement libre d'instruction. Il professe plus particulièrement les classes élémentaires de latin et reçoit un traitement fixe de 400 francs avec 4f. de rétribution par élève.
En 1827, M. Lhez, qui devient plus tard huissier ouvre un cours libre d'enseignement primaire. Trois maîtres donnaient alors simultanément l'instruction à Tournay.
Le 22 septembre 1827, M. Pécou remplace M. Récaud démissionnaire. M. Pécou reçoit en 1828 un traitement de 500 francs sur les deniers communaux. Ce traitement est réduit à 250 francs pour 1833. Ce maître quitte lui-même Tournay peu de temps après.
En 1848, le 16 janvier, l'enseignement primaire supérieur fut organisé à Tournay. M. Sarrat, instituteur breveté du degré supérieur, formé à l'école normale de Tarbes, déjà attaché comme professeur au collège de cette ville, fut placé à la tête de cette création. Sous la puissante direction de cet habile maître, l'école supérieure prit vite une grande extension.
Le 12 février 1854, la municipalité de Tournay vota l'annexion de l'école primaire élémentaire à l'école supérieure, sous la direction du maître éminent qui avait en quelques années rempli le département et la région des succès de ses élèves.
Un adjoint fut alors attaché au service de l'école et M. Gerde envoyé à Castéra-Lanusse. Bientôt après un pensionnat primaire fut annexé à l'établissement. Les succès dans les examens et les concours couronnèrent, avec éclat, les travaux des élèves et le zèle des maîtres. En 1868, M. Sarrat fut appelé à l'inspection des écoles primaires. Je fus nommé instituteur de Tournay à sa place et installé le 1er avril 1868.
Les salles d'école de garçons occupent le rez-de-chaussée de la mairie. Elles sont spacieuses et bien éclairées, mais sans cour ni préau, ni dépendances d'aucune espèce. Le bâtiment se trouve dans l'intérieur de la ville, à l'angle sud-est de la place publique. Il fut construit en 1830, sur l'ancien emplacement de l'église St Jean. Il est très suffisant pendant les heures de classe, mais incomplet à tous les autres points de vue.
La fréquentation de l'école était à peu près parfaite pendant que les classes étaient payantes ; la gratuité a produit un certain relâchement dans l'assiduité et un désintéressement coupable sans la surveillance des enfants par les parents.
Il n'y a pas à Tournay de conscrits illettrés ni de conjoints ne sachant pas signer leurs noms.
La bibliothèque scolaire et populaire existe depuis 1866. Elle fut créée par la municipalité avec le concours de l'état. Les prêts annuels sont peu nombreux mais il est juste de reconnaître que les ouvrages à lui sont peu intéressants.
La caisse des écoles fonctionne depuis 1880 et la caisse d'épargne scolaire fut organisée vers la même époque.
On ne retrouve aucune trace de l'enseignement des filles à Tournay jusqu'au 25 février 1822. Il est fait mention à cette date dans une délibération
" qu'une bonne institutrice n'était pas moins nécessaire qu'un bon instituteur. Il y est relaté en outre que Madame Loulé, d'abord appelée à Tournay par le curé, pour préparer quelques jeunes personnes à la première communion, a continué d'y demeurer depuis en élevant des enfants. Le conseil pour encourager ses efforts et l'indemniser de ses peines, lui avait octroyé 150 francs par année sur les fonds communaux. "
L'enseignement de Madame Loulé est trouvé incomplet et la nécessité d'avoir une institutrice capable pouvant donner une instruction assez étendue est reconnue. Un membre propose de prendre comme institutrice Madame Anasthasie Mercier de Toulouse, protégée par M. de Villèle. Cette proposition est acceptée et Madame Mercier reçut un traitement de 280 francs. La subvention de Madame Loulé fut retirée.
Mme Mercier disparaît en 1825 et est remplacée par Melle Arca de Tarbes, avec 200 francs de traitement ; aucune indication ne permet de fixer l'époque de son départ de Tournay.
Melle Loulé, fille de Mme Loulé, était restée et continuait, sans interruption, l'éducation des enfants qu'on voulait bien lui confier. Elle recevait en 1827, sur les fonds communaux une allocation de 250 francs. Elle ne cesse ses fonctions que vers 1865 et la subvention budgétaire était alors réduite à 100 francs.
Pendant les dernières années, elle avait une vraie garderie d'enfants.
En 1851, Madame Arnaud est nommée institutrice de Tournay. Plusieurs maîtresses se succédèrent rapidement et sans laisser des traces marquantes de leur passage.
Le poste de Tournay est occupé aujourd'hui par Melle Vergès.
Tout est à faire pour l'installation de l'école des filles et le logement de l'institutrice. Le bâtiment affecté à ce service est pris en location et souvent, trop souvent même porté d'un point sur un autre.
Depuis une dixaine d'années, un établissement congréganiste libre, institué par un legs particulier, et dirigé par les dames de St Joseph de Tarbes, donne, concurremment avec l'institutrice laïque, l'enseignement primaire. La maison des Sœurs est très sérieusement patronnée par le clergé.
L'institutrice publique
Melle Vergez.
La monographie sur Tournay de 1925
[Plan du site passion-bigorrehp.org]
[Commune de Tournay.]
[Généralités sur les Communes]
[Sommaire]
Chacun peut apporter son aide concernant les monographies de 1887 des communes
de la Bigorre devenue Hautes-Pyrénées
département 65.© Marie-Pierre MANET