de Marie-Pierre Manet |
Pour éclairer l'histoire locale, Lucienne MICHOU, présidente de l'Association pour la sauvegarde du site des allées Leclerc et du patrimoine tarbais, rappelle comment fut fondé, puis réformé l'ordre du Carmel.L'ordre des Carmes a été fondé en Terre sainte, par le regroupement de quelques ermites qui vivaient retirés sur les pentes du mont Carmel.
Ce nouvel ordre religieux, uniquement masculin, avait sa règle définitive - au demeurant très austère. Repris neuf ans, à peine, quand Saint Louis, revenant de la 7 e croisade, l'introduisit à Paris en 1254. Les six pères carmes fondateurs, ayant recruté des disciples, multiplièrent les couvents. Celui de Tarbes dont il sera question, plus loin, fut fondé très tôt, bien avant le fin du 13 e siècle.
Plus tard, en 1451, fut institué, pour les femmes, l'ordre des Carmélites dont la règle était tout aussi sévère. En France, il compte peu de couvents alors qu'ils furent nombreux en Espagne et aux Pays-Bas.
Des réformes diverses.
La réforme qui ramène les deux ordres à l'observance de la règle primitive au 16 e siècle, partit d'un Carmel de femmes, celui d'Avila où vivait une religieuse à l'âme ardente, Teresa de Ahumada, plus connue sous le nom de sainte Thérèse d'Avila. Forte de l'approbation reçue du pape, en 1562, elle fonde, en Espagne, plusieurs couvents de Carmélites déchaussées, le port de simples sandales de cuir au lieu de souliers étant un signe concret de beaucoup d'autres mortifications. Ainsi réformé, l'ordre des Carmélites se répandit dans toute l'Europe catholique. Le premier Carmel thérésien fondé en France le fut à Paris, en 1604. De là, les Carmélites déchaussées multiplièrent les couvents, mais avant la Révolution de 1789, elles ne vinrent pas s'établir à Tarbes, pas même dans une autre ville de Bigorre.
Parallèlement à sainte Thérèse d'Avila ou plutôt en solidarité avec elle, un Espagnol, saint Jean de la Croix, réforme, dans le même esprit, l'ordre des Carmes. Les moines qui le suivirent furent les Carmes déchaux ou Carmes déchaussés, approuvés par Rome en 1564.
Mais d'autres Carmes firent ensuite des réformes moins radicales. Nous ne citerons que celle de Tours, établie en 1603 et adoptée, plus tard, par le couvent de Tarbes. Les signes extérieurs ayant alors une grande importance, les religieux qui adoptèrent la réforme de Tours ne portèrent pas de sandales de cuir. Aussi, ils furent surnommés les grands Carmes. Tel fut le cas pour les moines de Tarbes.
Le couvent des Carmes de Tarbes fut fondé au 13 e siècle.
A grands traits, évoquons sa fondation, au voisinage de Bourg-Crabé, c'est à dire à l'orient de la ville, son essor, ses malheurs, son renouveau, son déclin et sa fin. Une tradition veut que le couvent des Carmes de Tarbes ait été fondé le 18 septembre 1282 par deux religieux arrivés en éclaireurs, deux ans auparavant, et aidés par la noble famille de Basillac. Dans la ville, c'était le deuxième couvent de moines mendiants. En effet, toujours selon la tradition, les Cordeliers (dénomination des fils de saint François d'Assise serrant leur tunique de bure d'un cordon) s'étaient installés vers 1260, avec la protection de la maison vicomtale de Lavedan, dans un site original où se rapprochaient, comme en nul autre point du territoire de Tarbes, le canal oriental et le canal occidental qui servaient, en partie, de limites au couvent. Malgré la disparition de ces voies d'eau, on peut évaluer l'importance foncière de l'ensemble conventuel - bâtiments et terres - en réalisant que, successivement, par la suite, on y perça l'entrée de la rue Massey, puis celle de la rue Georges-Lassalle, enfin celle de l'avenue Bertrand Barrère et qu'on y traça la rue Colomès de Juillan.
Venus, en second lieu, les Carmes réussirent leur installation à Tarbes. Des bâtiments conventuels, il ne reste pas pierre. Cependant, leur église - appelée, aujourd'hui, église Sainte Thérèse église Sainte Thérèse - est un témoin irréfutable. Certes, le mur gouttereau du nord a été rebâti au 19 e siècle, mais sans altérer l'ampleur et le volume du vaisseau gothique. De plus, il subsiste le clocher à flèche dont les arêtes de pierre sont ornés de crochets de feuillage. Pour imaginer l'aspect originel de cette flèche bâtie de briques, on peut aller regarder celle de l'église Saint Louis à Rabastens de Bigorre. Elles sont à peu près contemporaines et construites dans le même esprit.
Après cet essor incontestable, vint le temps des malheurs. Ils ne furent pas spécifiques au couvent des Carmes qui, comme le monastère des Cordeliers, l'église Saint Martin, la Sède et l'église Saint-Jean, l'évêché et les maisons canoniales, fut incendié volontairement le 6 septembre 1569, par les troupes de Montgomery que soldait Jeanne d'Albret, reine de Navarre, mais aussi comtesse de Bigorre. Étrange façon de quitter une ville qui n'avait opposé aucune résistance aux soudards. D'ailleurs, l'organisation de la défense était difficile à Tarbes. Deux ans plus tard, les habitants de Bourg-Crabé en eurent la preuve à leurs dépens. En effet, le capitaine Bonasse, pour concentrer sa troupe au Bourg-Vieux et au Bourg-Neuf, détruisit systématiquement le Maubourguet et le Bourg-Crabé, voisin du couvent des Carmes.
Heureusement, les ruines matérielles sont rarement irréparables ! Les religieux dans leur monastère, les laïcs dans un quartier à remodeler, se mirent à l'œuvre avec un dynamisme égal. Il en résulta la naissance du Portail Devant qui, pendant plusieurs siècles, allait être le pôle principal de la croissance de Tarbes et la renaissance du couvent des Carmes. Ayant opté, en 1651, pour la réforme de Tours, ils furent de grands Carmes. On peut souligner l'importance de la maison de Tarbes en 1768, en précisant que, parmi les dix-sept que comptait la province carmélitaine de Gascogne, celle de Tarbes était la cinquième en importance, ayant un prieur, un sous-prieur et surtout un noviciat. Elle compta jusqu'à 60 religieux. On réalise l'importance foncière du couvent des Carmes de Tarbes, si l'on imagine allant du nord de la place Marcadieu au moins jusqu'à la rue Michelet et englobant la rue des... Carmes.
© Lucienne MICHOU.
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