de Marie-Pierre Manet |
[1] J'ai pensé qu'il ne convenait pas de passer sous silence la date du 4 octobre 1977 : elle évoque, en effet, un heureux événement, survenu voici déjà deux cents ans. Ce jour-là naissait un garçon prénommé Placide, dont le nom familier aux Tarbais et aux Bigourdans, vivra à jamais dans leur mémoire.L'acte de mariage [2] que voici (document inédit), précise l'exacte origine de la famille Massey : " Le vingt-deux janvier (1771) a été célébré devant nous vicaire, le mariage d'entre Jean Massey, dit " Toulouse ", cordonnier, natif de Peyrusse, de la paroisse de Vielle, diocèce d'Auch et habitant celle-cy, fils légitime de Jean Massey et Frise Aurensan d'une part, et Jeanne Marmouget, native et habitante de Lutilhous au présent diocèse, fille légitime et majeure de feu; Baptiste Marmouget et de feue Jeanne Noguès d'autre part, les bans ayant été proclamés par trois dimanches successifs sans opposition ny révélation d'aucun empêchement tant dans cette paroisse que dans celle de Lutilhous (ainsi qu'il) appert du certificat de M. Labède, curé de Lutilhous), les parties disposées par la confession et la communion à revevoir la bénédiction nuptiale, présents Jean Fabas, sacristain, Arnaud Mua, Bernard Desbets, Emmanuel Lordes, Jean Ducos Bédouret, habitants de cette paroisse qui ont signé avec nous. "
Les nouveaux époux s'installèrent dans l'immeuble Serres, au Portail-Devant, où Jean Massey exerça sa profession de cordonnier. C'est dans cette maison qu'ils eurent la joie d'accueillir, à leur foyer, leur deuxième enfant, Placide. [3]
Voici le libellé de l'extrait de baptême :
" Placide Massey, fils légitime de Jean Massey, me cordonnier, et de Jeanne Marmouget habitans de la paroisse Saint-Jean est né le 4 Octobre 1777 et a été baptisé le lendemain par moi vicaire soussigné. Parrain a été Bernard Desbets md de cette ville, marraine Domenge Dubarry du lieu de Lutilhous ; la parrain a signé avec moi, non la marraine pour ne savoir, en foi de ce...
Signé : Desbets, Ramonaré, vicaire. " La brillante carrière qu'allait honorer ce garçon d'avenir nous amène tout naturellement à penser qu'une fée bienfaisante se pencha sur son berceau, lui dispensant généreusement intelligence, sensibilité, amour de la nature et des plantes.
L'enfant n'avait que neuf mois lorsque ses parents prirent possession, le 9 juillet 1778, de la maison qu'ils avaient acquise, rue des Grands-Fossés, le 9 janvier de la même année.
Cette demeure s'élevait sur l'étroite parcelle " confrontant du Levant à la maison Sireich, du Midi au canal du moulin de Bonnefon, du Couchant à la maison Damaré (plus tard Lupau), et du Septentrion à la rue publique. "
A l'âge de onze ans, Placide perdit sa mère, le 6 janvier 1789. Elle était âgée de 47 ans.
Élève de l'École centrale de Tarbes (Lycée Théophile Gautier), le jeune homme y poursuivit ses études secondaires, avec, pour condisciple et ami, M. de Mirbel, devenu, par la suite, professeur au Muséum et membre de l'Institut.
Comment ne pas noter que ces deux brillants élèves firent honneur à l'enseignement de leur illustre professeur, le naturaliste et pyrénéiste Ramond de Carbonnières ; avec lui, les deux disciples herborisèrent souvent sur les pentes pyrénéennes.
Les études secondaires terminées, Placide Massey entra, au titre d'aide-pharmacien, dans l'officine de M. Lécussan (actuelle pharmacie Bertrac) dont les anciens locaux se trouvaient au n°11 de la place Marcadieu.[4]
Le jeune Placide quitta bientôt cette profession, trop sédentaire à son gré, et rejoignit Ramond qui l'initia au pyrénéisme. Sous la direction si hautement autorisée d'un tel maître, le studieux jeune homme développa sa connaissance des plantes et ne tarda pas à devenir un ferveur adepte de la botanique.
À dix-huit ans, Massey s'engagea dans l'armée, où il fut promu au grade de sergent-major. Renonçant bientôt à la carrière militaire, Placide se retrouva à Paris : là renouant ses relations avec le géologue Ramond, son ancien maître de Tarbes, Massey, avec l'aide de son protecteur, devenu membre de l'Académie des Sciences, fut admis au Jardin des Plantes en qualité d'aide-naturaliste.
[...] Le 13 août 1797, Massey et son ex-camarade d'études Corbin participent à l'expédition organisée par leur ancien maître Ramond : le dessein du grand pyrénéiste était de faire l'ascension du Mont-Perdu, par le vallon d'Estaubé. Ramond avait réussi à entraîner avec lui son illustre collègue Philippe Picot de Lapeyrousse.
Ramond, très satisfait de son ancien élève Massey, le fit nommé, en 1808, Intendant des jardins que la reine Hortense possédait en France et en Hollande, charge qu'il exerça avec bonheur jusqu'en 1817, année où il entra, en qualité d'Inspecteur, avec la perspective de succéder à M. de Montay dans l'administration des parcs, pépinières et jardins de la couronne.
En 1819, le Comte Lelieur (un nom estimé en matière d'horticulture et d'arboriculture) prit sa retraite. Massey lui succéda avec le titre de Directeur des Pépinières du Trianon, du Potager de Versaille et du Fleuriste de Sèvres.
La réputation de Massey ne fit que s'accroître. Il créa le nouveau Parc du Grand Trianon et du jardin du roi à Versailles. C'est lui, notamment, qui traça nombre de parcs et de jardins. On lui doit, en particulier, le parc de Ferrières.
Sous sa direction, le jardinier en chef Gondouin reconstitua l'École d'Arboriculture de Trianon et développa admirablement les pépinières. Massey fit d'intéressantes études d'organographie végétale, et n'eut été sa modestie, il fût entré à l'Institut.
Le roi Louis-Philippe, informé des qualités rares et exemplaires du savant botaniste, lui décerna, au titre de chevalier, la croix de la Légion d'Honneur. Mais Massey ne porta guère cette décoration qu'en présence du roi.
Resté célibataire, notre compatriote vivait très simplement, aimait le calme, ignorait le luxe, ne fréquentait que de rares et sincères amis à qui son dévouement et son affection ne firent jamais défaut.
Loyal, scrupuleux, courtois et bon, Massey étaient philosophe de nature. Enclin à la mélancolie, il envisageait cependant avec la plus grande sérénité l'éventualité de la mort.
Sa ville natale, il ne l'oublia jamais. A chaque vacance, en efffet, il ne manquait pas de venir se retremper dans sa Bigorre, ravi par la contemplation de ses belles montagnes, si chères à son cœur. Son plus grand désir était de finir ses jours à Tarbes, son havre de prédilection.
A cet effet, dès 1829, il s'était rendu acquéreur de plusieurs terrains pour y créer jardin d'agrément et pépinières ; sans retard, il y avait planté nombre d'arbres aux essences rares et diverses.
En 1841, Massey entreprit un périple touristique à travers l'Angleterre, la Belgique et la Hollande. Ce voyage, qui le séduisit à bien des égards, fut à l'origine d'une longue lettre adressée à Mme Lécussan à Tarbes. [...]
En 1850, Massey résilie ses fonctions de Directeur et revient à Tarbes ; il agrandit son parc peu après, conçoit le projet d'y construire un édifice surmonté d'une tour d'observation (il désirait y fonder un Museum d'histoire naturelle), trace les lignes de son jardin, continue de planter des arbres de collection et de hautes futaie.
Ce vaste domaine, constitué par l'achat de vingt-deux parcelles diverses, représente une superficie de 11,2 hectares. [5]
En juin de cette même année, âgé de 72 ans, Massey visite l'Italie ; il fait l'ascension du Vésuve et du volcan éteint de l'île d'Ischia. [...]
Hélas ! Placide Massey n'eut pas la satisfaction de voir achevés les travaux de construction dont il avait confié les projets à l'excellent architecte tarbais Jean-Jacques Latour : il mourut subitement d'une affection de poitrine (dans sa propriété à Tarbes, près de son beau jardin), le 18 novembre 1853, à l'âge de 76 ans.[...] (ce serait dans une vieille maison située dans une des parcelles qu'il avait acquises : cette très vétuste demeure s'élevait, semble-t-il, à l'emplacement de l'actuelle École des Arts. Il ne fut pas question de la conserver en raison de son délabrement avancé.
Par son testament du 1er juillet 1853, Placide Massey légua, de grand cœur à la ville de Tarbes, son ravissant Jardin et presque tous ses biens.
La cité, reconnaisante de ce geste d'une si libérale générosité a élevé deux monuments à la mémoire de Placide Massey. Tous les deux sont surmontés de l'effigie du magnanime donateur. L'un dans ses ouvrages se dresse à l'emplacement où il repose, au cimetière Saint-Jean, l'autre à l'entrée de son superbe jardin, en face de la gendarmerie.[...]
Jules HÉRAUT
Le Jardin de Placide Massey
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Notes
[1] Sources : Gallica.bnf.fr
Bibliothèque Nationale de France
Revue du Comminges (Saint-Gaudens - Hautes-Garonne)
Société Julien Sacaze - 1980-01
[2]
Archives départementales - Registre des mariages de la paroisse de Saint-Jean - année 1771
[3]
Une fille, prénommée Anne, avait précédé, en 1775, la naissance de Placide.
Elle mourut, le 6 février 1787, à l'âge de douze ans.
[4]
Magasin actuellement occupé par une librairie.
Se succédèrent dans cette officine, les pharmaciens suivants : Lécussan, Saran, Aubian, Lestelle, Chépran, Mazières et Bertrac.
[5]
Le Parc Laurent Taillade (ancien Parc Berrens), fut acheté, en 1920, à M. Thévenot,
par la ville de Tarbes. Sa superficie est de 1,3 hectares.
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