de Marie-Pierre Manet |
Procès verbaux
CXV. - Séance du 4 mai 1899
[1] [...] MM de Cardaillac et Du Pouey demandent à la Société d'émettre un vœu en faveur de la conservation de la tour comtale du château de Bigorre, que les oublieux du passé appellent vulgairement " l'ancienne prison ". Les auteurs de la motion font ressortir que, depuis qu'il a été dégagé de ses bâtiments parasites, ce monument forme une masse imposante, d'un puissant relief, et présente un haut intérêt historique et archéologique. Bien des personnes qui avaient applaudi à la destruction de ce donjon, alors qu'il disparaissait sous un amas de construction hétéroclites, regrettent aujourd'hui qu'on marche si vite en besogne.M. Labrouche a remarqué, dans l'espace qui s'étend au sud-est de la tour actuelle, une ligne continue de murailles, disposées en équerre et dont il importerait de conserver le plan exact. Ces murs construits en cailloux, agglomérés par un ciment d'une résistance remarquable, ont toutes les apparences d'un appareil romain. Par endroits même, on trouve le moyen appareil en pierres taillées. Ces constatations laissent supposer qu'antérieurement à l'édification de château comtal, - que ses ogives permettent de dater du XIIIe siècle, - s'élevait sur cet emplacement un édifice gallo-romain. Dès l'époque antique, les deux villes de Tarbes, la cité épiscopale avec la Sède et la cité civile avec son palais curial, auraient donc coexisté, pour ne s'unifier qu'une douzaine de siècles plus tard, lorsque les guerres de religion, en ruinant les défenses anciennes, transformèrent les deux cités en une seule bourgade, largement étendue.
M. de Cardaillac ne peut soulever de doute sur la coexistence ancienne de la cité épiscopale et de la cité civile ; mais il est certain à ses yeux que, sur l'extrémité du coteau de Saint-Lézer, subsiste des terrassements d'origine celtibérienne, surmontés de ruines romaines, présentant un revêtement de petit appareil, encore visible. Il en conclut [...] que la primitive cité d'Ore ou d'Andore, qui précéda le bourg ecclésiastique de Saint-Lézer, fut la capitale primitive des Bigerriones et devint, au temps de la conquête , le Castrum Bigorra, chef-lieu militaire des premiers temps de l'occupation romaine. Tarba dut être fondé une fois la pacification accomplie et devenir ainsi, dans la plaine, la capitale administrative de la cité de Bigorre. [...]
Cette motion est adoptée, et la délibération suivante est prise à l'unanimité, sauf une abstention :
" Attendu que le donjon de l'ancien château comtal de Bigorre, dégagé, à la suite de la démolition de la vieille prison, des constructions postérieures qui le masquaient, présente, au point de vue architectural et historique, un véritable intérêt ;
Attendu que cette tour, carrée suivant le plus généralement suivi par m'architecture militaire du moyen-âge en Gascogne, conserve des caractéristiques de construction, qui ne se retrouvent pas dans les tours carrées de Mauvezin, de Montaner et du château de Pau ; qu'ainsi les quatre parements, au lieu d'être verticalement lisses, sont étayés sur trois des côtés par des contreforts ou bandes lombardes ; que, sur les faces de l'est et du nord, une large arcature ogivale est cantonnée entre deux contreforts ; que, sur la face ouest, trois bandes lombardes cantonnent deux arcatures ogivales, plus étroites que les précédentes et se faisant pendant ;
Attendu que l'on peut rapprocher ce mode de construction de celui des tours à parements extérieurs carrés, élevées à Carcassonne, dans la Cité par Philippe-le-Hardi, vers la fin du XIIIe siècle ; de celui d'une partie des murs du palais des Papes, à Avignon, remontant à la même époque ; et, enfin, du mode de construction de la tour carrée du donjon de Vincennes, datant du milieu du XIVe siècle ;
Attendu que, à Carcassonne, à Avignon et à Vincennes, on voit des parements de murs ou de tours carrées, étayés aux angles par des contreforts comme à Tarbes, avec parfois, comme à Tarbes encore, des arcatures ogivales intermédiaires.
Attendu que ce genre de construction se retrouve rarement en Gascogne et qu'on peut citer, parmi les quelques monuments semblables, la tour de Bassoues dans le Gers ;
Attendu, par suite, qu'on peut vraisemblablement faire remonter le donjon de Tarbes à la première moitié du XIVe siècle et à une période un peu antérieure à celle de Gaston Phébus, qui, vers le milieu de ce siècle, rebâtit ou restaura les tours de Mauvezin, de Montaner et de Pau ;
Attendu que l'appareil du donjon de Tarbes, mis à nu, paraît devoir uniformément se composer d'assises de briques, séparées par un revêtement de cailloux roulés, régulièrement disposés, en imitation de l'appareil romain ; que ces parements mis à vif et rejointoyés seront d'un aspect attrayant et intéressant à la fois ;
Attendu que le donjon, qui pourra être utilement plus tard restauré dans des proportions plus ou moins importantes, contribuera au pittoresque de la place ou du square qui doit être établi aux alentours, et qu'en outre il pourra servir, notamment, de poste pour les pompiers et de dépôt pour les archives communales.
En conséquence, le Comité de la Société Académique émet le vœu :
Que le Conseil municipal de Tarbes, veuille bien aviser à faire suspendre la démolition du donjon de Tarbes jusqu'après plus ample informé, en le faisant couvrir provisoirement ;
Que le Conseil veuille bien encore désigner une Commission prise, soit dans son sein, soit parmi les architectes de la ville de Tarbes, en lui donnant mandat d'étudier, si, en se plaçant au point de vue historique, architectural, archéologique et utilitaire, il y a lieu de décider la conservation du donjon de l'ancien château Comtal de Bigorre".
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