de Marie-Pierre Manet |
1.Naissance :
À la naissance d'un enfant, les amis du père lui envoient un fouet ou une houlette ornés de fleurs et de rubans, si c'est un garçon ; un balai agrémenté ou une quenouille garnie de lin attaché par une faveur, si c'est une fille, que l'on appelle alors u charpantiè d'esloupo.
2. Baptêmes :
Les sorcières pouvaient jeter un sort sur le nouveau-né, mais seulement avant le baptême, qui avait lieu le lendemain de la naissance.
La matrone, chargée de soigner l'enfant et l'accouchée, veillait aussi pour chasser les sorcières. Craignant qu'elle ne s'endormit, - ce dont eut profité la sorcière, - on plaçait sur une table, recouverte d'une serviette, du pain, de l'aïl et du sel. La présence de ces trois aliments coujurait les sorts.
Cette pratique était encore en usage il y a cinquante ans.
Les personnes qui assistaient à un baptême portaient des paquets de lin (asclets), qu'elles offraient après la cérémonie au prêtre ; celui-ci prenait, dans ces paquets, le lin nécessaire pour nettoyer ses mains et les parties du corps du baptisé sur lesquelles les onctions avaient été faites. Le reste, déposé à la sacristie, devenait la propriété de l'offficiant.
Les anciennes coutumes (trobas) de Tarbes contiennent d'assez curieuses dispositions, relatives aux nouvelles accouchées :
XLIX - Il est défendu de donner à boire ou à manger à aucune femme qui rende visite à une nouvelle accouchée, à peine de 2 sols morlas envers le seigneur, de deux sols moins un denier envers les gardes et de six deniers envers les gardiens des filleuls.
L - Il est défendu aux femmes, quand elles iront tenir un enfant sur les fonds, de mener avec elles plus de six autres femmes, en sorte qu'elles ne soient au plus au nombre de sept. Comme aussi défenses leur sont faites de boire ni manger dans la maison de l'accouchée et à cette dernière de leur en donner, le jour qu'elles porteront l'étrenne au filleul ou filleule, le tout à peine de cinq sols morlas envers le seigneur, de cinq sols moins un denier morlas envers les gardes et de vingt deniers morlas envers les gardiens.
LI - Il est défendu de donner à las jonglaresses, ni a joglas, ni aux cousins, quand ils seront d'un baptême, au-delà de deux deniers pour tous tant qu'ils soient et ce sous les peines portées au précédent article"
3. Noce - Mariage :
Ne devant compter que sur la vigueur de leurs bras et leur aptitude aux travaux des champs pour leur subsistance et l'entretien de futur ménage, beaucoup de jeunes gens suivent sans s'en douter la loi du combat ; chez le petit propriétaire, au contraire la question d'intérêt est cause d'âpres discussions, de retard dans la conclusion et souvent de rupture de mariage.
Après les accordailles, les fiancés, accompagnés de plusieurs amis, vont à la ville la plus voisine, acheter des bijoux et menus objets. Le jeune homme ne prend que l'anneau ; il achètera à sa "promise" un anneau également et la gorro. La gorro est une parure, composée : d'un cœur, attaché au cou par une chaîne ou un ruban de velours noir, - selon la fortune des jeunes gens, - au bout duquel pend une croix plate ; des pendants d'oreille en forme de grand anneau, le fermoir à facettes ; d'une ou plusieurs grosse épingles de châle, la tête à facettes, le tout en or.
Le jour du mariage fixé, les parents et amis conviés envoient des provisions de bouche, consistant en volailles et boissons pour le repas de noces.
Le dimanche, avant le mariage, le premier voisin de la fiancée porte sur son char les meubles chez le futur : matelas, lit, armoire, linge, etc. ; une quenouille émerge sur le tout.
Le conducteur, la houlette ornée de rubans, surmontée d'un bouquet, est accompagné des jeunes filles, chargées de mettre le mobilier en place. Elles seront reçus à la maison et aidées dans leur besogne par les jeunes gens amis du futur, le tailleur et la couturière qui ont confectionné les garnitures du lit et les vêtements nuptiaux.
La mise en place du mobiler, l'arrangement du linge dans l'armoire se font au milieu des jeux, des plaisanteries les plus folles, auxquelles les jeunes filles n'opposent qu'une molle défense, de cris perçants, de bruyants éclats de rire. La paillasse est bourrée de bûches et de cailloux, le linge caché dans la maison ; les meubles sont mis dehors, dans les fourrés.
Le char qui doit ramener les jeunes filles est démonté si le conducteur ne fait pas bonne garde.
Ordinairement, le mariage civil a lieu le soir, la veille du mariage à l'église, en présence des pères, plus proches parents, amis intimes ou voisins des contractants. C'est ce jour-là que les donzelles remettent leurs cadeaux, consistant en une glace et menus bibelots, que les donzelons mettent la ceinture à la mariée, qui a revêtu, pour la circonstance, un vieux tablier.
Les donzelons, entourant la jeune fille, l'attirent à eux, se la disputent ; le plus adroit, le plus vigoureux, arrachant vivement le tablier, aura l'honneur de lui arracher la symbolique ceinture blanche, achetée à frais communs.
Si les parents de la mariée ne donnent pas à ces jeunes gens une ou deux paires de volailles pour l'agape qui doit les réunir, quelques jours après la noce, le tablier déchiré, en lambeaux est porté au bout d'une perche en tête de cortège, à l'aller et au retour de la célébration du mariage religieux.
A l'entrée du cimetière entourant l'église du village, les parrains des mariés donnent une obole au sonneur, afin qu'il ne place des ronces sur l'allée conduisant à l&eacite;église dont le sacristain n'ouvre la porte que sur nouvelle offrande.
Les invités ont respectivement fait cortège aux jeunes époux ; mais à la sortie de l'église, les donzelles, invitées par la mariée, offrent aux donzelons, invités du marié, un bouquet de fleurs naturelles ou artificielles, selon la saison, et reçoivent, en retour, une boîte d'épingles ou un autre colifichet de peu de valeur.
C'est avec accompagnement de mousqueterie que la noce revient à la maison, dont les portes sont fermées par les gens restés dedans.
La porte s'ouvre enfin devant la noce, qui entre dans la cour. Alors a lieu l'entrenné (estreado), qui se fait quelquefois aussi à la porte du cimetière.
Assise ou à genoux sur une chaise, la mariée reçoit une accolade de son mari d'abord, puis de tous les invités, qui jettent une pièce de monnaie dans un plat, posé sur un escabeau, près d'elle.
L'étennée terminée, la belle-mère de la jeune mariée, munie d'un cierge ou d'un tortis de cire allumé, prend sa bru par la main et la conduit à la place qu'elle occupera au foyer de sa nouvelle famille. Si c'est un gendre qui vient dans la maison, c'est son beau-père qui procèdera à cette patriarcale installation au foyer (larè).
Très souvent aussi, la noce doit subir la cérémonie de la haie (sègo), quand c'est un étranger ou une étrangère qui vient de se fixer dans la commune. Des jeunes gens tendent un ruban à l'entrée de la maison, offrent des fleurs aux époux et au cortège. Si l'étranger ne répond pas à cette gracieuseté par une offrande en numéraire, il est acceuilli par un charivari.
La noce se divise quelquefois : les parents et invités du marié dînent chez lui, sa jeune épouse emmène chez elle ses invités.
Quoi qu'il en soit, un pantagruélique festin est servi à l'assistance qui mange lentement, longuement, bruyamment. A la fin du dîner, les femmes qui ont préparé le repas et celles qui l'ont servi passent derrière les invités et chantent le jougla : l'une porte une assiette pleine de son ou de farine, l'autre sur un plat une patte de dinde, une brosse, un miroir ; une troisième une serviette et une sébille.
S'arrêtant derrière chaque invité elles chantent les couplets suivants (dont voici la traduction) :
Invités de la mariée (bis)
Qui êtes à table pour dîner - joli, joli,
Qui êtes à table pour dîner - joli, ja.Mettez la main à la poche (bis)
Pour nous payer la jougla - joli, joli
Pour nous payer la jougla - joli,ja.Faites vite, faites vite (bis)
Autrement nous allons vous poudrer - joli, joli
Autrement nous allons vous poudrer -joli, ja.Il y a toujours quelque invité récalcitrant, c'est-à-dire ne versant rien dans la sébile, ne payant pas la jougle malgré la menace d'être poudré. Alors, au milieu des éclats de rire de l'assistance, les jougladères, après lui avoir passé la serviette autour du cou, lui saupoudrent la tête de farine, emmêlant les cheveux avec la patte de dinde. Enfin, lorsqu'il a versé son obole, les chanteuses réparent avec un soin minutieux le désordre de sa chevelure, jusqu'à ce que, après un coup d'œil , jeté sur le miroir, il se déclare satisfait. Bientôt commence le bal. Les bruyants orchestres de nos jours remplacent la flûte et le tambourin, dont les aires agrestes suffisent encore dans les villages reculés.
Très souvent aussi, les contredanses sont chantés par les danseurs et spectateurs.
Au XVIIe siècle, les prières se sont modifiées et la bénédiction du lit nuptial, sans cesser d'être habituelle, n'est déjà plus obligatoire.
Quand le curé sera prié de faire la bénédiction du lit nuptial, il le fera, le jour de la célébration du mariage, le matin avant le repas, en présence des nouveaux mariés, de leurs père et mère et de quelques personnes graves. Avant de commencer la cérémonie, il les avertira de garder cette bénédiction, non comme une vaine et superstitieuse cérémonie, mais comme une prière que l'Église adresse à Dieu, pour attirer sur les époux sa toute puissante protection, arrêter en eux les excès où ils pourraient se porter et réprimer la malice des esprits impurs. Il les exhortera de se tenir dans une simple modestie et à demander à la divine bonté qu'il lui plaise d'étendre cette bénédiction du lit nuptial sur leurs personnes pour rendre heureux leur mariage, les faire vivre dans une parfaite union dans son amour et crainte.
Que si le curé prévoyait et qu'il craignit vraisemblablement que cette cérémonie dut être troublée par quelque sorte de scandale, il s'abstiendra de la faire....
Enfin, au XVIIIe siècle, s'accuse la décrépitude d'un usage qui avait dû prêter à des abus, si l'on en croit la recommandation suivante :
Bénédiction du lit - Les curés ne font cette bénédiction que dans les maisons où ils connaissent assez de religion et de piété, pour être assurés que cette cérémonie servira à l'édification et qu'on n'en abusera pas.
4. La rôtie (la rosto) :
La rosto consiste en tranches de pain rôties et poires cuites, nageant dans du vin chaud fortement relevé et poivré, que l'on porte aux mariés la première nuit des noces.
Les fiancés font tout ce qu'ils peuvent pour l'éviter : ne se croyant pas en sûreté chez eux, ils se réfugient chez un parent ou ami... toujours indiscret qu'il fait connaître leur retraite.
Forcés d'ouvrir, on introduit, porté sur une civière, un personnage tout de blanc vêtu, tenant le plat de rôtie dans ses mains, accompagné de confrères déguisés sous les accoutrements les plus grotesques. L'un balance un vieux pot dans lequel brûle de la bouse ou du son ; l'autre, muni d'un grand livre, chantera dans un instant des couplets de circonstance que tous, entourant le lit, reprendront en chœur.
Cet usage de la rosto n'est qu'une parodie de mauvais goût d'une cérémonie de l'église, tombée en désuétude en 1500 : la bénédiction de la chambre, du lit et des époux au lit
.
5. Le charivari :
Quand un veuf qui se marie, les jeunes gens de la localité lui font un charivari, qu'il peut éviter moyennant une redevance variant selon sa fortune. S'il refuse le paiement de cette légère taxe, le charivari a lieu pendant huit jours, jusqu'au soir du mariage inclusivement, malgré les gendarmes et la police la plus vigilante.
Un des acteurs débite, sur le ton récitatif, ses strophes où la licence se mêle à l'ordure, contre les futurs époux, rappelant aussi les qualités ou défauts du défunt, qu'il termine par le cri calliouari, couvert aussitôt du tapage le plus discordant des casseroles, clochettes, brame-vaque, dominé du son rauque obtenu en soufflant à pleins poumons dans des cornes de bœufs.
Nous pourrions citer des charivaris mémorables où rien ne fut négligé : arcs-de-triomphe de ronces, jonchées d'ordures, bouse brûlée sous le nez des conjoints, accompagement d'un orchestre fantastique
.
4. Faire courir l'âne : (asouado).
Quand une femme battait son mari ou avait des amants, ses jeunes concitoyens lui faisaient courir l'âne. Les vieillards peuvent seuls raconter une asouado.
Au jour indiqué, l'effigie du battu ou de l'adultère était placée à califourchon sur un âne, la face tournée vers la coupe, - l'âne porté quelquefois sur une charette - promené dans la commune, avec haltes fréquentes, pendant lesquelles un chanteur, armé d'un porte-voix, rappelait les causes de l'asouado. (chant retranscrit en français) :
Cette mal coiffée, coiffée de travers -
a battu son mari à coup de bâton - et ri et ra
l'âne courra, non pas au trot - mais en l'honneur de la Margot.Très souvent la simple promenade de l'âne était transformée , à la grande joie des curieux, en spectacles de plusieurs scènes, à nombreux acteurs.
5. Décès - Enterrement :
Au décès d'un membre de la famille, des exprès sont envoyés à tous les parents au degré le plus éloigné, leur porter la triste nouvelle et leur faire connaître le jour et l'heure de l'inhumation. La mise en bière, le transport au cimetière et l'ensevelissement sont faits à tour de rôle, par les plus proches voisins ou les habitants de la commune, qui ont aussi creusé la fosse.
Le perdant, qui conduit le deuil, revêt des vêtements noirs, qu'il recouvre d'un grand manteau sombre, à pélerine et large collet de velours ou capuchon. Beaucoup d'assistants ont un manteau semblable ; mais le perdant seul redressera le collet ou relèvera le capuchon pendant la cérémonie. Dans quelques paroisses les perdants restent couverts à l'église, ne quittant un instant leur coiffure que pour l'offrande. Les femmes, en deuil ou non, s'enveloppent de la cape ou d'un capuchon noir doublé de rouge ou violet, tombant jusqu'aux talons.
Au retour du cimetière, une collation dont le menu varie est offerte à toute l'assistance : fromage et pain ou haricots et œufs. Aucune fourchette n'est donnée aux convives, afin de ne pas embrocher l'âme du défunt, disent encore les bonnes gens.
Les plus proches parents, voisins et amis assistent seuls aux messes de neuvaine et de bout de mois.
Une femme, après le décès de son père, de son mari ou de son fils, assistera, pendant les quatre dimanches qui suivent l'enterrement, aux offices, faisant brûler, à ses côtés, deux cierges allumés par la première voisine ; le reste de l'année le tortis de cire seul brûlera.
Les invitations faites pour l'enterrement sont renouvelées pour le bout de l'an ou messe anniversaire. Au retour de l'église, un repas copieux est servi à tout le monde
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6. Fête locale : (Hesto ennàu)
La fête locale, la fête du patron que la commune s'est donnée et que l'Église vénère, est célébrée avec solennité.
En ce jour, les familles, si pauvres soient-elles, reçoivent les parents et amis conviés depuis longtemps. La basse-cour est décimée ; la ménagère achète chez le boucher, - quand plusieurs familles réunies ne tuent pas un veau qu'elles se partagent, - un copieux morceau pour compléter le menu du repas, qui sera arrosé de vin du cru local.
Dans ce menu, presque toujours le même, ne figure pas la "garbure".
Soupe, comprenant une large tranche de lard, une volaille, de la viande de boucherie bien grasse, qui seront servis.
"Allicuit" composé exclusivement des abattis des volailles.
Rôtis divers, canard, oie, dinde, poules - Salade - La pâtisserie consiste en "pâtes bouillies". - Le tout est préparé par la maîtresse de la maison et cuit au four, non sans sucre.
Chaque convive apporte son couteau, qui lui servira dans beaucoup de maisons à piquer les morceaux dans son assiette et à les porter à la bouche. La maîtresse (dàno) ne s'assied jamais à table ; elle sert, aidée d'une servante ou d'une amie, les enfants et invités des deux sexes.
Le droit d'aînesse est, avec la plus grande rigueur, observé dans certaines familles. L'aîné, fille ou garçon, et quel que soit son âge, est servi à table par sa mère, dans toutes les circonstances, notamment pour honorer la présence d'un étranger qui visite la famille.
La famille, avec ses invités, assiste aux offices de la journée : messe et vêpre ; à l'issue de la messe, célébrée le lendemain à la mémoire des morts, tous vont s'agenouiller sur le talus herbeux qui marque, au cimetière, la place où reposent les anciens et les parents.
Dans l'intervalle, la ménagère ouvre à ses amies les armoires de linge, exhalant une bonne odeur de lessive et de lavande desséchée entre les blanches rangées de draps ; elle montre le lin filé, les pièces sur le métier à tisser (télè) ; elle indique les provisions du ménage, fière de l'épaisseur du lard, pendu par deux anneaux d'osier tordu, aux poutres enfumées, orgueilleuse de nombreux pots d'enclàuelat (quartiers d'oie ou de canard piqués de clous de girofle - clàuet - et confit à graisse) rangés sur une étagère ; la ménagère triche même, car quelques pots (loupios) recouverts de papier graisseux étaient une panse rebondie mais vide.
Le chef de famille fait visiter ses étables, l'enclos (courràu) et, conduisant ses compagnons sur ses pièces éloignées, leur conte ses projets, supputant ce que les récoltes lui donneront de pistoles.
Tous se retrouvent devant la "maison commune". Non loin du jeu de quilles (quilhè) où le curé ne dédaigne pas de se mesurer avec les joueurs les plus renommés, ont lieu les danses et les excercices de force, d'adresse : pousse-caillou, vire-barre, lance-hache, sauts divers.
Les champions des villages voisins se sont donnés rendez-vous, luttant de vigueur, de légèreté. Des rixes, rares d'ailleurs, éclatent quelquefois, à la suite d'un coup douteux, d'un excercice mal jugé. Les vainqueurs de la journée seront ceux dont les jeunes filles accepteront, avec le plus d'empressement, la main pour la danse, la compagnie pour se retirer les jours de marché de la ville voisine la main dans la main, le bras libre enlaçant la taille en crochet (clouchet)
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