[1] Les fêtes folkloriques organisées un peu partout, chez nous, depuis quelques années, ont remis en honneur, avec les chants et les danses du terroir, les bons vieux costumes des anciennes provinces de France.Ces costumes d'à présent sont-ils l'exacte reproduction de ceux d'antan ? C'est la question que les férus d'authenticité se posent. A ce propos, et sans sortir de nos frontières bigourdanes, il faut bien reconnaître que si certains groupements se sont efforcés de scrupuleusement respecter la tradition, d'autres ont pris avec elle d'excessives libertés qui font de telle société un ramassis burlesque de figurants d'opéra-comique bien plus qu'une compagnie de mainteneurs fidèles des anciens usages.
Documents en main, nous décrirons, ici, quelques-uns des véritables costumes en usage, jadis, dans nos trois vallées haut-pyrénéennes des Gaves, de l'Adour et des Nestes, en les choisissant tous de la même époque, soit le XVIIIe siècle.
Et d'abord celui de l'ancienne corporation des Burrayres-Carretès (Beurriers-Rouliers) d'Ossun, tel que l'avait désiré l'Angoumoisine "Marguerite des Marguerites", qui fut reine de Navarre et comtesse de Bigorre, quand, vers 1540, les Ossunois s'étaient mis "en gente garde".
Les burrayres, a écrit La Boulinière en 1825, avaient la taille élevée, ornée d'une tête coiffée d'un béret blanc au large pompon rouge en laine, ayant la veste courte, le pantalon dans les bottes à haute tige et leurs larges épaules recouvertes d'une cape blanche faite d'une étoffe très épaisse en laine pour les garantir à la fois du soleil, du froid et de la pluie... Le costume des dimanches se composait d'un béret blanc avec un pompon rouge en soie, d'une veste courte appelée "matelote" en laine fine avec rubans rouges sur tous les bords et sur toutes les coutures, de culottes larges et courtes jusqu'au dessus du genou, blanches, vertes ou bleues, terminées à coulisses par des nœuds ou "flocs" en soie, aux couleurs assorties, d'une ceinture rouge en belle soie, de bas blancs ou bleus, et enfin de souliers ouverts avec jolies boucles bien faites... Les femmes sont encapuchonnées de la tête aux pieds, à peine si elles montrent un œil pour se conduire...".
La Révolution égalitaire de 1789 prohiba le port de ce costume, dont il ne reste aujourd'hui qu'un vague souvenir que perpétue cet impertinent dicton : "Burrayre d'Aussun, grano coloto et petit cu", " Beurrier ossunois, vaste culotte et petit poster".
Pour ce qui est de la vallée de l'Adour, nous reproduisons ci-après la "Montagnole de Campan" et le "Berger de Labassère" qui, vêtus tous deux à la manière du dernier siècle, figurent en bonne place dans les rétropectives du Musée Pyrénéen de Lourdes.
La "Montagnole" porte, relevée sur son court jupon blanc strié de rouge, une ample robe de droguet gros bleu à larges raies noires et blanches ; elle a, surmonté du béret brun, mouchoir de couleur noué sur la nuque ; foulard bigarré, de soie ou de cachemire, entourant le col et venant se croiser sur la chemisette bleu pâle à longues manches bouffantes qui sert de corsage ; aux jambes, guêtres de grosse bure marron ; au dos, la "sarpe", le sac de drap à bretelles, ordinairement à deux couleurs, spécial à la Vallée de Campan.
[2] Le "Pâtre" est enveloppé de l'ample et longue pélerine à capuchon et à macfarlane, en laine blanche des Pyrénées, bordée de passementeries noires. Chemise de lin écru, courte veste et courte culotte de bure grossière, ceinture rouge à fleurs, guêtre marron, sabots de noyer à bout recourbé, complètent l'appareil vestimentaire... Sous le capuchon rabattu, se cache la berrête, le bonnet de laine tricotée dont la pointe à pompon retombe sur l'oreille ; et, appendu à la ceinture écarlate, on distingue, le salié pintourat, la poche de sel bariolée, tricotée elle aussi, et sur laquelle, encadrés de fleurettes naïves, sont brodés des mots charmants, gages d'anciennes ou actuelles amours, amistat, amitié, tu e you, toi et moi, etc...
Les Aurois, eux, portaient, à l'ordinaire, casaquin et haut-de-chausses sur une chemise de lin, de chanvre ou d'étoupe. Une calotte à pompon leur servait de coiffure. Et il chaussaient, suivant la saison sabots dits de Yumet, du nom de la localité où on les fabriquait, ou bien abarques faites d'une langue de cuir de vache retenue par une longue courroie s'enroulant au coup de pied.
Le casaquin était une sorte de veste à collet, en drap du pays, et à quoi deux petits devants d'une couleur vive, cousus aux revers des échancrures et assemblés par des boutons, donnaient plus seyante allure. Le haut-de-chausses, qui allait de la ceinture jusqu'aux genoux, et que complétaient des guêtres assorties, était tantôt collant, tantôt bouffant, confectionné aussi en caso-hét, drap tissé chez soi, de couleurs vives pour les gens de condition, gris, blanc, noir ou pers pour les hommes du peuple.
La cape de laine complétait l'habit masculin. Elle ressemblait à celle du Berger de Labassère [2], avec sa pélerine et son capuchon fixe, mais s'en distinguait par la couleur grise, beige ou noire. Une courte fente pratiquée à la base de la partie postérieure rendait la démarche plus aisée et plus libre.
La femme auroise, elle, portait ample jupe, pourpoint avec manches, coiffe de toile, souliers ou sabots. Par dessus son vêtement, elle revêtait, selon les circonstances, la longue mante ou le court capulet.
La jupe était en drap du pays, cadis, cordelat ou fleuret, de diverses couleurs. Elle était attachée à la taille par une ceinture ou coste doublée de soie. Le pourpoint était du même drap que la jupe. Une assez grande échancrure autour du cou permettait aux coquettes d'étaler, aux jours de dimanche et de fête, la "Jeannette", joyau pieux d'une croix et d'un cœur en or ou en argent suspendus à un ruban de moire.
La coiffe, ou coho, consistait en un serre-tête de toile de lin bordé de dentelle enveloppant la chevelure et retenu par une coiffe plus petite, le couhét. Une bande de toile encore retenait le tout sur la nuque tandis que deux autres bandes plus larges retombant sur la poitrine étaient jointes à leurs extrémités par des épingles.
La mante, ou capeta, recouvrait entièrement la femme de la tête aux pieds. Elle affectait la forme d'un sac ouvert sur l'un de ses côtés longitudinaux. Elle était en usage surtout pour le deuil. Le capulet, capulo, sorte de réduction de la capeta, ne descendait, lui, que jusqu'à la taille. Il était ordinairement en loundri, drap de couleur écarlate. Capeta noire et capulo rouge, justifiaient l'adage populaire : "Ed arrouy per bet està, et ner per aunourà", le rouge pour se parer, le noir pour honorer.
Ainsi donc nos trois vallées haut-pyrénéennes présentaient, jadis, du point de vue vestimentaire, de notables différences.
Un attribut pourtant leur était commun, la cape, dont se drapaient mêmement beurriers ossunois, pâtres de Labassère et laboureurs du Pays d'Aure.
Elle était, cette cape, une survivance de l'antique saie gauloise, et par elle se transmettait, en quelque sorte, une tradition millénaire, née de la première peau de bête que, mufle recouvrant la tête et pattes antérieures nouées sur la poitrine, jetèrent sur leurs robustes épaules les premiers chasseurs d'ours - nos ancêtres - du haut pays des Nestes, des Gaves et de l'Adour.
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