La fontaine Duvignau-Bouzigues
dite des " Quatre vallées"
à Tarbes
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Fontaine Duvignau-Bouzigues dite des quatre vallées.
BNF Gallica - Bibliothèque Nationale de France
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Qui était Marc Bouzigues ?

[1] Dans la rue de l'Orient, à Tarbes, dont le nom s'inscrit dans la solide coutume bigourdane consistant à situer les lieux en référence aux points cardinaux et, par voie de conséquence, les maisons également et, de l'à, les patronymes (cette rue est maintenant l'venue de la Marne), il y avait autrefois la boutique d'un épicier, Jacques Bouzigues. Celui-ci avait adjoint à ses activités la fabrication de chandelles. Des quatre enfants qu'il avait engendrés, deux moururent jeunes et les deux autres ont marqué de leur noms des étapes de l'histoire de Tarbes.

L'aîné, Marc, né le 18 octobre 1810, partit chercher l'aisance, comme le firent beaucoup de Pyrénéesn au XIXe siècle au Mexique, où il exerça les fonctions de Consul de France, à Matamoros, parallèlement à des activités commerciales, et il revint à Tarbes, vers la trentaine, déjà nanti d'un confortable pécule qui lui accorda assez de liberté à cette époque où l'on pouvait vivre confortablement des rentes procurées par un magot constitué en une douzaine d'années, passées aux "Amériques". Marc Bouzigues deviendra maire de Tarbes et l'on peut voir sa sépulture, dans le cimetière Saint-Jean, surmontée d'une sorte de pyramide au sommet de laquelle est posé son buste en bronze avec la simple mention : "Marc Bouzigues 1810-1885".

Cette tombe se trouve au cœur du vieux cimetière, dans le secteur le plus évocateur des personnages qui y reposent après avoir marqué de leur empreinte l'histoire de Tarbes à divers titres : Bertrand Barrère, Antoine Brauhauban, Placide Massey, Louis Caddau, Vincent Lupau, Henri Nelli et d'autres encore.

La précision dans l'orthographe des noms de famille n'avait pas encore l'administrative rigueur exigée de nos jours et on trouve le nom de cette famille sous quatre formes selon les documents : Bousigue, Bousigues, Bouzigue, Bouzigues.

Des gens cultivés et altruistes

La sœur de Marc, était de treize ans sa cadette, née le 27 juin 1823. Le mariage de celle-ci avec un certain Duvignau la conduira à Paris où son mari exercera un emploi administratif dans un ministère. Veuve et sans enfants, elle reviendra à Tarbes vivre avec son frère, qu'elle suivra dans la tombe à neuf mois d'intervalle, le 27 juillet 1886. C'est là que s'arrête la descendance de l'épicier Jacques Bouzigues qui avait eu quatre enfants, sans génération suivante.

La fortune, importante, est entre les mains de Félicité Duvignau-Bouzigues qui assure la succession en accord avec les intentions préalablement exprimées par son frère.

Il faut dire aussi que les Bouzigues étaient des gens cultivés et altruistes, et qu'ils aimaient profondément leur ville de Tarbes, comme le montrera le testament de Félicité, dont un des legs sera à l'origine de la fontaine des Quatre Vallées, sur la place Marcadieu, ainsi que la petite fontaine, érigée à l'autre extrémité de la place, et qui a pour toile de fond la maison Calas. La suite nous montrera les aspects de ces réalisations.

Le legs Bouzigues

Félicité Duvignau-Bouzigues, sœur de Marc Bouzigues, n'eut pas de descendance. Elle avait une filleule, Félicité Dencasse, d'une famille de fondeurs de cloches à Tarbes, dès le XVIe siècle et jusqu'au XXe.

Félicité Dencausse demeurait à Tarbes, au n° 5 de la rue Sainte-Marie (actuelle rue Paul Bert). Elle était désignée par Félicité Duvignau comme l'exécutrice de ses volontés testamentaires exprimées le 20 juillet 1886. Ainsi léguait-elle à l'hospice de Tarbes trente actions des Chemins de Fer du Nord ; à l'asile Saint-Frai, 20.000 F ; à la Miséricorde (Saint-Vincent de Paul), pour les orphelins, 8.000 F ; à Marie Lamon, pour l'œuvre des orphelins, à tarbes, 8.000 F ; au Bureau de Bienfaisance de Tarbes, 10.000 F.

Et, à la ville de Tarbes, soixante actions du Nord pour deux jets d'eau servant à l'ornement de bassins pour la place Marcadieu, un à chaque bout de la place ; dix actions du Nord en plus dont l'intérêt sera pour réparer tous les ans le caveau de la famille Bouzigues au cimetière Saint-Jean et pour la réparation des jets d'eau.

La légataire n'était pas oubliée, ni son père : ensemble, ils recevaient environ 150.000F, somme considérable pour l'époque. Mais la légataire devait être très âpre, car elle adresse au Conseil d'État un long mémoire pour montrer que la création de jets d'eau sur la place Marcadieu est absurde et nuisible, disant qu'on se plaint déjà de la fontaine issue de legs, Montaut, qui inonde parfois la place les jours de marché, et de la Halle aux grains, récenmment construite, qui réduit l'espace des marchands.

Il faut cependant reconnaître que, derrière l'intérêt personnel solidement sous-jacent, il existe dans ces arguments un certain écho des récriminations entendues au marché. La légataire récidivera sur un autre front et obtint que fût supprimé, à son propre profit , le legs de 11.000 F, attribué à l'église Sainte-Thérèse pour la construction d'une orgue. Elle tenta même, judiciairement, de frustrer les orphelins de l'œuvre de Lamon des 8.000 F à eux destinés.

Il faut dire que le père et le frère de Félicité Dencausse finiront par désavouer l'âpreté de leur fille et sœur.

Fluctuations municipales

Du côté municipal, des erreurs administratives et des oublis de Sainte-Marie, maire, furent préjudiciables à la ville qui perdit six ans d'intérêts du legs Bouzigues.

En 1886, le maire de Tarbes était Vincent Lupau et, ès-fonctions, désigné comme exécuteur testamentaire par la testatrice. Sempé se dressa contre lui et, le 2 mai 1882, M. de Févelas devint maire, mais il meurt peu après. Vincent Lupau retrouve le fauteuil de premier magistrat le 14 avril 1883, ce que confirment les élections de 1884. En 1888 : les élections ramènent Sainte-Marie à la tête de la ville et, le 15 mai 1892, Vincent Lupau lui succède de nouveau et, de nouveau, Sainte-Marie lui reprend le siège le 26 décembre 1894, jusqu'au 17 mai 1896 où Adam prend sa place que la mort lui dérobe trois mois après, en juin 1899. Dasque devient maire pour quelques mois et Magnoac sera le premier maire de Tarbes du XXe siècle. Ainsi, de 1882 à 1900, le siège de maire de Tarbes aura été occupé par six hommes, celui qui l'aura au total détenu le plus longtemps étant Vincent Lupau, soit pendant huit années.

Où bâtir la fontaine ?

L'histoire de la fontaine des Vallées est pleine de rebondissements.

La donatrice avait bien stipulé qu'il fallait construire deux fontaines, une à chaque extrémité de la place. Un conseiller crut avoir un idée de génie qui donnerait satisfaction à Félicité Dencausse qui estimait qu'une fontaine près de la Halle aux grains réduirait trop l'emplacement alloué aux forains. Il proposa donc, de construire un monument unique au milieu de la place avec deux jets d'eau, l'un dirigé vers l'est, l'autre arrosant l'ouest. Ainsi la testament serait respecté : deux jets d'eau regardant (en se tournant le dos), à partir d'une même source, vers les deux points opposés de Marcadieu. On ne donna pas suite mais on constitua une commission où ne figuraient ni esthètes, ni urbanistes, ni artistes (à l'exception de Nelli) : ce fut un échec. C'est alors que Vincent Lupau prit l'heureuse initiative de convoquer des artiste du pays, connaissant et aimant leur Bigorre : Desca (de Vic), Escoula (de Bagnères), Mathet (de Tarbes). A cette proposition, Adam trouva à redire pour l'acquisition d'une fontaine industrielle en fonte où l'on ferait jouer la concurrence entre les fabricants. On mit aux voix les deux avis : celui de Lupau n'obtint que quatre voix sur onze, et quelqu'un émit une autre idée en suggérant le nom d'un ingénieur maître des forges à Paris, Louis Gasne. Vincent Lupau ne s'avoua pas vaincu et tint bon pour une création artistique unique et locale contre une production industrielle multipliée et parisienne. Échange d'invectives, d'arguments fallacieux des opposants aux artistes locaux que Sold-Dourdin accable de compliments, de fleurs et de bonnes paroles pour justifier le recours moins onéreux à l'industrie.

La victoire de Vincent Lupau

Le 24 juin 1892; le conseil municipal votre la nullité du traité conclu avec l'industriel parisien Louis Gasne et, le 17 octobre, déclare l'intention de confier à Desca, Escoula et Mathet, au talent consacré par des récompenses majeures, la réalisation de la fontaine sous la surveillance d'un architecte qui assurerait la partie technique liée à la composition de l'ensemble. La nature du marbre et des matériaux est définie, le devis et les grands traits artistiques et symboliques établis.

Le 1er mai 1893, le préfet Colomb donne son approbation et une maquette est présentée. Les matériaux (de haute qualité) sont précisés pour chaque groupe ou représentation allégorique dans une symplonie de marbre et de bronze (on est loin de la fontaine industrielle) et le rôle de l'architecte Caddau, qui deviendra architecte des Monuments historiques. Un décret pour lequel MM Achille Fould et Alicot, députés, et Baudens, sénateur, avaient assuré leur appui est pris par le président de la République Sadi Carnot et le président du Conseil, Ministre de l'Intérieur Alexandre Ribot pour autoriser le maire de Tarbes et les autres légataires à accepter le legs de Félicité Duvignau-Bouzigues (21 mars 1894).

Les vallées de Bigorre au Marcadieu

Était-ce la fin des procédures ? Pas tout à fait encore ! Le 4 juillet 1894 le tribunal civil de Tarbes prononce un jugement concluant le procès engagé par la demoiselle Dencausse. Un des nombreux attendus mérite d&aecirc;tre cité :

" Attendu qu'à la vérité, la ville est fondée à trouver trop étroite et judaïque l'interprétation donnée au testament du 7 juillet 1886 par la demandesse lorsque celle-ci soutient que les deux bassins avec jets d'eau doivent être semblables et représenter la même dépense ; qu'en effet, pour pénétrer les intentions de la testatrice, il convient de considérer l'état des choses existant de l'époque de la rédaction du testament à celle du décès et qui, seul, évidemment, a exerçé une influence sur la volonté de la dame Duvignau... "

Cet attendu procède d'une volonté d'analyse d'urbanisme historique et d'esthétique. Les cousins Dencausse, s'estimant à tort lésés, s'en tiennent à la lettre du testament et refusent d'en saisir le fond et l'intention. Félicité Duvignau aime sa ville et veut l'embellir en joignant l'utile à l'agréable. Mais elle ne s'est pas adaptée à la configuration de la place qui, hors les anciens murs de Tarbes, s'est constituée une fonction d'un développement progressif forcé de tenir compte d'éléments et d'axes existant déjà. Deux bassins identiques eussent été possibles dans une cité aussi rigoureusement ordonnée dans sa conception d'urbanisme que nos bastides du Sud-Ouest au plan tout aussi orthogonal que celui qui, au XVIIIe siècle, à celui de la place des Quinconques, à Bordeaux. Tarbes s'étendait avec les nécessités imposées par le caractère rural et agro-pastoral de l'environnement géographique et la forme prise par la place Marcadieu, dont le nom même dit bien la destination. Les édiles tarbais, l'architecte, les artistes sculpteurs, l'on bien remarqué : ils ont voulu, par les formes et les eaux qui chantent l'hymne de Tarbes, de la Bigorre et des vallées, exprimer le caractère du pays pyrénéen et, d'autre part, utiliser la belle toile de fond que constituait l'architecture de la maison Calas, bien rythmée et si bigourdane avec ses galets de l'Adour, pour y présenter une fontaine plus petite et délicatement gracieuse, les deux fontaines ne se nuisant pas réciproquement.

Les progrès matériels et leurs limites en 1894

On apprend dans le même jugement, qu' " existait à Tarbes aucune canalisation organisée de façon à permettre la création de bassins avec des jets d'eau. " et que, pour réaliser la fantaisie voulue par la testatrice, il fallait investir des frais qu'elle n'avait pas prévus et qui seraient nécessairement à la charge de la ville. Or, entre temps, la ville a justement établi une canalisation d'eau sous pression : la construction de la fontaine était devenue possible. Mais " in cauda venenum ", rien n'autorise la ville à prélever sur le legs les frais de déplacements de la fontaine Montaut " existant autrefois au milieu de la place ". Le jugement impose donc un délai de trois ans à la ville pour se conformer aux conditions, révoque le legs pour la fin du délai imposé et stipule que la ville devra alors remettre à Mlle Dencausse la partie du legs concernant la fontaine. La ville était condamnée au dépens.

L'eau coulera

Le 2 janvier 1895, la Cour d'Appel de Pau remonte aux délibérations du conseil municipal de Tarbes de 1894 desquelles il ressort que ledit conseil se propose d' " élever sur l'emplacement occupé par le kiosque à musique, situé à l'une des extrémités de la place Marcadieu, une fontaine monumentale, alimentée par plusieurs jets d'eau, et de construire à l'autre extrémité un bassin et un jet d'eau. La fontaine monumentale doit rappeler par une plaque de marbre le legs fait à la ville par la dame Duvignau et conserver le souvenir de sa générosité. " D'autre part, il est fait allusion à la suppression de l'ancienne fontaine existant au milieu de la place. Il convient de rappeler, ici, que le nom de rue de la Fontaine ne se réfère pas à Tarbes, au fabuliste de génie ! Cette rue qui fait communiquer le Foirail au Marcadieu, rappelle que, dans son axe, au milieu de la place, existait jadis une fontaine à laquelle on descendait par quelques marches et qu'une source alimentait.

Fontaine Montaut sur la place aux balais

A cet emplacement fut érigée une autre fontaine (1874) dont la colonne centrale, portant le blason de Tarbes, fut sculpté par Nelli, tandis que les têtes de lions formant une couronne autour du bassin intérieur sont dues au ciseau de Desca. L'édification de cette fontaine résultait du legs fait à la ville par Pierre Montaut, qui habitait une maison sur la place Marcadieu, maison plus tard détruite pour dégager les abords de l'église Sainte Thérèse, autrefois église du couvent des Carmes. La construction des deux fontaines issues du legs Duvignau, grâce (li l'on peut dire) à la longueur du procès qui avait laissé le temps de faire circuler les conduites d'eau sous la ville, envoyèrent la fontaine Montaut sur la place aux Balais, devenue place Montaut (c'est peut-être le premier acte de la promenade des monuments tarbais) où elle attendit huit décennies avant d'être mise en ezu dans les années "80".

Les vraies intentions de Félicité Duvignau

Elles sont analysées dans le jugement en appel de Pau. Il cherche à sonder la pensée de la donatrice qui, pour être nette sur le but, ne s'est évidemment pas inquiétée, parce que cela n'était pas de son ressort, des conditions techniques de sa réalisation et la Cour, en conséquence, réforme le jugement dont il est fait appel. Le legs sera suivi d'exécution et l'on revient aux dispositions du conseil municipal de Tarbes des 21 février et 11 juillet 1894. Quant à Melle Dencausse, sa grincheuse obstination (dont d'ailleurs Henri Dencausse et son fils Ursulin se sont désolidarisés en adressant, le 25 août, une lettre au journal "La Liberté" qui la publie le 26) est condamnée aux deux tiers des dépenses de première instance, à l'amende et aux dépenses d'appel, la ville de Tarbes devant pourtant supporter un tiers des dépenses de première instance.

Huit ans de discussions, de procès, de rapports, de succession de conseillers et de maires, de frais, pour revenir au point de départ, le legs, et cela grâce à la persévérance d'un maire dont la magistrature a été entrecoupée d'hiatus, où les luttes politiques locales se sont abreuvées à l'eau virtuelle d'une fontaine à naître. Mais il y a des ironies dans l'Histoire. En 1874, Marc Bouzigues (frère de Félicité Duvignau) appartient depuis une vingtaine d'années à un conseil municipal politiquement assez homogène. Or certains membres se prennent à souhaiter une gestion plus libérale pour le progrè urbanistique et l'intérêt social. Parmi eux : Brauhauban, Deville, Frogé, Vincent Lupau, lui qui, par exemple, suggéra à son ami, le riche célibataire Antoine Brauhauban, l'idée d'offrir à la ville des biens fonciers lui appartenant pour créer un marché : telle est l'origine de la place et du marché Brauhauban. Les élections de 1874 et 1875 éliminent Bouzigues d'un conseil présidé par Brauhauban, et Vincent Lupau, très curieusement, en sa qualité de maire et au nom de la ville, sera plus tard le gégataire de Félicité Duvignau-Bouzigues, détentrice des biens de la famille. Cela prouve qu'au moins, en ce cas et à cette époque, le bien public a pris le pas sur les possibles rivalités politiques ou les rancœurs personnelles pouvant en découler. Et la fontaine naquit enfin...

L'autorisation d'acceptation du legs Duvignau par le Président de la République Lazare Carnot (23 mars 1893) et l'avis du préfet (8 mars 1893) ouvraient la voie aux travaux pour une fontaine en marbre (pas en fonte !) au milieu de la place Marcadieu. Les travaux étant avancés et le gros œuvre presque terminé et prêt à accueillir les statues. Il fallut déplacer le monument pour respecter les termes du legs (on voit que cette habitude tarbaise de faire voyager les monuments a des antécédents séculaires), ce qu'exécuta l'entreprenneur Brihauant (dont on connaît la maison au n° 30 de l'avenue Bertrand Barrère). Les artistes, dès lors, pouvaient toujours, sous la direction coordinatrice et technique de l'architecte Louis Caddau, ancien élève de l'École des Beaux-Arts, insérer le fruit artistique de leur créativité dans la composition préparée à cet effet.

Là encore, tout ne se fit pas dans la sérénité. Trois artistes sculpteurs haut-pyrénéens ont été choisis pour composer l'animation sculptée dans la pierre ou coulée dans le bronze et destinée à symboliser, au cœur du département, ses composantes géographiques, naturelles, économiques, l'architecte Caddau ayant pour fonction d'assurer la structure technique de l'ensemble et l'harmonie de son insertion dans le contexte de la ville et de la place Marcadieu.

Les fonctions de Louis Caddau, dans cette longue et délicate opération, furent gratuites, lui-même tenant à ce qu'il en fut ainsi. Il voulait, d'autre part, laisser aux trois artistes une liberté totale d'inspiration créatrice. Louis Desca donnait les axes thématiques du symbolisme à l'unité duquel devait se mouler l'inspiration des trois sculpteurs. Il écrivait à Caddau : " Toi qui connais nos personnalités, nos tempéraments, tu sauras nous mettre d'accord. " Le maire, Vincent Lupau, écrit d'ailleurs à Caddau : " Vous voudrez bien vous considérer comme le directeur des travaux. " Desca écrivait aussi à Louis Caddau : " Si tu voyais quelque chose de défectueux, nous le modifirions. " De fait, Caddau émit quelques observations tendant à modifier légèrement l'harmonisation de certains éléments, ce que Desca prit très mal, et, les faits ayant donné raison à Caddau, Desca dut s'excuser.

La porte de bronze

Donnant accès à l'intérieur de la fontaine, la porte de bronze ne reflète pas - et c'est heureux - les mesquineries de celui qui voulait tout ramener à lui aux dépens de ceux qui avaient eu un rôle essentiel dans le cheminement des opérations et de leur résultat final. " Vatum irritabile genus ", écrivait le poète latin Horace (la race irritable des poètes et, par extension, des artistes).

La fontaine Duvignau [2] a eu 100 ans en 1997. Combien il est regrettable que la ville ait omis de fêter ce centenaire : Est-ce un oubli ou la marque d'une gêne ? Le patrimoine occupe-t-il, dans sa conservation et dans le respect du caractère d'une ville et de ses traits spécifiques à faire connaître et à transmettre aux générations futures comme une identité, la place et la signification dont les donataires, les constructeurs, les édiles, les ont chargés avec tout le message contenu dans chacun d'eux : histoire, bienfait, utilité, poèsie, ornement, habitat... ? Et Tarbes a tant perdu, au cours des siècles, de ces édifices chargés de sens, d'harmonie, de pensée, de messages !

Marcel Derosier



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Notes

[1] Sources : Gallica.bnf.fr
Bibliothèque Nationale de France
Bulletin de la Société Académique
des Hautes-Pyrénées
Société Académique
des Hautes-Pyrénées - 1998.



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© Marie-Pierre MANET








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