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[1]"Le premier jour de septembre, que les bains des Pyrénées commencent d'avoir de la vertu, plusieurs personnes, tant de France, d'Espagne que d'ailleurs, se trouvèrent aux eaux de Caulderès, les uns pour boire de l'eau, les autres pour s'y baigner et les autres pour prendre de la boue, qui sont choses si merveilleuses que les malades abandonnés de leurs médecins s'en retournent tout guéris. Mais sur le temps de leur retour vinrent des pluies si grandes qu'il semblait que Dieu eût oublié la promesse faite à Noé de ne plus détruire le monde par eau ; car toutes les cabanes et logis dudit Caulderès furent si remplis d'eau qu'il fut impossible d'y demeurer. Ceux qui étaient venus d'Espagne s'en retournèrent par les montagnes du mieux qu'il leur fut possible ; mais les Français, pensant s'en retourner à Tarbes, trouvèrent les petits ruisseaux si enflés, qu'à peine purent-ils les passer à gué. Mais quand il fallut passer le Gave, qui en allant n'avait pas deux pieds de profondeur, il se trouva si grand, si impétieux, qu'il fallut se détourner pour aller chercher des ponts ; mais comme ces ponts n'étaient que de bois, ils furent emportés par la violence des eaux. Quelques-uns se mirent en devoir de rompre la véhémence du cours. Les uns traversèrent les montagnes, et, passant en Aragon, vinrent dans le comté de Roussillon et de là à Narbonne. Les autres s'en allèrent droit à Barcelone, et passèrent par mer à Marseille et à Aigues-Mortes. D'autres, pour prendre une route détournée, s'enfoncèrent dans les bois et furent dévorés par les ours.Mais une dame veuve, de longue expérience (nommée Oisille), se délibéra d'oublier toute crainte pour les mauvais chemins jusqu'à ce qu'elle fut venue à Notre Dame de Sarrance [2] étant sûre que s'il y avait moyen d'échapper d'un danger, que les moines le doivent bien trouver et fit tant qu'elle y arriva passant si étranges lieux et si difficiles à monter et à descendre que son âge et pesanteur ne la gardèrent point d'aller à pied la plupart du chemin. Mais la pitié fut que la plupart de ses gens et chevaux demeurèrent morts par le chemin et arriva à Sarrance avec un homme et une femme seulement, où elle fut charitablement reçue des religieux..."
Deux gentilhommes mariés qui s'en revenaient avec leurs dames "arrivés en la maison d'un homme plus bandolier [3] que paysan" furent attaqués par des bandits, et secourus par deux gentilhommes célibataires qui suivaient secrètement les premiers, par amour de leurs dames ; ils mirent les bandits en fuite et s'en vinrent demander l'hospitalité aux moines de Saint-Savin.
Se rencontrent là encore deux dames qui avaient trouvé à une demi lieue deça Peyrehitte un ours descendant la montagne et s'étaient enfuies tellement vite que leurs montures moururent en arrivant au monastère.
Un gentilhomme enfin fait irruption, l'épée à la main et sommairement vêtu dans l'église de Saint-Savin. Il a été attaqué dans son lit par deux bandits qui le poursuivent. Ceux-ci sont tués par les amis du fugitif, qui assistaient à la messe, et qui l'ont reconnu.
"Le soir arriva un vieil moine qui chaque année ne faillait point, à la N.D de septembre, d'aller à Sarrance"
"Ils y arrivèrent en grande sueur et travail". L'abbé de Saint-Savin leur avait fourni de bons chevaux de Lavedan, de bonnes capes de Béarn, force vive et escortes.
Ils retrouvèrent dame Oisille à l'abbaye de Sarrance. Ils décidèrent de faire exécuter à leurs frais un pont sur le torrent. Les ouvriers demandèrent dix jours. Pour passer le temps, dame Oisille, consultée, préconise la lecture des saintes lettres, mais après discussion, les gentilhommes et les dames décident de se réunir toutes les après-midi dans un pré très joli et de raconter à tour de rôle des histoires.
Ce sont ces histoires que Marguerite de Navarre [4] a recueillies dans son Heptaméron, dont on vient de lire des extraits et le résumé de l'avant propos.
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