Peut-on considérer Ramond
comme un savant
?
[1]




00036426
copyrightdepot.com







Sa naissance

[2] Ramond de Carbonnières était né à Strasbourg le 4 Janvier 1755. Son père était trésorier de l'extraordinaire des guerres. Sa mère était allemande. [... ) La fin de sa vie l'éloigne des Pyrénées. Napoléon l'avait nommé Préfet du Puy-de-Dôme ; il occupa ces hautes fonctions jusqu'en 1813 où il prit sa retraite. Les sciences l'intéressaient toujours et il publia encore des études sur la formule barométique et la mécanique céleste. Après la chute de l'Empire, il entra au Conseil d'État jusqu'en 1822 ; puis il vécut à Paris jusqu'à sa mort survenue le 14 mai 1827.

----------


[1] En 1789, Ramond ne fait pas partie de l'élite des scientifiques français, rassemblés pour la plupart à l'Académie des Sciences, dont Condorcet est secrétaire, parce qu'il n'a encore aucune formation dans ces domaines. En 1796, dès la création de l'Institut par le Directoire, alors qu'il exerce ses fonctions de professeur d'Histoire Naturelle à l'École Centrale de Tarbes, on lui offre un siège de membre correspondant qui deviendra, en 1802, un siège de membre permanent où il succèdera au minéralogiste Dolomieu. Jusqu'à sa mort en 1827, il suivra assidûment les travaux de cette illustre compagnie où il côtoie les Cuvier, Lamarck, Jussieu... Comment un autodidacte a-t-il pu si rapidement atteindre une telle renommée ?

Dans sa longue carrière, qui s'est déroulée sur une quarantaine d'années, il n'en a consacré que huit aux activités scientifiques parce que les circonstances du moment ne lui offraient pas d'autre alternative : de 1788 à 1789 après sa rupture avec le Cardinal de Rohan, de 1792 à 1794 parce que les évèments politiques de la Révolution l'ont contraint à se faire oublier à Barèges, de 1795 à 1800 parce qu'on lui avait offert le poste de professeur d'Histoire Naturelle de l'École Centrale de Tarbes. Mais quand en 1800 on lui propose le poste de député des Hautes-Pyrénées au Corps Législatif, il n'hésite pas à reprendre sa carrière politico-administrative provisoirement interrompue par les évènements.


L'héritier du siècle des lumières.

La culture initiale de Ramond était juridique puisqu'il avait obtenu une licence en droit à l'Université de Strasbourg. A la fin de ses études, il a été plus tenté par la littérature que par l'exercice de sa charge d'avocat au Conseil Souverain d'Alsace. Si ses premiers recueils de poésie, ou pièces de théâtre, n'ont guère rencontré de succès, ses qualités littéraires ne se sont vraiment exprimées que dans sa traduction des " lettres " de Coxe sur la Suisse où il s'affirme comme un bon écrivain sur la montagne à l'exemple de J.J. Rousseau.

Très tôt, il a manifesté un intérêt pour la botanique, puisqu'il a suivi des cours de cette matière à la Faculté de Médecine de Strasbourg, alors qu'il se destinait à être avocat. Quand il fait sa première ascension au sommet du Pic-du-Midi le 2 août 1787, il s'émerveille autant de la présence d'une flore variée que des paysages grandioses qui l'entourent. Il éprouve le besoin de dépasser les quelques notions précédemment acquises en suivant assidûment les cours des meilleurs spécialistes du Jardin du Roi, Jussieu et Desfontaines. Cela lui permettra, au cours de ses années d'exil à Barèges pendant la Terreur, de devenir un des meilleurs botanistes pyrénéens, et son herbier est encore là pour nous en fournir la preuve.

En dehors de la botanique, Ramond est tout à fait autodidacte dans les autres disciplines de l'Histoire Naturelle. Sa formation est essentiellement livresque, mais son expérience de terrain des années 1792 à 1799 l'amènera à formuler une reflexion originale et personnelle, notamment en géologie. Quand on lui propose d'enseigner l'Histoire Naturelle à l'École Centrale de Tarbes en 1796, il se plaint des difficultés qu'il éprouve à assimiler rapidement des matières qu'il ignore comme l'anatomie ou la zoologie. C'est un peu par hasard qu'il découvrit le baromètre pour mesurer l'altitude des montagnes, mais, au bout de quelques années il devint un expert dans la matière de cet instrument.

Ainsi Ramond s'est forgé une culture scientifique comme il a pu, au gré des circonstances. Comme la plupart des gens cultivés de son temps, il s'intéresse à tout et il est profondément marqué par la philosophie des lumières.

Au niveau de ses options fondamentales, il est à la fois proche de Rousseau et de Goethe. Panthéiste, il perçoit l'Être Suprême dans la grande harmonie de la Nature : " Sublime unité du plan de l'Univers ! A peine on t'aperçoit, que saisi de respect et presque d'épouvante, te décrire semble une profanation et que t'admirer est le seul pouvoir qu'il nous reste " Il ne croit pas à l'étincelle divine qui illumine l'Homme, mais il pense que toute connaissance est le fruit de l'expérience de nos sens : " condamnés à ne connaître l'Univers que dans son rapport avec nos organes, rien n'existe pour nous que ce dont nous avons des exemples ". Il se situe ainsi dans la lignée de Locke, Hume, Condillac et Diderot qui pensent que les sensations combinées sont à l'origine de nos sentiments et des plus hautes opérations de l'esprit. [...]


Un homme de terrain.

[...] La montagne a toujours été pour Ramond un univers où il se sent bien : la terre exotique à explorer dans les " Observations ", la consolation de ses déceptions politiques dans les " Carnets ", un domaine d'exploration scientifique pour le professeur de l'École Centrale de Tarbes dans les " Voyages du Mont-Perdu ". Ce randonneur infatigable est parfaitement adapté au milieu comme le constate l'ingénieur Duhamel en 1795 : " combien de fois j'enviais les énormes sabots du citoyen Ramond et plus encore son adresse ". Sans hésitation, il se lance en 1797 dans l'ascension de la brèche de Tuquerouye en taillant des marches dans la glace ; son collègue Lapeyrouse, plus âgé et moins à l'aise ne pourra pas le suivre. Il connaît parfaitement le terrain qu'il parcourt qui est devenu son territoire à force de sillonner en tous sens, notant soigneusement les repères indispensables pour ne pas s'y perdre car " les cartes du Japon sont aussi exactes que l'est ici la carte de l'Académie " (Herborisations). Chemin faisant il note tout, les formes du paysage qu'il dessine parfois sur des petits bouts de papier, les végétaux, les roches et les minéraux... Rien ne lui échappe, en particulier tout ce qui est insolite, anormal, peu fréquent.

Ainsi, il établira dans la préface des " Herborisations " une véritable méthodologie pour aborder un terrain inconnu, à l'usage du grand public cultivé fréquentant les stations thermales. Aucun obstacle n'est insurmontable à condition de prendre quelques précautions ; sa sœur Rosalie ne l'a-t-elle pas suivi dans toutes ses pérégrinations de 1792 à 1794 ? Devenu professeur en 1796, il s'efforcera d'emmener ses meilleurs élèves sur le terrain pendant la belle saison. C'est ainsi que trois d'entre eux, dont Mirbel et Massey, le suivront dans l'ascension fameuse de la Brèche de Tuquerouye.


L'œuvre scientifique.

Avec la randonnée en montagne, la pratique de la botanique est une source de bonheur pour Ramond : " elle fera passer de douces heures à celui qui, libre de tout faire, pourra vivre au milieu des fleurs, les suivre au fond de nos plaines, les chercher sur les pentes des montagnes, les voir et les revoir, les observer et les comparer sans cesse " (Herborisations). Le fruit de cette véritable passion amoureuse est un herbier de 10.000 planches, la grande œuvre scientifique de la vie de Ramond. C'est en 1788, après sa première grande exploration des Pyrénées Centrales, qu'il va suivre les cours de A.L. Jussieu et Desfontaines au Jardin du Roi de Paris. Disciple enthousiaste de ces deux grands maîtres de la science française, il se constitue un herbier à partir des échantillons récoltés dans les Jardins du Roi et au cours des sorties guidées autour de Paris ; il atteint plus de 4.000 échantillons en 1792. Il poursuit ses récoltes dans les Pyrénées de 1792 à 1804. Il fait également de nombreux échanges avec les meilleurs botanistes de son temps, ce qui augmentera encore de 6.000 planches cette remarquable collection. Les années de retraite (1822-1827) sont consacrées au classement de cet herbier : " Je vis maintenant avec mon herbier et les souvenirs qui l'accompagnent : hors de là m'est devenu superflu. " (Lettre à Lacassagne du 28-12-1826).

[...] L'essentiel des écrits de Ramond en botanique est " Herborisations dans les Hautes-Pyrénées " rédigées dans sa cellule à Tarbes au printemps 1794. il s'agit de 200 pages manuscrites dont 77 de discours préliminaires décrivant les itinéraires parcourus, et proposant une réflexion sur les difficultés que l'on rencontre pour déterminer les plantes de montagne. La seconde partie est une " énumération " en suivant le système sexuel de Linné de toutes les plantes, y compris celles qui sont cultivés, que l'on peut rencontrer dans le département des Hautes-Pyrénées.

[...]Profondément enraciné dans le siècle des Lumières, Ramond ne s'est pas consacré à une seule activité car tout l'intéressait également. Sa vaste culture, ses multiples talents, son intelligence rapide, et son raisonnement rigoureux lui ont permis d'aborder tous les sujets avec un égal succès. Mais il n'a pas été un savant au sens où on l'entend habituellement. C'est un autodidacte qui a atteint le niveau le plus élevé de son époque.

C'est peut-être l'universalité de son esprit, la richesse de sa vie, qui l'a sauvé de l'oubli. Qui, en dehors des spécialistes, se souvient encore des Palassou, Saint-Amans, ou Darcet ? Ils ont également œuvré à la connaissance des Pyrénées. Ramond, savant autant que poète, a su trouver le ton juste pour que ses " Observations " traversent les siècles en restant dans la mémoire collective comme le premier grand livre que les Pyrénées.

Philippe Mayoux



*************************



Notes

[1] Sources : Gallica.bnf.fr
Bibliothèque Nationale de France
Pyrénées : organe officiel du Musée pyrénéen du Château-Fort de Lourdes,
de la Fédération franco-espagnole des sociétés pyrénéistes du G.P.H.M/
Société des amis du Musée Pyrénéen - Janvier 1990




[2] Sources : Gallica.bnf.fr
Bibliothèque Nationale de France
Bulletin de la Société Académique
des Hautes-Pyrénées
Société Académique
des Hautes-Pyrénées - 1853.



[Plan du site passion-bigorrehp.org]



[Commune de Tarbes]
[Généralités sur les Communes]
[Sommaire]




Chacun peut apporter son aide concernant la commune ?????
de la Bigorre devenue Hautes-Pyrénées
département 65.

© Marie-Pierre MANET








Bookmark and Share