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Évolution d'un village
du Piémont Pyrénéen
de la préhistoire
à nos jours



(2ième partie)


(© Madame Marthe Delas)


Sceau
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LES CAZAT :

Dans le cadre des épopées militaires, il est une famille de Houeydets qui mérite une mention spéciale : "Les Cazat".

L'étymologie de "CAZAR" nous fait remonter au latin : Casa, petite maison - avec toutes ses désinences : Casalère (ensemble des terrains qui jouxtent la maison d'habitation et permettent une auto-suffisance, casaou (jardin etc...

Les archives de la famille, conservées dans un coffre en bois, recouvert de peau de veau avec le poil (dixit une personne que nous avons bien connue et qui l'avait vu) - avaient été reléguées au grenier. Elles sont parties en fumée lors d'un incendie, vers 1890. Furent également détruits meubles Louis XV et tentures en "toile de Jouy".

On ne peut donc que se reférer à la tradition orale et à quelques traces retrouvées dans les minutiers des notaires ou les Archives Militaires de Vincennes.


TRADITION

Les Cazat avaient une propriété d'un seul tenant, relativement importante par rapport aux petites propriétés morcelées de la région. Il y avait peut-être eu au départ un "esclave casé" chargé par les Romains de la collecte des impôts.

Les Cazat ne payaient pas la taille. En contrepartie, ils devaient "tenir table ouverte" tous les samedis. Ils devaient donc nourrir tous les pauvres qui se présentaient. Par ailleurs, lorsqu'il y avait une guerre, chaque homme valide devait partir équipé à ses frais et accompagné d'un homme du village dont il assurait aussi l'équipement.

C'est peut-être pour cela que, vers 1750, on trouve un Cazat capitaine au régiment d'Eu et dans le même temps, un Bertrais Berthorat de Castelbajac, soldat dans ce même régiment.

A la suite de longues guerres, il ne resta dans la maison que des femmes et des enfants en bas-âge. Pour subsister, les femmes empruntèrent des denrées alimentaires (céréales, pommes de terre etc...) à des taux usuraires et hypothèquèrent ainsi que la propriété lopin après lopin. Les enfants devenus majeurs auraient pu récupérer leurs biens, mais ils dirent :

"La parole des femmes ne doit pas être contestée, ce qui est fait reste fait".


HISTOIRE :

Dans ce qui reste de la maison Cazat, si l'on regarde attentivement certains pans de murs ou certaines pierres taillées, on constate que l'on est sur des vestiges médiévaux. Il y a là très certainement, une villa gallo-romaine. Au nord de l'habitation actuelle, on a pu voir jusqu'au milieu du XX e siècle des traces de murs, témoignant de bâtiments assez étendus. La cour intérieure était fermée, au sud, par un mur élevé, percé d'une petite porte et d'une grande porte cochère. Au centre de la cour, il y avait un puits. Le mur du Levant était percé d'une porte qui ouvrait sur "le jardin des malades " où étaient cultivées des plantes médicinales ; il y avait des ruches et une treille de raisins de très longue conservation. Au milieu de ce jardin, il reste un rejet d'un poirier d'une variété totalement disparue : un "caillououa roudat". Ces poires donnaient un "poiré" délicieux et les fruits devenaient rouges à la cuisson. L'auteur de ces lignes en a gardé un merveilleux souvenir.

Les Cazat se situaient au tout premier échelon de la noblesse. Ils étaient "chevaliers". Ils s'appelaient "DEPOUZ DE BARBAZAN dits CAZAT". Les actes d'état civil de la paroisse les qualifient de "bourgeois" mais les actes notariés portent leur nom ; au complet leur titre de "chevalier".

Le dernier du nom, Jean-Baptiste, né en 1710 fut incorporé au régiment d'Eu. Nous le trouvons lieutement en second en Janvier 1734, lieutenant en Août de la même année et Capitaine en 1743. Mort en 1760, il était chevalier de l'Ordre Militaire de Saint-Louis. Pour se voir attribuer cette distinction, il fallait être catholique, noble, et justifier de dix années de service.

Ce fut le fils de sa sœur aînée : Marie-Eusèbe DELAS-CAZAT qui devint chef de famille.

Si le nom de Depoutz de Barbazan disparut avec la mort du Capitaine Jean-Baptiste, celui des DELAS-CAZAT s'éteignit avec la mort sur le champ de bataille de deux frères Jean-Pierre et Gaston en 1918.

Les Cazat étaient inhumés dans l' église de Castelbajac, "au tombeau de leurs ancêtres" dans la chapelle nord dédiée à Saint-Pierre, jusqu'en 1770.

Des actes officiels font état d'une maison appartenant aux Cazat dans laquelle étaient logés les métayers et dont les ruines furent visibles jusqu'aux environs de 1950, au couchant du chemin de l'Arriou deth Thou.


CROQUIS DE LA MAISON CAZAT :

(d'après le souvenir de l'auteur).



Une cour intérieure était fermée par :

1) - Au Sud, un mur élevé, percé d'une solide porte.

2 et 3) - Au Nord et à l'Ouest, deux corps de logis destinés :
- l'un à l'aîné lorsqu'il se mariait, l'autre aux "cadets" restés célibataires.

4) - à l'intérieur de la cour se trouve un puits.

5) - Le "four à pain", abrité à l'extérieur par un petit toit en chaume de seigle. La porte du four ouvre dans la cheminée de la cuisine.

6) - A l'Est, un mur est percé d'une petite porte ouvrant sur :
"le jardin des malades", souvenir probable de "Jean DEPOUTS Cazat, Bourgeois et Praticien" (1676 - 1770). On y cultivait des plantes médicinales. Au milieu de ce jardin se trouve encore un poirier d'une très ancienne variété appelée dans le pays "Caillaoua Roudat". De ces poires on faisait un excellent "Poiré". Cuites au four, elles prenaient une teinte rouge caractéristique. Contre le mur s'appuyait une treille donnant des raisins de très gros grains blancs qui, convenablement stockés, se conservaient jusqu'en février. Contre ce mur, il y avait aussi plusieurs ruches.

7) - Au Nord du bâtiment "3", on a pu voir affleurer jusque vers 1940 de nombreux vestiges de murs. La présence d'eau qui sort au Nord de ce bâtiment, mériterait des recherches quant à son origine. Au Nord du mur de façade (côté cour), de petits bâtiments abritaient moutons, porcs ou volailles
.

HABITAT :

Les caractéristiques du relief et du climat ont généré un habitat spécifique.

Dè l'origine, les hommes se fixèrent autour d'un point d'eau, dans des combes ou des vallées ensoleillées, bien abritées des vents dominants. C'est ainsi que naquirent les quartiers Herrets, Poucourats, Courtala, Riou-det-Thou, Sabathès etc...

Chacun de ces quartiers formant une entité relativement autonome. Ces groupes d'individus étaient très solidaires et faisaient bloc lorsque l'un d'entre eux était agressé par un individu d'un autre quartier. Il régnait une vie sociale intense dont le caractère tribal a perduré jusqu'au milieu du XX e siècle.

Dans cette société qui vivait en autarcie, le troc et l'entraide étaient des pratiques courantes. Beaucoup de travaux se faisaient en commun "à titre de réciprocité" : semailles du maïs ou des pommes-de-terre, battages, vendanges, récoltes diverses, lessives, plumaison des oies ou des canards gras, pèle-porc, corvées de bois etc...

Ces dures journées de travail se terminaient par un copieux repas suivi de chants, danses, jeux divers...

Chaque fête de famille : baptême, mariage, et même obsèques réusissaient non seulement les parents jusqu'à la énième génération, mais aussi les voisins.


HABITATION:

Les bâtiments, maisons d'habitation et granges furent construits avec les matériaux trouvés sur place. Le bois était abondant (chêne, châtaignier), l'argile était de très bonne qualité en particulier dans la carrière de la "Lasserre" (Houeydets). Le sable des Baïses ou du ruisseau de l'Alia, bien lavé, était de qualité correcte. Les galets étaient (et sont toujours ) très abondants. Les schistes calcaires des "marnières" fournissaient les encadrements des portes et des fenêtres.

Les maisons anciennes sont toutes construites sur le même plan : un L dont la branche adossée au Nord comprend les pièces d'habitation, ouvrant largement leurs fenêtres au Sud ; l'autre branche du L adossée à l'Ouest est abritée du vent dominant et comprend granges et étables. Les deux bâtiments forment un angle légèrement aigu, non parce que les constructions ignoraient l'usage de l'équerre, mais afin que le vent glissant sur le bâtiment se dirige vers l'extérieur, évitant ainsi la formation de tourbillons dans la cour.

Les "laboureurs", construisaient généralement sur les quatre côtés d'une cour intérieure fermée par un grand portail. Ce portail plus ou moins monumental, abrité par un auvent était "un signe extérieur de richesse" : Manautou, Mounet, Hilhougros, Moudenat (Riou det Thou), Bernadoulet, Cazat, Arrancou, Bidaou, Peyré, Jouanicou, Sabathès etc...

Les murs exposés à l'Ouest étaient abrités par une épaisse haie de "lauriers-cerises" soigneusement taillée. Aujourd'hui, la plupart de ces haies ont disparu et il a fallu pallier leur absence par de sérieux bardage sous peine de voir les murs les mieux crépis, transpercés par les pluies d'Ouest.

Les familles les plus modestes, les plus nombreuses, logeaient dans une grande pièce, au sol en terre battue, aux murs blanchis à la chaux. Les lits étaient surmontés d'un baldaquin en bois, plus ou moins ouvragé duquel pendaient des rideaux très épais dont la chaîne était en gros fils de lin (étoupe) et la trame en laine bleue, rouge ou grise formant des rayures ou des damiers. A partir du XIX e siècle apparurent des rideaux en cotonnade imprimée. Les derniers de ces rideaux disparurent durant la dernière guerre mondiale.

Les lits étaient garnis d'une "paillasse", sorte de grand sac rempli de cosses de haricots et de spathes de maïs, soigneusement séchés. Sur cette paillasse, était posé un matelas en laine, puis une couette (couchno ou boulassèro) : enveloppe de forte toile, garnie de plumes de volailles. Sur les draps, habituellement en lin, parfois en métis, une couverture en laine tissée, une courtepointe (couvre-pieds) garnie de laine cardée et nappée et enfin un édredon en duvet ou plumes d'oies.

Au milieu de la pièce, une table dont le plateau amovible était posé sur le pétrin dans lequel on conservait un peu de levain, entre deux fournées, car chaque ménagère avait son four à pain et "hourneyait" tous les quinze jours ou trois semaines. En conséquence, les maisons étaient imprégnées d'une légère odeur de levain caractéristique...

Des bancs et des escabeaux en bois, quelques chaises au siège en paille complétaient le mobilier.

Ces maisons n'avaient pas d'étage. Le "plafond" de la salle commune était en bois. On déposait aau dessus, du foin ou des céréales qui formaient une isolation très efficace. Une grande cheminée suffisait à chauffer convenablement cette pièce.

Au XIX e siècle, conséquence d'un sérieux accroissemnt de la population et d'un probable bien-être, il y eut des modifications dans les habitations. Des pièces supplémentaires, parfois un étage, furent ajoutés. La pièce principle se vida de quelques meubles, le foin ne couvrit plus la cuisine, et ces grandes maisons devinrent très inconfortables en hiver. On se contentait souvent de mettre au milieu de la chambre à coucher, un récipient contenant des braises, prises dans la cheminée de la cuisine et en période de grands froids, ce n'était pas très efficace.

Chez les "laboureurs", il y avait en général une cuisine, une ou deux chambres à coucher et la "hournero" appelée dans certaines régions "souillarde". On y trouvait une grande cheminée, le four à pain, des coffres et des étagères pour ranger les provisions.

Les valets de ferme couchaient souvent dans un hamac suspendu dans un coin de l'étable. La chaleur des animaux était très appréciée en hiver.

La cuisine était parfois pavée de "lavasses", pierres blondes (calcaires schisteux) extraites des carrières de marne. les chambres à coucher étaient généralement planchéiées.

Les meubles en bois massif : chêne, châtaignier, merisier, noyer, étaient sculptés de croisillons, croix de Malte ou pals. Peu ont résisté aux ouvrages du temps. Posés sur le sol en terre battue, l'humidité a eu raison des coffres les plus massifs.

Les toitures furent longtemps en chaume de seigle - probablement jusqu'au XVI e siècle. L'usage des tuiles semble s'être vulgarisé à partir de cette époque. Quant à l'ardoise, à partir du XIX e siècle, elle fut utilisée pour la plupart des pans de toitures exposés à l'Ouest, alors que le reste continuait à être couvert de tuiles dites "à canal" fabriquées dans les quelques villages de la région (Campuzan). Les édifices publics : églises, école de Houeydets, furent entièrement couverts en ardoises à la fin du XIX e siècle. Ce ne fut que dans la première moitié du XX e siècle que l'usage de ce matériau devint courant pour les maisons des particuliers. Ces ardoises provenaient des carrières de Pouchergues (Louron) et de Génos (vallée d'Aure). A partir des années 1950, le prix de l'ardoise étant devenu prohibitif, on reprit l'usage de la tuile.

Dans la première moitié du XX e siècle, il fut de bon ton d'ajouter un étage à la maison. "Crampos de Haout" (chambres d'en haut) témoignaient de la prospérité des familles.

En 1930 et 1931, l'électricité atteignit Houeydets et Castelbajac. Les magnifiques chênes qui bordaient la route furent abattus et remplacés par des poteaux électriques... Rançon du progrès ! - Le mouvement écologiste n'existait pas encore !... Les lampes à pétrole qui, à la fin du siècle dernier, avaient remplacé les chandelles de résine, de cire et de suif, furent à leur tour surplantées par l'ampoule électrique. Au début, la clarté d'une ampoule de 25 watts paraissait presque excessive, habitués que l'on était à la pénombre. Quelques petits moteurs électriques de faible puissance actionnaient des concasseurs minuscules, mais déjà on fréquente moins les meuniers pour l'alimentation des animaux.

Le gaz butane en bouteilles NR fit son apparition que vers 1935, dans nos villages, et son usage ne devint courant qu'à partir de 1950. Le téléphone et la radio arrivèrent vers 1940. Télévision et chauffage central finirent aussi par atteindre Houeydets et Castelbajac et nous voilà maintenant bien loin des conditions de vie de nos grands parents.

Les appareils électro-ménagers : réfrigérateur, lave-linge, congélateur etc... ne se répandirent vraiment que vers 1960. Simultanément, les hommes s'équipèrent de moteurs électriques plus puissants pour actionner postes à souder, scies, meuleuses, perceuses etc...

Vers 1960, à la faveur des "aides au logement" accordées par l'État, et aux facilités de crédit, des constructions neuves sortirent de terre, tout au long de la route départementale n° 17. Vers 1970, un lotissement d'une dizaine de maisons fut créé au Sud de Houeydets. Ces habitations modernes, coquettes, confortables abritent des gens qui, dans leur majorité, travaillent hors de la commune : Lannemezan, Tarbes, etc... Malheureusement, ces nouveaux habitants se sont très peu intégrés à la vie du village.

Certaines fermes ont été rénovées. On peut émettre quelques réserves sur les libertés prises avec le style primitif.

Des bâtiments d'exploitation modernes, vastes, aux structures métalliques, adaptés aux nouvelles méthodes d'élevage, ont été construits, modifiant totalement un paysage qui n'avait guère varié depuis plusieurs siècles.

LE CANAL DE LA NESTE :


Le problème de l'eau connut bien des étapes avant de trouver une solution qui est loin de satisfaire tout le monde. Au départ, sources et ruisseaux avaient comblé les besoins des hommes et des animaux. Ensuite, près de chaque maison fut creusée une mare, réceptacle des eaux de pluie, servant à tous les usages ne nécessitant pas une eau "potable". Plus tard encore, furent creusés quelques puits. Houeydets était pourvu en sources et ruisseaux, mais, sur le territoire de Castelbajac, il y avait peu de sources. Elles étaient souvent taries en été et relativement éloignées des habitations.

Au milieu du XIX e siècle, l'implantation d'un Camp militaire sur le Plateau de Lannemezan, ayant été envisagée pour l'entraînement de la cavalerie du Maréchal Niel, d'importants besoins en eau furent mis en évidence. Les sources qui alimentent les rivières issues du Plateau (Save, Gers, Baïse, Gimone).

Il fut donc décidé de construire le "Canal de la Neste". Un barrage à Sarrancolin permit d'amener sur le Plateau, l'eau nécessaire aux hommes et aux chevaux, le trop-plein rejoignant le lit des rivières, presque à sec en été. Construit entre 1848 et 1842, pour un débit de 7 mètres cubes-seconde, il atteint maintenant 14 mètres cubes-seconde, soit 250 millions de mètres cubes par an.

Très vite, les agriculteurs de la région comprirent tout le profit qu'ils pouvaient tirer de cet ouvrage pour l'irrigation des prairies naturelles. Ils purent alors envisager plusieurs coupes de fourrage chaque année sur une même parcelle.

Dès 1869, le conseil municipal de Houeydets se préoccupe des modalités de raccordement d'un réseau de rigoles destinées à acheminer l'eau de la Neste. La commune de Lagrange accorda au Syndicat d'irrigation de Houeydets l'autorisation de profiter de la prise d'eau et d'une partie des rigoles situées sur son territoire à la condition que "la commune de Houeydets accordera aux habitants de Lagrange la permission d'extraire, sans aucune indemnité, des carrières de Baïsolle, la marne dont ils auront besoin".

La commune de Castelbajac étant elle-même dans l'intention d'utiliser la même prise d'eau, renonça à ses droits sur les carrières.

Les fossés furent creusés par les habitants à la pelle et à la pioche. En 1882, il fut décrété que les habitants de Houeydets auraient le droit d'irriguer leurs prairies naturelles 57 heures par semaine, pour un débit de 100 litres seconde. On comptait une heure à l'hectare. Un garde était chargé de surveiller le bon déroulement de l'irrigation du Lundi 15 heures au Mardi 20 heures et du Jeudi 7 heures au Vendredi 11 heures. Ce garde était rétribué par les usagers. Baïsolle et Baïse-Darré bénéficièrent d'un sérieux apport d'eau. Elles ne furent plus complètement à sec en été. La nappe phréatique, et par conséquent les sources profitèrent aussi des eaux de la Neste.

Les habitants de Castelbajac prolongèrent la rigole de Houeydets au prix de durs efforts. Vingt hommes travaillèrent tous les jours pendant un mois. En outre, le syndicat de Castelbajac donna une somme de 800 francs à la commune de Houeydets à titre d'indemnité pour la faculté de passage dans la rigole de Houeydets.

Castelbajac disposa donc de 100 litres seconde pendant 54 heures, du Samedi 9 heures, au Lundi 15 heures, à partir de 1897.

Les périodes d'arrrosage se situaient de la Saint-Jean au 15 Août et parfois début Septembre. En 1925, la municipalité de Castelbajac demanda et obtint un filet permanent de 30 litres/seconde pendant toute l'année, en dehors des périodes d'arrosage. Cette dernière disposition n'a jamais connu une application stricte, certains individus plaçant un petit barrage en travers de la rigole pour confisquer la totalité de l'eau à leur usage exclusif. Un garde-canal assermenté aurait pu sanctionner les contrevenants mais personne de postula cet emploi.

Pour dédommager Facan, dont le propriété été coupée par la rigole destinée à acheminer l'eau pour Castelbajac, cette dernière commune lui donna la parcelle nº 262 en bordure du chemin de Cascar.

Dans les années 50, fut créée la "Compagnie d'aménagement des Coteaux de Gascogne", le canal de la Neste demandait de très importantes réparations. Tout le "Système Neste" fut donc revu et les contrats des syndicats d'irrigation modifiés. Il fut demandé une contribution financière aux adhérents. Les habitants de Castelbajac la trouvèrent trop élevée. Les méthodes de culture avaient changé. Il y avait beaucoup moins de prairies naturelles, par contre, le maïs, le tabac, les cultures maraîchères demandent beaucoup d'eau. Seul, un habitant de Castelbajac : Jean-Louis DELAS-PUYO adhéra au nouveau contrat. A Houeydets, il y eut une quarantaine de propriétaires qui furent intéressés, les uns arrosant seulement leur pelouse ou leur jardin, les autres abreuvant leurs troupeaux de bovins, mais tous sensibles à l'agrément d'un filet d'eau courante de 50 litres seconde. L'influence en est sensible sur la nappe phréatique. Le trop-plein doit rejoindre la Baïsolle par le ruisseau de "Maou", ou le Baïse-Darré, la Baïsolle alimente le lac de Puydarrieux et la Baïse-Darré emmène les eaux de la Neste jusqu'à la Garonne par Nérac. Vers 1962 - 1963 fut construit un barrage sur la Baïsolle. Il alimente le canal dit "de Bonrepos" et assure l'irrigation des communes de Bonrepos, Galan, Libaros avec un débit de 70 litres seconde.

CASTELBAJAC ET L'EAU POTABLE :

Dans toutes les civilisations, la corvée d'eau incombe à la femme. Castelbajac n'échappait pas à cet usage. La cruche ou le panier sur la tête, elles allaient puiser l'eau à la source ou laver leur linge.

En 1924, un maire, Monsieur Blaise CASTETS, fut particulièrment sensible à ce problème et il proposa de capter les sources des "Ouides" et, grâce à un "bélier" de remplir un réservoir construit au quartier du "PUYO", point culminant du village.


Le devis établi pour une première tranche qui devait amener l'eau :

- jusqu'à la "La Place", s'élevait à 63.000 francs.

- Subvention du Crédit Mutuel : 35.280 francs.

- Crédit au budjet de la commune : 20.190 francs.

- Emprunt à 6 % pour deux ans : 7.530 francs.


Après maintes discussions le projet fut adopté avec seulement quatre signatures :

- Castets, maire.
- Dupouy Pierre (Peyré).
- Ibos Basile (Aboucat).
- Louis Dasque (actuelle maison Cascarra).


La commune avait pour seules ressources des ventes annuelles de bois et les administrés redoutaient les "centimes additionnels". Les hommes étaient seuls électeurs en ce temps-là. Si les femmes avaient eu leur mot à dire, le projet de Monsieur Castets aurait eu surement plus de partisans.

L'eau ne fut mise à l'évier que dans deux maisons : Bertres dit "Parisien" et Tujague dit " Pè dé Boumbo". Les maisons Castets-Marianchou et Delas-Puyo étant pratiquement au niveau du château d'eau avaient des robinets à environ 80 cms du sol.

Contre le château d'eau, un petit lavoir en béton fut apprécié par les femmes du quartier.

Il fut donc installé, au bord de la route, quelques bornes fontaines auxquelles chacun pouvait se ravitailler.

Une seconde tranche de travaux prévoyait un lavoir à la Place, des douches publiques à l'école, une canalisation et des bornes fontaines jusqu'au fond du village. La guerre 39-45 stoppa net ce projet.

Entre 1924 et 1945, les maires alternèrent. Lorsque Monsieur Sastets siégeait, des individus mal intentionnés bloquaient avec un morceau de bois une des bornes fontaines du bas du village. Ainsi le château d'eau se vidait pendant la nuit. Lorsque siégeait son rival, le fonctionnement du bélier était tout simplement stoppé.

En 1970 fut constitué le Syndicat Intercommunal "Lagrange-Houeydets-Castelbajac" et l'on vit enfin arriver l'eau potable au robinet.

Pendant des siècles on s'était baigné rarement dans un grand cuvier en bois, l'eau étant chauffée dans la cheminée de la cuisine et l'étable faisant souvent office de salle de bains. Ce fut donc un énorme progrès lorsque chaque maison put s'équiper de salles de bains, W. C. et chauffage central.

DEMOGRAPHIE :

Dans l'ensemble, les habitants de Castelbajac étaient bruns, trapus, de type brachycéphale. Quelques uns étaient de grande taille mais la majorité étaient moyens ou même petits. En 1810, les recruteurs remarquaient que les conscrits de Bagnères et Argelès dépassaient rarement 1 m 60, ceux de Tarbes plafonnant 1 m 59.

L'extrême endogamie et la consaguinité qui en résultaient avaient de graves conséquences. Le groupe sanguin majoritaire était O Rh. négatif. Il y avait souvent incompatibilité sanguine entre les époux, donc une mortalité infantile très élevée. Cette situation était aussi cause de troubles Thyroïdiens, troubles d'ovulation, hyperandrogénie. C'est ainsi qu'à la fin du XIX e siècle, une monographie fait état d'un grave déséquilibre hommes-femmes. Il y avait en moyenne 3,5 hommes pour une femme. La conséquence logique de cet état de choses est que l'on compte dans le seul village de Castelbajac (Houeydets ayant déjà fait secession) 40 naissances illégitimes entre 1870 et 1902.

D'innombrables tumuli ont pu être reperés dans le tiers Sud du territoire, recouvert de landes qui ne furent mises en cultures que très tardivement. Ils avaient ainsi été préservés. Il y en avait peut-être autant dans le reste du village, mais, cultivé depuis plus longtemps, le sol est aplani et les vestiges d'éventuelles sépultures ont disparu.

La densité de ces nécropoles semble témoigner d'une population assez nombreuse. Au XIV e siècle, il est fait mention d'une centaine de "feux allumants". La natalité était élevée, plusieurs générations cohabitaient. Le chiffre de la population semble avoir été assez stable pendant très longtemps.

Nous avons pu étudier très attentivement les registres d'état-civil de 1739 à 1914. Durant le XVIII e siècle, il y avait en moyenne, une quinzaine de mariages par an, avec des pointes de vingt ou vingt-deux.

A partir de 1795, le nombre des naisssances augmente en flèche. D'une quinzaine par an jusque là, on arrive à une moyenne de vingt-cinq, puis trente et trente-neuf en 1865.

Les décès étaient nombreux, surtout chez les jeunes enfants, toutefois, l'excédent des naissances sur les décès ne cesse de s'accroître de 1750 à 1885.

On peut noter deux années particulièrement tragiques. En 1747 : 41 décès et en 1749 : 45 décès, presque tous des enfants. A partir de 1775, la population s'accroît de façon régulière et conséquente. A la fin du XIX e siècle, on ne devait pas être loin de mille habitants.

Castelbajac ne pouvant nourrir tant de monde, il fallait aller chercher du travail ailleurs. Beaucoup de jeunes hommes se dirigeaient vers les fermes céréalières du Gers, soit à plein temps, soit comme saisonniers, pour la durée des gros travaux : fenaison, moisson, vendanges. Quelques uns s'y fixaient.

Les femmes et aussi quelques hommes partaient pour Bordeaux, Toulouse ou Marseille, voire Paris. Certains s'y établissaient, d'autres revenaient au pays avec quelques économies, achetaient une petite maison et coulaient des jours paisibles.

Enfin, les plus entreprenants partaient pour "l'Amérique" (Canada, État-Unis, Amérique du Sud). Quelques uns restés célibataires, ont laissé à leurs neveux des héritages appréciés.

Peu s'y sont établis. La majorité d'entre eux n'a pas résisté à la nostalgie. Ils sont revenus avec un petit pécule qui leur a permis d'acheter des terrains, d'agrandir leurs bâtiments et donc de connaître un peu plus d'aisance qu'avant leur départ.

Ceux qui ont hérité de sommes conséquentes, peu habitués à gérer de tels budgets ont fait de mauvais placements et ont très vite tout perdu.


démographie Castelbajac

Répartition des décès par tranche d'âge.


SANTÉ - MÉDECINE :

Dans l'ensemble, les gens ne devaient pas être trop souffreteux. Une sélection naturelle s'opérait dès la petite enfance. Ceux qui réussissaient à passer le cap des vingt ans, ayant développé suffisamment d'anti-corps, résistaient ensuite à beaucoup d'agressions. Le grand air, beaucoup d'exercice physique, peu de stress, une nourriture riche mais saine - tout cela devait faire des hommes et des femmes solides.

Un tiers environ des enfants mouraient en bas-âge. Les décès groupés à certaines périodes de l'année donnent à penser qu'il était payé un lourd tribut aux maladies infantiles : variole, rougeole, diphtérie, méningites.

Les complications pulmonaires de la grippe devaient être presque toujours fatales. Il n'est pas rare de trouver de véritables hécatombes dans une même famille, du grand-père au petit-fils. La tuberculose devait aussi être assez répandue. Certaines familles étaient marquées par la syphilis ou l'épilepsie. Elles étaient montrées du doigt et leurs membres trouvaient difficilement à se marier à une époque où les parents imposaient leur choix à leurs enfants.

Les "praticiens", "officiers de santé" et autres "chirurgiens" étaient assez nombreux mais leurs connaissances devaient être relativement sommaires. Pour lutter contre les affections graves, ils avaient peu de moyens. Par ailleurs, la Sécurité Sociale n'existait pas et on ne les appelait qu'après avoir épuisé divers remèdes de "bonne femme" - et il était souvent trop tard.

Chaque mère de famille cueillait, suivant la saison, violettes ou centaurées, reine des près ou bouillon blanc... Ces plantes médicinales, soigneusement séchées et conservées, étaient utilisées, suivant les cas, en infusions, cataplasmes, compresses, inhalations etc... En cas de bronchite, révulsifs ou ventouses faisaient merveille ! - Chaque mère de famille connaissait les vertus du miel, de la guimauve ou de la bourrache. Ces "recettes" transmises de mère en fille, furent utilisées jusqu'à l'instauration de la "Sécurité Sociale". Ce ne fut qu'en 1961 que les paysans eurent accès au remboursement des soins.

Chaque village de la région avait sa (ou ses) source minérale. L'eau était fort utilisée dans les cas de troubles rénaux, digestifs, hépatiques...

A Houeydets, la source dite de "Mourras", un griffon, était réputée pour faciliter la digestion après des repas trop copieux, surtout en période de "pèle-porc".

Sur le territoire de Bégole - rive gauche de "Rieupeyrous", non loin de "Pas mulet" jaillissait une source remarquable contre toutes les affections de l'arbre urinaire (calculs, cystites etc...). Elle était appelée : "Fontaine du curé de Bégole".

Lagrange et Campistrous ont eu des "cabines de bains". Les personnes les plus aisées faisaient des cures thermales à Capvern, Bagnères ou Cauterets. Elles y allaient hors saison et emportaient leurs provisions. Ces curistes n'apportaient guère de profits au commerce local. On les appelait "les couyès". Peut-être parce qu'ils arrivaient à la saison des citrouilles ?

D'après la tradition, à une époque indéterminée, une épidémie de peste anéantit la population du quartier des "Sabathès". Les rescapés brûlèrent les maisons "couvertes en chaume" et s'installèrent près de l'église. Or, il y a quelques maisons construites dans le lit du fossé, au levant de l'église qui pourraient justifier ce récit. Cette période pourrait remonter à la fin du XVII e siècle ou au début du XVIII e. En effet, il est fait état en 1633, d'un cas de peste à Lagrange. A Trie, la peste sévit jusqu'en 1721.

Les pestiférés furent ensevelis dans un champ, en bordure du "chemin de barba". Il y eut là une chapelle dédiée à Saint-Exupère. Sa construction était-elle antérieure ou postérieure, ou contemporaine de cet évênement ? - Le mystère reste entier. On peut voir encore des vestiges de dallage et un chandelier en bronze a été trouvé récemment sur les lieux par Monsieur Quinon de Bonrepos.

D'après le témoignage des grand-mères, il arrivait que dans des familles apparamment saines, un petit dernier - dixième ou douzième grossesse - soit rachitique, handicapé moteur ou mental.

Un certain nombre de femmes mouraient en couches, mais compte tenu du nombre d'enfants qu'elles mettaient au monde, le pourcentage n'est pas très élevé.

Pas plus les Anciens, que nos Savants contemporains, personne n'a encore pu déterminer à quel instant précis, un embryon devient un être humain. En cas de "fausse couche", l'Église recommandait donc de baptiser le fœtus avec la formule suivante :

"Créature, je te baptise au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit".

Un enfant mort sans baptême ne pouvait être enterré en terre "bénite", c'est à dire au cimetière. On l'inhumait sous le sol de la maison, généralement dans un couloir ou une entrée.

Lorsque la nouvelle accouchée présentait une lactation trop abondante et qu'il y avait risque de mammite ou d'abcès, soit parce que le bébé était mort, soit parce qu'il avait un trop faible appétit, on cherchait des chiots nouveau-nés pour vider les seins de la patiente, puis on tuait les chiots. Lorsqu'un nourisson était gravement malade, si sa mère n'avait pas assez de lait et s'il ne supportait pas le lait de vache, il y avait toujours une voisine prête à donner son lait au petit malade.

Lorsque survenait un décès dans une famille, il était d'usage que les voisins passent la nuit dans la maison du défunt afin de ne pas laisser ces gens seuls avec leur deuil.

Marie Martin-Matrassou (née le 26-3-1863) racontait une curieuse histoire :

"Chez Picagnou, mourut une jeune fille, (probablement Jeanne Dabarry Picagnou, née le 12-11-1863). - Pendant la veillée fumèbre, si on la regardait, on ne la voyait pas bouger, mais si on détournait les yeux quelques instants, on constatait que sa tête s'était légèrement déplacée sur l'oreiller. Par ailleurs, son corps ne s'est jamais refroidi. On l'a tout de même enterré".

A cette époque-là, le permis d'inhumer, délivré par un médecin n'était pas indispensable.

Si, aujourd'hui, on peut avoir recours à des infirmières ou à diverses aides à domicile, ce n'était pas le cas autrefois, mais la mentalité était telle que, lorsqu'il y avait dans une maison, un grand malade ou une femme en couches, la solidarité des voisines faisait merveille.

Si le malade exigeait des soins 24 heures sur 24, les gens de la maison assumaient généralement la journée, mais la nuit, des tours de garde s'organisaient afin de relayer les membres de la famille et de leur permettre de se reposer.

Fin XIX e siècle et début XX e siècle existait un système d'abonnement au médecin. Pour 5 francs par an et par famille, le docteur passait sur son cheval, rentrait dans la cour du client, demandait si tout le monde allait bien et si la réponse était affirmative, il repartait sans mettre pied à terre et revenait un mois plus tard.

Tels les médecins de Molière, ils ordonnaient clystères, saignées, sangsues, vésicatoires (à la poudre de cantharide) ou ventouses scarifiées etc... Tous procédés qui font sourire le corps médical de nos jours mais qui avaient le mérite de ne pas être coûteux.

Les femmes accouchaient à "la maison" - Une sage-femme venait de Lannemezan, Bonnefont ou Montastruc. Elles assistaient la parturiente et assuraient des visites quotidiennes pendant une douzaine de jours. Les naissances étaient si nombreuses (39 en 1865) qu'il y avait dans le village quelques femmes expérimentées qui pouvaient parer au plus pressé en cas de retard de la sage-femme.

Les salariés agricoles eurent accés au remboursement des soins en 1930. Mais pour les non-salariés, qui étaient ici la quasi-totalité de la population, il fallut attendre 1961 pour que soient remboursés visite du médecin et médicaments.

A partir de là, les plantes médicinales disparurent des jardins. Les femmes accouchèrent en clinique ou à l'hôpital. Les sages-femmes libérales disparurent. Le travail était moins pénible pour elles en milieu hospitalier où elles étaient soumises à des horaires précis, alors qu'auparavant elles devaient être disponibles 24 heures sur 24 avec des cadences démentielles en fonction des saisons, des conditions atmosphériques ou des phases de la lune.

Avant que la "Mutualité Sociale Agricole" assume la couverture des soins médicaux et chirurgicaux des agriculteurs, les plus défavorisés bénéficiaient d'une "assistance médicale" qui leur assurait la gratuité des soins médicaux et chirurgicaux. Ces cas étaient prévus dans le budjet de la commune, mais ils étaient très rare.

Comme nous l'avons vu plus haut, l'extrême endogamie et la consaguinité qui en résultait avaient de graves conséquences. Le groupe sanguin majoritaire était 0 Rhésus négatif. Il y avait souvent incompatibilité sanguine entre les époux et donc une mortalité néo-natale importante. Cette situation était aussi cause de troubles thyroïdiens, de troubles d'ovulation et d'hyper-androgénie. D'où : goîtres, fort déséquilibre hommes-femmes - on a compté jusqu'à près de quatre hommes pour une femme.

 

Dates
Historique de la protection sociale :
21 Mars 1884
Syndicats professionnels
1 er Avril 1898
Sociétés de secours mutuels
4 Juillet 1900
Assurances Mutuelles Agricoles
1930
Maladie "Salariés agricoles"
1936
Allocations familiales "Salariés agricoles"
1938
Allocations familiales "Non salariés agricoles"
1941
Vieillesse "Salariés agricoles"
1952
Vieillesse "Non salariés agricoles"
1961
Maladie "Non salariés agricoles"
1966
Accidents du travail "Non salariés agricoles"
1973
Accidents du travail "Salariés agricoles"


VIE SOCIALE -PROFESSIONNELLE - ARTISANAT- COMMERCE :

Ayant étudié surtout des documents du XVII e, XVIII e et XX e siècles et compte-tenu de nos souvenirs personnels et des récits des Anciens que nous avons connus, nous avons essayé de dresser un tableau représentatif de la vie quotidienne du lieu qui nous intéresse.

Cette population qui pouvait paraître homogène à un observateur superficiel était en réalité très hiérarchisée.

Tout en haut de l'échelle sociale, il y avait évidemment le Seigneur, Marquis de Castelbajac et Baron de multiples lieux.

En pays d'Oc, les rapports des Seigneurs avec leurs paysans étaient assez différents de ceux qui avaient cours dans d'autres régions de France. Ces rapports étaient généralement empreints de bonhomie, d'une relative familiarité : maintes anecdotes en témoignent.

Au-dessous des Seigneurs, venaient les "Bourgeois".
Ils étaient trois à Castelbajac :

- Les "Cazat" dont nous avons déjà parlé.

- Les "Tarissan" dont l'emplacement de la demeure n'a pu être situé à ce jour, et dont il ne reste pas de descendants connus.

- Les "Bertres-Philippou", habitaient la maison "Gay". Leur propriété s'étendait jusqu'au chemin du Cascar où elle louxtait celle des Cazat. On disait qu'ils pouvaient voir toute leur propriété depuis leurs fenêtres. L'un d'eux, Jean Bertrès décédé en 1750 était notaire royal.

Les Barons de Castelbajac et ces trois familles furent inhumés dans l'église jusqu'en 1792.


Après les Bourgeois, viennent les "LABOUREURS". Ils se caractérisaient par la possession de suffisamment de terrain pour assurer leur subsistance et utiliser une main-d'œuvre extérieure à la famille. C'étaient les "Manaoutou" - "Bidaou" - "Bancalet" etc. L'énumération en serait fastidieuse.


Les "BRASSIERS" comme leur nom l'indique travaillaient de leurs bras, moyennant salaire chez les "laboureurs". La majorité d'entre eux possédaient une petite maison en torchis composée d'une pièce à usage d'habitation et de quelques dépendances qui abritaient des volailles, un porc, souvent un âne, des moutons ou des chèvres et parfois une paire de vaches. Ils étaient également propriétaires d'un jardin potager et de quelques petits champs.

Dans les familles de "laboureurs" à cause du droit d'aînesse, les cadets, logés et nourris dans la maison paternelle, faisaient souvent fonction de "brassiers" chez leurs voisins pour obtenir quelque argent de poche.

Le potager des brassiers leur assurait les légumes d'usage mais lorsqu'ils semaient du maïs ou plantaient des pommes-de-terre dans le champ d'un employeur, celui-ci leur octroyaient un ou deux rangs de maïs ou de pommes-de-terre et au moment de la récolte, cela leur permettait d'engranger suffisamment de provisions pour passer l'hiver, gaver oies ou canards et engraissser un porc.


LES ARTISANS étaient très nombreux à une époque où tout se faisait " à la main" :

Le forgeron - Maréchal-ferrant
ferrait les animaux de trait : bœufs, vaches, ânes, chevaux ; il réparait tous outils ou ustensiles en fer. Parfois il avait une spécialité : TAILLANDIER (fabricant des outils coupants tels que les haches). Un certain Ozon (maison Matrassou det dehoro) était très réputé pour la qualité de ses haches. Il y avait aussi les CLOUTIERS (maison Bellequeue). Ceux-là faisaient des clous forgés de toutes dimensions, destinés aussi bien aux charpentiers qu'aux sabotiers ou aux menuisiers.


LES TISSERANDS fabriquaient des tissus de lin ou de laine. Ils exerçaient leur métier chez eux. Certains artisans se rendaient chez leurs clients. Ils étaient nourris et percevaient un salaire (vers 1900, un franc par jour). Parfois, ils étaient accompagnés d'un apprenti à qui ils donnaient 0 f 50 alors que l'employeur avait payé 1 frs. C'était courant chez les TAILLEURS et COUTURIERS qui confectionnaient les vêtements avec les tissus de laine ou de lin fabriqués par les tisserands. Après avoir "tiré l'aiguille" pendant des siècles, l'invention de la machine à coudre par Thimonnier au début du XIX e siècle fut un grand progrès. Les clients les virent alors arriver, portant leur machine à l'aide d'une courroie passée sur l'épaule. Certes, il fallait amortir le prix de la machine, mais le rendement décupla.

LES CHARPENTIERS étaient nombreux, la population était dense et s'accroissait rapidement, il fallait donc loger les gens. Par ailleurs, les besoins augmentant, les troupeaux devenaient plus importants et il fallait aussi davantage de bâtiments de ferme. On utilisait parfois le bois scié dans les scieries mécaniques, mais souvent il fallait façonné à la hache.

DES SCIEURS DE LONG travaillaient parfois sur le chantier : la pièce de bois était hissée sur une espèce d'échaffaudage ; deux ouvriers - l'un au-dessus de la pièce et l'autre au sol - tiraient alternativement une grande scie. Les derniers scieurs de long connus à Castelbajac furent les époux Géraud (Bouillou). La femme se mettait au sol car la scie était moins dure à tirer vers le bas.

LES MAÇONS construisaient des murs, soit en torchis - il y avait de l'argile d'excellente qualité en particulier dans la carrière dite " Clot dera Lasserre " (Houeydets), soit avec des cailloux roulés (très abondants) liés au mortier de chaux. Le sable était recueilli dans les lits de certains ruiseaux (Allia) ou dans celui des Baïses. On peut voir encore près de certaines maisons, de petites excavations dans lesquelles on préparait la chaux qui était livrée "vive" et qu'il fallait "éteindre" avant de gâcher le mortier. Le ciment fit une timide apparition au début du XX e siècle, encore le mélangeait-on à de la chaux, par souci d'économie. Le four à chaux le plus proche était à La Barthe-de-Neste et on allait la chercher en char à bœufs.


Il y eut à Castelbajac :

Quelques MENUISIERS qui fabriquaient huisserie, chaises, armoires, coffres et jougs pour atteler bœufs ou vaches.

Quelques CHARRONS fabriquaient voitures à cheval, tombereaux, chariots divers dont les roues en bois étaient cerclées de fer. Certains étaient de véritables artistes.

Aux TONNELIERS était confiée la tâche délicate de faire, à partir de quelques rondins de chêne ou, plus souvent, de châtaignier, tonneaux, barriques ou cuviers de toutes tailles, destinés à de multiples usages : vendanges, fermentation des raisins, conservation du vin, lessives etc...

Fréquemment le même personnage spécialisé dans le travail du bois cumulait ces diverses professions.

Vers la fin du XIX e siècle et jusqu'au, milieu du XX e siècle, il y eut des fabricants de "Clôtures Girondines et d'échalas" en bois de châtaignier. Ce furent : CONQUEDO, BOP, AMIEL. Originaires du Béarn ils trouvèrent dans la région beaucoup de taillis de châtaigniers de très bonne qualité et ils s'établirent à Houeydets.

Enfin, avec quelques SABOTIERS et CORDONNIERS nous aurons à peu près fait le tour des artisans locaux.


Outre ces ouvriers sédentaires - et au gré des saisons - on voyait arriver dans le village des ouvriers ou des artisans ambulants.

L'auteur de ces lignes se rappelle avoir vu entre les deux guerres certains de ces personnages si pittoresques :

LE RACCOMMODEUR DE PARAPLUIES. Il avait une espèce de coffre qui devait mesurer environ - (mes souvenirs sont-ils fiables ?) - deux mètres de long sur un mètre de large et quarante centimètres de profondeur. L'ensemble reposait sur deux roues légères qui me faisaient penser à deux grandes roues de bicyclette. Deux poignées, une courroie passée sur son épaule et un énorme chien, genre berger allemand l'aidaient à déplacer son "atelier". Un parapluie était alors un investissement conséquent et on cherchait à prolonger son existence le plus longtemps possible. Il en existait de deux sortes "Baleines" en métal, recouvertes de tissu de coton noir, c'était là le parapluie "habillé" - Un modèle plus utilitaire, recouvert de toile de coton bleue aux "baleines" en quelque chose qui ressemblait à du roseau ou à du babou était beaucoup plus grand. Ce modèle était surtout utilisé par les gens dont la voiture à cheval genre "jardinière" n'avait pas de capote. Le raccommodeur changeait le tissu ou réparait la baleine cassée. Si le temps n'était pas trop froid, il dormait dans son coffre, au bord de la route, gardé par son chien. Il connut une triste fin : une voiture automobile le faucha dans son sommeil et il mourut dans son sommeil.

LE BOURRELIER s'installait pour plusieurs jours dans une maison du village. Il passait en principe une fois par an. Il réparait les courroies qui servaient à joindre les bœufs, il recousait les selles ou les harnais des chevaux.

L'ÉTAMEUR était aussi DINANDIER. Il signalait son arrivée dans le village par une sonnerie de trompette. Il réparait tous les ustensiles en cuivre et surtout "étamait" les objets en fer battu : couverts, casseroles, qui noircissaient à l'usage. Un bain d'étain leur redonnait pour quelques mois l'éclat du neuf. Il réparait aussi les chaudrons en cuivre qui étaient d'un usage quotidien.

LE CHIFFONNIER - MARCHAND DE VAISSELLE passait lui aussi avant la fête du village. Il récupérait ferraille, peaux de lapins, vieux chiffons, plume ou duvet, soies de porcs, tartre qui se déposait au fond des futailles etc... Il achetait tout cela à petit prix ou, plus souvent, troquait contre de la vaisselle. Tous ces articles récupérés étaient utilisés. Les soies des porcs devenaient des brosses. Les chiffons de lin ou de coton devenaient du papier ou servaient aux essuyages dans les usines. Les chiffons de laine étaient effilochées en manteaux de fourrure bon marché ou en doublures de pelisses. Les duvets s'exportaient particulièrement en Amérique du Sud. Le métier de récupérateur fut longtemps très lucratif.

LES CHAISIERS : En hiver, des Italiens passaient par groupes de deux ou trois. Un harnais retenait sur leurs épaules une grosse botte de roseaux, un petit établi et les outils utiles à la pratique de leur art. Dans chaque maison, il y avait au "bûcher" des piles de barres de châtaignier. C'était un bois très commun dans la région. Ils choisissaient de jolis rondins, sciaient, fendaient, polissaient, montaient une chaise et la complétaient par un siège en paille. Un bon ouvrier faisait deux chaises par jour.

C'est ainsi que vers 1890, un soir d'hiver, débarquèrent quelques italiens accompagnés d'un enfant d'une dizaine d'années. Il était mouillé, transi de froid ; les hommes partirent au café. Ma grand-mère donna à cet enfant des vêtements secs appartenant à un de mes oncles qui avait à peu prés la même âge, le fit manger et le coucha dans un lit bien chaud. Cet enfant s'appelait Joeph CAZALIS. Il arrivait de Venise où son père, disait-il, était officier de marine. Ayant entendu des chaisiers parler de leurs voyages, il s'enfuit de chez lui pour les suivre. Plus tard, il s'installa à Castelbajac, se maria, y exerça son métier. Jusqu'à un âge avancé, il se rappela avec émotion l'accueil que lui avait fait ma grand-mère.

LE HONGREUR traversait le village tous les quinze jours en soufflant dans une flûte de Pan. Il opérait porcs, veaux, moutons ou poulets. Pour les chevaux, on avait recours au vétérinaire.

LES CABARETIERS étaient nombreux. Ils servaient du vin blanc ou rouge, du café (dans des espèces de mazagrans en verre), de l'eau-de-vie de marc de fabrication locale. Certains vendaient aussi un peu d'épicerie. Le dernier établissement de ce type a fermé en 1970 avec le départ de la famille BOUZIGUES.

LES ÉPICIERS AMBULANTS étaient assez nombreux. Entre les deux guerres, deux d'entre eux faisaient encore leurs tournées avec des voitures tirées par des chevaux. L'un d'eux, BACQUÉ avait un long chariot bâché qui rappelait le Far-West. Il vendait du sucre, du chocolat, du sel, diverses épices, des sardines à l'huile et des harengs saurs, de la morue salée, quelques boîtes de thon et du saumon. Les fromages étaient peu nombreux : gruyère et Roquefort. Les gâteaux secs se réduisaient aux petit beurres et aux gaufrettes. Les pâtes alimentaires n'étaient utilisées que pour les repas de fêtes : vermicelle, macaroni, nouilles.

A ce chariot était arrimés :

1) - Un bidon en métal, muni à sa base d'un robinet. Chaque cliente apportait sa bouteille vide pour la remplir de "pétrole". La lampe à pétrole avait remplacé les chandelles de suif, de résine ou de cire.

2) - Une barrique en bois contenant de l'huile d'arachide. Là aussi, chaque cliente apportait sa bouteille pour la remplir au robinet de la barrique.

Le second de ces épiciers à véhicule hippomobile était l'employé d'une société fondée par une famille juive "Caïffa". La dernière guerre fut fatale à cette entreprise.

Dans les années 50, plusieurs épiciers ayant des magasins à Lannemezan, assurèrent des tournées. La population diminuant et les commerçants vieillissant, il n'y eut plus qu'un seul épicier ambulant (Dubéros) et plus d'épicier sédentaire.

En fait les ménagères faisaient du troc, les épiciers prenaient des œufs en contrepartie de leurs marchandises. Le prix des œufs était tel que chaque ménagère pouvait à peu près couvrir les frais d'épicerie avec le produit de sa basse-cour.

Jusqu'au début du siècle, chaque maison avait son four et chaque mâtresse de maison faisait le pain pour la famille. Puis on eut de plus en plus recours au BOULANGER. On lui donnait du blé et, en échange, il donnait du pain. Cette solution de facilité se généralisa et si, pendant la dernière guerre, en raison de la règlementation très stricte concernant les céréales, les fours à pain reprirent du service, ils furent vite abadonnés, la paix revenue.

DES COLPORTEURS, originaires de l'Ariège et qu'on appelait les "Saint-Gironais", passaient régulièrement, en hiver.De gros ballots contenaient des foulards de soie, des mantilles ou des écharpes en "Blonde de Grenade" (dentelle en soie noire) qui avaient passé la frontière espagnole en fraude. Mais les trésors d'Ali-Baba n'avaient rien à envier pour mes yeux d'enfant à ce que contenait une caisse fixée sur les épaules des femmes par deux courroies. Les casiers superposés révélaient des merveilles : petite mercerie (fil, aiguilles à coudre et à tricoter, ciseaux, dés à coudre), lunettes, chapelets, médailles, colliers en perles de faïence, savonnettes à la rose ou savon "le Congo" au Patchouli. Leur odeur puissante n'avait sans nul doute rien à voir avec les parfums de Grasse...

Jusqu'au début du XIX e siècle, des ESPAGNOLS venaient, pendant l'hiver, proposer leurs services. On les employait à défricher "à la pioche" des terrains que l'on souhaitait mettre en culture eu printemps suivant. Ils récupéraient les cailloux dont ils faisaient des murets à la lisière du champ ; ils arrachaient les souches des arbres qu'ils avaient abattus. Ils étaient logés et nourris par l'employeur et percevaient un salaire.

LES GITANS ont une place à part : un peu mendiants, un peu maraudeurs, un peu vanniers etc... Lorsqu'ils arrivaient dans le village avec leurs roulottes tirées par des chevaux, ils installaient leurs campement à l'abri d'un talus ou d'une haie touffue et les femmes se précipitaient, faisant du porte à porte pour troquer leurs camelote : vannerie, dentelle etc... contre de la nourriture : lard, légumes, volailles. Elles disaient la bonne aventure. Si elles étaient mal accueillies dans une maison, elles se répandaient en imprécations et menaçaient de jeter un sort !...

Pendant ce temps, les hommes avaient recupéré un peu de bois mort, allumé un feu, puis ils partaient de leur côté vers les fermes voisines pour quémander du foin ou de la paille pour leurs chevaux. Il valait mieux ne pas leur laisser l'opportunité de se servir car ils avaient une technique très efficace pour emporter une énorme charge de fourrage sur deux grosses cordes entrecroisées.

Parfois, ils donnaient un spectacle dans le préau de l'école, tous étant plus ou moins mucisiens ou acrobates ; ils faisaient aussi travailler quelques animaux : ours, chevaux, chèvres ou chiens.

Les Gitans étaient souvent voleurs de chevaux qu'ils rassemblaient dans les landes du Plateau de Lannemezan avant de leur faire franchir les Pyrénées à la barbe des douaniers. Pour pénétrer dans les écuries pendant la nuit, ils avaient un "secret". Les chiens de garde n'aboyaient pas et étaient retrouvés terrorisés.


Une P.M.E avait été fondée à Houeydets à le fin du XIX e siècle par François Castets qui se disait "USINIER". Elle fut reprise par son fils, Simon, qui, lui, se disait "industriel".

Cette entreprise avait été créée au quartier dit "Baïsolle" et sur les rives de la rivière du même nom. La chute d'eau actionnait un moulin à farine, une scierie à bois, deux batteuses : l'une pour le trèfle et l'autre pour les céréales et ... une dynamo. L'électricité produite assurait l'éclairage et le chauffage de la maison. Il y a 80 ans, deux ampoules électriques éclairaient la route à hauteur de cette maison. Avec sa petite chute d'eau, Simon Castets alimenta la commune de Lagrange en courant électrique durant plusieurs années. Il était aussi boulanger et possédait une batteuse à vapeur avec laquelle il se déplaçait chez ses clients.

LES MENDIANTS

Avant l'invention du "R.M.I" - "Fond National de Solidarité" et autres "Allocations chômage", les gens sans ressources parcouraient la campagne en toute saison mais surtout en hiver.

Par très mauvais temps, la famille étant bien regroupée autour d'un bon feu de cheminée, il n'était pas rare d'entendre marmonner à l'extérieur. Ouvrant la porte, on voyait quelqu'un qui "priait pour les défunts de la maison". On le faisait entrer, on lui faisait une place près de l'âtre ; selon l'heure et la température, on lui donnait un morceau de pain, une assiettée de soupe ou une piécette. Après leur départ, on mettait une poignée de paille ou de sarment dans la cheminée pour obtenir une grande flamme et on y passait rapidement la chaise car ces pauvres gens étaient généralement couverts de vermine.

Il est une anecdote racontée par ma mère qui donne une idée des sentiments qu'inspiraient autrefois, les pauvres. Un mendiant entre dans la cour et mon grand-père dit à maman :

"Lorsque tu verras un pauvre, tu lui donneras dix sous.
(C'était le salaire journalier d'un apprenti).

Maman prend une pièce et la tend à l'homme par la fenêtre. Mon grand-père, indigné, lui dit :

"Lorsque un pauvre se présente dans une maison, c'est le Christ qui nous visite ; si tu voyais arriver le Christ, tu irais le recevoir à la porte".

La leçon fut comprise - et, beaucoup plus tard, me fut transmise. Beaucoup de gens leur donnaient du pain. Comme ils étaient souvent édentés, ils revendaient ces croûtons rassis à mon grand-père qui les donnait aux chevaux.

Le soir venu, colporteurs et mendiants étaient hébergés pour la nuit. On préparait une bonne litière de paille dans un coin de l'étable. On prenait soin de leur confisquer briquette et allumettes qu'on leur rendait le lendemain et ils passaient une bonne nuit à la chaleur des animaux. C'était plus confortable que les ponts et les cartons auxquels sont condamnés nos S.D.F modernes.

Il était considéré comme tout-à-fait normal d'offrir à manger ou à boire à tout voyageur qui circulait à pied et avait parfois une longue route à parcourir. C'était par exemple le cas de certains voyageurs descendus du train à la gare de Lannemezan et se rendant à pied dans la région de Trie. Cela rappelle le sens de l'hospitalité si répandu encore dans des régions où les conditions climatiques sont rudes : Afrique, Arctique etc ...

Le facteur se rendait à pied de Galan à Bausolle. Il avait parfois du courrier pour des gens illettrés. C'était donc lui qui lisait les lettres et rédigeait les réponses. Dans la plupart des familles, on lui proposait un verre de vin, un café ou un casse-croûte.

LES CAGOTS :

L'histoire des Cagots, (Chrestias ou Sarrasis), ces parias, ces exclus de la société, assez nombreux au Moyen-Âge dans le Sud de la France, reste mystérieuse. Étaient-ils des lépreux ? - des gens frappés de maladies de peau (eczéma ou érésypèle par exemple). Ces gens vivant en communautés à l'écart des agglomérations étaient peut-être d'origines diverses : descendants des Maures, Aryens convertis au christianisme... etc.

Lorsque les Maures, vaincus à Poitiers par Charles Martel en 732, refluèrent vers l'Espagne, leur chef : ABD ER RAHMAN interdit à certains de le suivre. Ils étaient devenus "infidèles". Ils avaient pris goût au bon vin et aux délicieuses charcuteries des régions traversées. Ces gens se regroupèrent donc et ne s'intégrèrent pas à la population locale. Peut-être, quelques individus recherchés par la police trouvèrent-ils asile au sein de ces groupes, sorte de "Cours des Miracles".

Charles VI avait prescrit, le 7 Mars 1407, que les cagots devaient porter " patte d'oie en tissu rouge " cousues sur leur vêtements. A Lagrange, il y a une maison appelée " Pè d'auco ". A l'église, ils ne se mêlaient pas aux autres fidèles. Une porte et un bénitier leur étaient réservés. Dans l'église de Castelbajac, à côté de la porte d'entrée, un petit bénitier pourrait bien être le bénitier des cagots. Lors de récents travaux, l'encadrement d'une petite porte fut dégagé. Ce pourrait bien être la "porte des cagots", telle qu'on en trouve dans plusieurs églises de la région. Ces portes furent murées par ordre de Louis XIV qui interdit également de désigner ces gens par les mots de "cagots, chrestias, gésitains etc ... ". Comme la plupart pratiquaient les métiers du bois, ils furent alors désignés sous le nom de "charpentier" que l'on trouve dans les registres de catholicité soit descendants de cagots.

A Castelbajac, il existe une fontaine qui fut appelée "hount dets Sarrasis". Elle est connue de nos jours sous le nom de " Picharrottes ". Le " cami dets Sarrazis " reliait Burg à Castelbajac, allant du pont de la Baïse à cette fameuse fontaine. Il était fort escarpé. Un éboulement l'ayant rendu impraticable, il fut remplacé par la route actuelle et ses multiples lacets.

Il est donc permis de penser que Castelbajac eut ses "Cagots", mais la mémoire collective n'en a gardé aucun souvenir précis. Le quartier des " Herrets ", proche de " la Hount dets Sarrazis ", abritait-il des Cagots ? - C'est probable sinon certain.

ÉLEVAGE : En raison du climat, l'herbe pousse très bien, ce qui a toujours favorisé l'élevage. Chacun des habitants possédait quelques arpents ou quelques hectares de prairies. Il y avait d'immenses étendues de pâturages communaux. Anciennement, propriété des Barons de Castelbajac, ceux-ci, de temps immémorial, en ont laissé le libre usage à leurs vassaux. Ceux-ci avaient la possibilité d'en user à leur guise soit en exerçant le droit de "vaine pâture", soit en les cultivant, soit en les donnant en fermage à des communautés voisines. Cette dernière clause fut largement utilisée avec Lannemezan et Bégole. Certains villages voisins revendiquaient un droit de vaine pâture sur les landes de Castelbajac et Houeydets et cela fut prétexte à d'interminables procès avec Lagrange et Campistrous. Cela donna lieu aussi à quelques épisodes assez cocasses :

Lors d'une contestation de limites entre Lagrange et Castelbajac, le Baron, ayant mis dans ses sabots, de la terre de son château se rendit sur les lieux et dit, devant témoins :

"Je jure que je suis sur mes terres.".

Sa parole ne fut pas mise en doute.

On raconte que la maire de Campistrous était le frère du curé de Castelbajc. Celui-ci invita quelques édiles des deux communes à de plantureuses agapes au presbytère. Le vin ayant coulé à flots, les responsables de la commune de Castelbajac apposèrent leur signature au bas d'un document avantageux pour la partie adverse, et c'est ainsi que les habitants de Campistrous revendiquent des droits de pâturage sur une partie du territoire de Castelbajac en vertu d'un document, paraît-il introuvable.

Les propriétaires les plus modestes pouvaient nourrir leurs animaux sur les landes communales. Un usage voulait qu'à partir de l'automne, les récoltes étant engrangées, les animaux puissent pâturer sur tout terrain non emblavé, et ce, jusqu'à la fin de l'hiver, (généralement février). Celui qui souhaitait interdire à ses compatriotes d'exercer ce droit de pâturage, plantaient une grosse branche de houx au milieu de son champ. Dès que les premiers maïs étaient recoltés, les porcs étaient lâchés dans les bois et se nourrissaient de glands, faînes ou châtaignes. En 1839, il en a été lâché 140.

Selon l'importance de leur propriété, les habitants de Castelbajac possédaient presque tous une paire de vaches de race auroise ou gasconne. Les plus pauvres se voyaient confier par des gens plus ou moins maquignons, plus ou moins spéculateurs, des vaches à "mi-fruit" (moitié perte ; moitié profit). Ils profitaient du travail des bêtes, mais lorsqu'ils vendaient un veau, ils n'encaissaient que la moitié de son prix, l'autre moitié étant pour le propriétaire de l'animal. Ce système est dénommé "gazaille".

Dans les exploitations plus importantes, il y avait plusieurs paires de vaches et, parfois, une paire de bœufs.

Ces vaches qui étaient des bêtes de trait et n'étaient nourries que de fourrage, produisaient peu de lait mais il était très riche en matières grasses et en matières protéiques. Les veaux de boucherie étaient vendus à trois mois. Ils n'étaient pas très gros : entre 95 et 120 kilos. Leur chair était particulièrement colorée à cause du fer; très abondant dans le sol, mais cette viande était très savoureuse et, à la "Belle Époque", un boucher du XVI ème arrondissement de Paris, ne vendait que du veau acheté sur le marché de Lannemezan. Cette marchandise était particulièrement prisée par sa clientèle. Lorsque le lait de sa mère ne lui suffisait pas, le veau était suralimenté avec des œufs ou du blé cuit.

Tous les veaux ne partaient pas à la boucherie. Quelques uns restaient à la ferme et étaient destinés à remplacer vaches ou bœufs qui commençaient à vieillir. Certains éleveurs planifiaient leur élevage pour vendre chaque année une paire de bœufs ou de vaches bien dressés et en état de travailler. Cette pratique était très rentable.

Les races "Lourdaise" et "Blonde d'Aquitaine" étaient peu représentées. Leur viande était réputée moins savoureuse et elles étaient moins résistantes au travail que les Gasconnes ou les Auroises.

Chaque bête avait un nom.

Pour les bœufs, Mulet était généralement le bœuf de droite et Mascaret, celui de gauche : Castay ou Marty étaient plutôt pour les Aurois.

Pour les vaches, l'éventail était plus large : Mulette, Cardine, Barou, Gasconne, Poulide, Aubine, Soubay, Castagno. Les vaches laitières, peu nombreuses, étaient souvent appelées Piguetto.

Dans chaque village, il y avait un ou deux taureaux, lorsque une vache était "en chaleur", on la conduisait chez le propriétaire du taureau qui tirait un revenu appréciable de cette pratique. Ces bêtes étaient toujours à l'attache et, en vieillissant elles devenaient dangereuses. Leurs propriétaires finissaient toujours par être attaqués. Ils avaient heureusement, de bons chiens qui les aidaient à maîtriser le fauve.

Jusqu'à la moitié du XX ème siècle, vaches et bœufs rentraient tous les soirs à l'étable où ils étaient entravés. Dans des espaces relativement confinés, on leur faisait de bonnes litières de paille, fougères ou feuilles sèches. Cela donnait un amoncellement de fumier. Nos grand-pères avaient l'habitude de "tirer le fumier" tous les Samedis. Après quoi, il balayaient soigneusement la cour de la ferme.

Le matin, les bêtes qui s'étaient couchées sur leurs bouses, avaient leurs cuisses souillées. Selon les cas, c'était le maître de maison ou le valet qui râclait les souillures à l'aide d'une lame assez large. Généralement, les propriétaires avaient à cœur la propreté de leur cheptel.

Avec la vulgarisation du tracteur, vers 1950, le mode d'élevage changea complètement. Les bovins ne furent plus entravés et connurent la stabulation libre et le plein air intégral. Les bovins devinrent exclusivement des bêtes à viande. Il ne se créa pas de troupeau laitier. Les habitants de Houeydets et de Castelbajac n'appréciaient pas les contraintes horaires imposées par la production laitière.

Les troupeaux devinrent plus importants, jusqu'à une centaine de mères. L'insémination artificielle mise en place en 1951 fut couramment utilisée à partir de 1960. Toutefois, chaque troupeau conservait son taureau. Il y eut alors de sensibles progrès dans le gabarit et les qualités génétiques des animaux. Ce système permit à certains éleveurs de se spécialiser dans telle ou telle race : gasconne, limousine, charolaise ou blonde d'Aquitaine. Quelques uns ont persisté dans un pittoresque mélange de croisés de ces diverses races.

Pendant de longs siècles, apparaissaient périodiquement, des épizooties très meurtrières. La tuberculose, quasi-endémique dans certaines étables mal ventilées et peu ensoleillées, a disparu vers 1960.

La prophylaxie contre la fièvre aphteuse fut entreprise très sérieusement et la vaccination, obligatoire depuis le 1 er Avril 1962, fut abolie en 1992 "cette maladie n'existant plus en France". Pour la brucellose, la vaccination devint obligatoire vers 1970.

Deux cas de maladies très rares ont été observés ces dernières années : la Pasteurolose, chez un éleveur de Houeydets et le Botulisme dans un troupeau de Castelbajac. A l'heure actuelle (An 2000), il n'a été signalé aucun cas de "vache folle".

Autrefois, lorsqu'une bête malade venait à mourir, les voisins s'entraidaient pour creuser une fosse et enfouir profondément le cadavre de l'animal. On le recouvrait souvent de chaux vive. Si une vache était accidentée (patte cassée par exemple), la viande était saine. On la saignait immédiatement et chaque habitant du village en achetait quelques kilos, ce qui permettait à l'agriculteur victile de ce préjudice, de combler, en partie, sa perte.

Lorsque les vaches étaient nourries exclusivement de l'herbe qu'elles broutaient dans les prairies "naturelles" ou dans les landes et que, pendant la mauvaise saison, on leur distribuait ces mêmes végétaux séchés sour forme de foin ou de regain, elles avaient une nourriture à peu près équilibrée, grâce à la flore qui était très variée.

Le "progrès" de l'agriculture ont incité à créer des prairies dites "artificielles". Certes, le volume de fourrage augmente, mais les mélanges graminés-légumeuses laissèrent des carences chez les animaux qui devinrent plus fragiles et il fallut compléter leur alimentation avec des minéraux, des antibiotiques, des oligo-éléments etc...

La pratique de l'ensilage se développa (herbe ou maïis). Ce mode d'alimentation demande à être conduit avec précaution, un déséquilibre alimentaire pouvant avoir des conséquences graves.







          



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Entraide apportée par :
- © Madame Marthe Delas
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© Marie-Pierre MANET





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