Il ne faut pas perdre de vue qu'au Moyen-Âge la terre était clé de pouvoir et de richesse et appartenait aux châteaux. Cette répartition des terres en seigneuries et en fiefs que constitue le système féodal ou la féodalité s'étendra du X ème au XIV ème siècles.La terre donnée en usufruit (de usufruis, du latin ususfructus : droit d'usage et jouissance d'un bien dont on n'est pas propriétaire) devient donc la base de tout système de relation.
A cette époque, il y a deux sortes de propriétés ; d'une part, les "alleux" (du francique al-ôd ; al : tout et ôd : bien ; signifiant propriété complète) qui sont des terres héréditaires conservées en toute propriété, libres et franches de tous impôts et redevances ; d'autre part, les "bénéfices" (du latin béneficium ; bene : bon et facere : faire ; service, avantage procuré par quelqu'un ou quelque chose) qui sont des terres concédées à ses fidèles par le roi ou un seigneur féodal et chargées de redevances plus ou moins nombreuses, mais aussi "tributaires" (du latin tributarius : qui paye un tribut à un seigneur) ou serviles (du latin servilis, de servus : esclave) si concédées par un seigneur à des colons, manants, vilains. Les grands seigneurs attribuaient une partie de leurs terres à d'autres seigneurs qui promettaient de les soutenir et ces derniers allouaient des parties de ces terres à des chevaliers qui s'engageaient à combattre à leurs côtés en cas de besoin .
Celui qui avait reçu un bénéfice ou fief était obligé, vis à vis de celui qui l'avait concédé, soit à des services personnels, soit à des prestations en nature, en échange desquelles il pouvait compter sur la protection du donateur. La plus importante de ces obligations était celle du service militaire ou "ost" (ou encore "host", du latin hostis : ennemi). L'acte par lequel un propriétaire d'"alleu" faisait cession fictive de sa terre au protecteur qu'il s'était choisi pour la lui faire reprendre en tant que "bénéfice", avec toutes les charges et redevances la frappant, s'appelait la "recommandation". C'était donc l'acte par lequel un homme libre se mettait sous la protection d'un autre plus puissant.
La condition de ce serment de recommandation, par lequel on devenait "vassal" (du latin vassalus, vassus : serviteur), en était donc l'octroi (de l'ancien français otrei de otreier, du latin auctorare, de auctor : garant), l'action d'octroyer, de concéder. Ce serment prendra le nom d'hommage (de homme ; dans le sens de se déclarer l'homme de son seigneur) et la cérémonie qui le suivra nouera les liens vassaliques.
La formalisation de ces liens s'opérait ainsi : tête nue, sans armes, le futur vassal s'agenouillait devant celui qui allait devenir son seigneur et plaçait ses mains dans les siennes en signe d'abandon, de total don de soi ; le seigneur relevait alors son vassal et l'embrassait pour sceller leur alliance ; puis le vassal prêtait serment de fidélité, la main posée sur les livres saints, pour signifier le caractère sacré de cet engagement.
A cela suivait la cérémonie d'investiture du bien-fonds, c'est-à-dire la mise en possession du fief.
Toute propriété foncière d'une certaine étendue se composait de deux parties distinctes ; l'une, occupée par le seigneur, le maître, constituait le "domaine" (du latin dominium : propriété) ou encore manoir (du latin manere : demeurer) et, l'autre, divisée entre des personnes plus ou moins dépendantes, formait ce qui était appelé les "tenures".
La "tenure" (du latin tenire, tenere : tenir) est le mode de concession d'une terre, la relation de dépendance d'un fief par rapport à un autre et, suivant le cas, prenait soit le titre de "bénéfice" ou "fief", et dite noble, si elle était possédée par des personnes libres appelées alors "vassaux" (du latin vassalus, vassus : serviteur : homme lié personnellement à un seigneur qui lui concédait la possession effective d'un fief) soit celui de "colonie" (venant de colon, du latin colonia) ou "censive" (du latin censiva : terre assujettie au "cens", ou encore champart - de champ et de part - : prélèvement d'une partie de la récolte en redevance fixe en argent ou en nature à payer au seigneur du fief), et dite roturière, tombée en "roture" (du latin ruptura : rupture, de rumpere : rompre ; terre défrichée donc rompue ; état d'une terre n'étant plus noble) ou "servile" (du latin servilis, de servus : esclave), si elle était concédée à des colons, manants, vilains ou serfs.
La dépendance d'un fief par rapport à un autre s'appelait la mouvance (de moveir, du latin movere : mouvoir) et un fief qui était dans la mouvance d'un autre se disait arrière-fief. Celui qui tenait en roture des terres dépendant d'un fief était un "tenancier" (de l'ancien français tenance, de tenure, de tenir) soumis à une "redevance" (de redevoir, de re et de devoir : de deveir du latin debere) et celui qui tenait une exploitation (d'exploiter : d'espleitier ; du latin explicitare : accomplir puis travailler, faire valoir, tirer parti) était un "alleutier", homme libre ne relevant de personne, propriétaire d'un alleu (du francique al et ôd ; al :tout et ôd bien ; en complète propriété) libre et franc de toute redevance.
Le terme "féodalité" vient du latin féodalis, feodum et signifiant qui appartient à un fief ; le terme "fief" est transcrit du latin feudum qui a d'abord donné "feu" et signifie un domaine concédé à titre de tenure noble par le seigneur à son vassal à charge de certains services (le fief est dérivé du bénéfice carolingien) ; une "seigneurie" est une terre appartenant à un seigneur.
(© M. Pierre de Moulor)
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- M. Pierre de Moulor.© Marie-Pierre MANET