Les disparités sociales
[1] Petite cité provinciale, Tarbes n'en offre pas moins les profondes disparités sociales caractéristiques du XIXe siècle. Deux mondes extrêmes s'y côtoient sans jamais se mêler, mondes auxquels l'historien n'a qu'un accès inégal. S'il lui est facile, en effet, de retrouver les figures de la bourgeoisie capitaliste, il doit presque renoncer à connaître le groupe pourtant plus nombreux des prolétaires.
A. Les riches
Parmi les gros capitalistes, la famille Fould se détache par son rayonnement national, ce qui lui vaut d'ailleurs d'être citée par Marx lui-même dans Le Capital. Sans doute, la fortune du ministre de Napoléon III n'a pas uniquement son assiette dans les Hautes-Pyrénées, mais les biens qu'il y possède sont étendus et il saura faire profiter de son influence Tarbes et la Bigorre. D'importantes richesse, foncières ou autres, sont également aux mains de deux comtes de l'Empire, les Clarac et les Péré. A Clarac appartiennent toutes les prairies séparant la rue Massey et la rue Gondrin (Victor-Hugo) et portant, dans le plan de 1859, après un partage familial, le nom de son gendre Lacaussade. Quant à Péré, par ses propriétés et ses services, il est aussi un notable de Tarbes. Mais un exemple plus intéressant encore est celui d'Antoine Buron et de son neveu Antoine Brauhauban, qui fera de la ville de Tarbes son héritière, à sa mort, en 1877. A plusieurs reprises, Buron avait fait office de banquier pour Tarbes, prêtant à la ville, en 1830, les 34.000 francs nécessaires à l'acquisition de la maison Dastas pour servir de mairie, et quelques années plus tard avançant les 7.000 francs que coûta l'immeuble affecté à l'école primaire supérieure. Dans son testament du 13 Juillet 1849, déposé aux minutes Daléas, après divers legs, il fait de ses neveux Victor et Antoine Brauhauban, ses héritiers généraux ; et c'est finalement Antoine Brauhauban qui recueille seul cet héritage, que le notaire Theil doit liquider en 1877. La succession représente une valeur de 1.797.850 francs.
À la ville de Tarbes, sont légués des immeubles et 800.000 francs pour la construction d'une halle (halle Brauhauban). Parmi ces immeubles figure curieusement la montagne du Tourmalet, propriété de la ville autrefois et passée ensuite en diverses mains : " L'immeuble connu sous le nom de montagnes du Tourmalet et de Caderolles consiste en pâturages, landes, graviers, rochers, cours d'eau, etc... le tout contenant environ 2.121 hectares, 11 ares, 60 centiares. " Les charges qu'imposait l'acceptation de l'héritage obligèrent la ville à mettre ces terrains aux enchères. Et, le 17 Juillet 1880, la commune de Campan en devint propriétaire pour 42.700 francs. Naturellement, ni Tarbes, ni Campan ne pouvaient deviner l'essor que donnerait à cette montagne la station de ski de la Mongie.
Outre ces fortunes, on peut compter parmi les riches quelques grandes entreprises artisanales employant un nombre important d'ouvriers, signe d'un bénéfice substantiel pour le patron. Ainsi, d'après le tableau des activités industrielles tarbaises dressé par la maire en 1862, une fabrique de tricot emploie 28 ouvriers ; un atelier de tourneur, 16 ouvriers ; deux papeteries, ensemble 33 ouvriers.
Une autre catégorie sociale privilégiée est celle des propriétaires rentiers. Le recensement professionnel de 1851 en dénombre 599 et le Conseil municipal de 1848 en compte 4. Certains réapparaissent dans les listes électorales que publie, avec indication des impôts payés, l'Annuaire statistique des Hautes-Pyrénées, pour les dernières années du suffrage censitaire. 87 électeurs ont leur domicile à Tarbes en 1847, et parmi eux plusieurs propriétaires rentiers.
Une autre classe de possédants est formée par les hautes professions libérales : médecins, avocats, magistrats, hauts fonctionnaires, officiers des casernes, auxquels on peut ajouter quelques négociants. Cette classe est largement représentée parmi les électeurs et au sein du Conseil municipal. Ainsi, pour la nomination des maires et des adjoints, le Préfet propose trois noms au gouvernement et indique les revenus annuels de chaque candidat. En 1840, sont présentés, pour la fonction de maire : Ferré, avocat, 8.000 F ; Buron, propriétaire rentier, 20.000 F ; Dembarrère, propriétaire, 10.000 F. Pour premier adjoint, Daléas, notaire, 4.000 F ; Duplan, médecin, 4.000 F ; Castaignet, avocat, 5.000 F. Pour second adjoint : Douyau, propriétaire, 3.000 F ; Faget, propriétaire rentier, 5.000 F ; Vignes, médecin, 3.000 F.
Entre les riches et les plus pauvres, on peut distinguer un groupe social intermédiaire que nous qualifierions aujourd'hui de " classes moyennes ". Plaçons-y tous ceux qui jouissent de quelque aisance et que la moindre crise ne transforme pas en mendiants : commerçants et artisans utilisant quelques ouvriers, métiers moyens du secteur tertiaire, instituteurs et professeurs du collège, fonctionnaires municipaux dont le traitement atteint ou dépasse mille francs
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B. Les pauvres
Plus nombreuses, et de beaucoup, sont les classes pauvres, où l'on peut compter, en premier lieu, la masse des ouvriers, au salaire modique et souvent réduits au chômage durant la morte-saison. Le dénombrement de 1851 recense 1.322 chômeurs, en faveur desquels sont ouverts, pendant l'hiver, les ateliers de charité. Pauvres aussi sont une grande partie des artisans et autre gagne-petit qui vivent avec peine, les employés de maison, parfois mal nourris et très peu ou pas payés (731 domestiques, la plupart attachés à la personne, sont recensés en 1851), divers métiers du secteur tertiaire, gardes champêtres, gardes des places, transporteurs, employés municipaux subalternes, dont le traitement, au début de la période est loin d'atteindre cinq cents francs.
Le fait de l'émigration peut être cité comme lié aux conditions de vie. D'après le cahier d'enregistrement des passeports conservé à la préfecture pour les dernières années de l'Empire, un groupe important de Tarbais quitte chaque année la pays, à destination de Buenos-Ayres ou de Montevidéo dans la plupart des cas.
D'après le talon des passeports de 1870, 26 Tarbais sur 49 se déclarent sans profession, c'est-à-dire le plus souvent sans qualification et sans métier ; 12 autres sont artisans, sabotiers et selliers, ébénistes et tourneurs, repasseuses et couturières. Sans exclure ceux qui, sans être dans la gêne, espèrent faire fortune, se laissant séduire par des novices de la propagande, il est certain que bon nombre d'entr'eux avaient du mal à vivre chez eux. C'est ce que suggère, le 1er Avril 1849, le testament olographe de Jacques Darramon, propriétaire à Tarbes, léguant une somme de 100.000 francs dont le revenu doit être employé à procurer aux familles pauvres du département qui voudraient se rendre aux États-Unis, en Afrique de Nord, ou en Amérique du Sud, le moyen d'entreprendre leur voyage. Darramon avait passé vingt-cinq ans en Amérique et, à son retour, s'était montré étonné et affligé des souffrances d'une certaine classe de la société. Son legs était d'ailleurs aléatoire et ne devait être exécuté que si sa nièce venait à décéder sans enfants
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C. La mendicité
Malgré le progrès réalisé, la mendicité va croissant sous la Seconde République et le Second Empire, à Tarbes, comme dans la plupart des régions de France. Le dénombrement de 1851 recense 424 mendiants dans la ville et l'Intérêt public observe deux ans plus tard : " Depuis quelques temps, les mendiants sont plus nombreux. Ils étalent leurs haillons dans les rues, devant la porte de nos maisons et sur les places publiques ". De son côté, le Conseil municipal, constatant qu'un bureau de charité avait été en fonction de 1843 à 1850, décide de le reconstituer. Il établiera la liste des mendiants et renverra chez eux ceux qui sont domiciliés dans d'autres localités. Les mendiants de Tarbes seront secourus à domicile, ou envoyés au dépôt de mendicité de l'hospice, qui leur assurera le vivre et le couvert, en leur permettant de contribuer à leur entretien par le travail. Mais ces mesures interdisant la mendicité n'ont pas un succès complet et le Conseil municipal est encore obligé d'aborder la problème en 1858 : " Aujourd'hui, dit-il, c'est un débordement de mendiants plus ou moins valides, renvoyés des localités voisines et se rejetant sur notre ville, assaillant ses habitants de leurs importunités. "
L'aggravation de la pauvreté durant certaines périodes s'explique par l'analyse de la conjoncture économique. Les marchés de Tarbes, comme ceux des autres villes de France, furent témoins de hausses de prix des denrées agricoles en 1817, en 1827 et en 1837, mais les crises les plus fortes éclatèrent au milieu du siècle
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D. Les crises économiques
Durant la crise de 1846-1848, la production du blé est insuffisante et, de plus, raflée sur nos marchés par les acheteurs des départements voisins. L'hectolitre passe de 15 F en Novembre 1845 à 32 F en Mars 1847. Et la hausse du prix du blé se répercutant sur le pain, le kg de pain blanc se paye 48 centimes en 1847. Mais on est loin des flambées de prix qui portèrent, par exemple, l'hectolitre de blé à 43,40 F à Reims et le kg de pain blanc à 1 F en Alsace.
Dans le même temps, le maïs ne fait pas défaut et il s'en fait, à Tarbes, dit le Maire, une grande consommation parmi la classe ouvrière. Naturellement, il augmente, allant de 14,25 à 19 F l'hectolitre ; et de même la pomme-de-terre, qui atteint 12 F. Au total, quoique sensible, la crise ne semble pas avoir connu, à Tarbes, la même acuité tragique qu'ailleurs.
La phrase dépressive qui lui fait suite à Tarbes va de l'été 1848 au printemps 1853. Elle atteint son maximum pour le froment en Décembre 1849 (13,50 F) et pour le maïs en Juillet 1848. Le prix de l'hectolitre de pommes-de-terre se maintient entre 3 et 5 francs.
Une nouvelle crise de sous-production, longue et pénible, débute durant l'été 1853 et se poursuit jusqu'au printemps 1857. La hausse du froment s'accompagne comme ailleurs d'une hausse du prix du maïs et de la pomme-de-terre, les consommateurs se reportant sur les produits secondaires. Au cours de cette période, les records de prix semblent avoir été atteints en 1854 et durant l'été 1856, pendant lequel le prix de l'hectolitre de froment monta à 40,50 francs (soit plus du double du prix de Décembre 1849). Mais c'est la pomme-de-terre qui accusa la variation la plus forte, puisque son prix culmina à 19 francs en mai 1857, soit six fois son prix entre 1848 et 1853.
De tels mouvements contrastés des prix devaient atteindre, quoique de façon différente, l'ensemble de la population tarbaise. Celle qui vivait des produits de l'agriculture bénéficia certainement de la hausse des prix en 1846-1847, ainsi qu'entre 1853 et 1857. Par contre, elle souffrit de la dépression entre 1847 et 1853. Quant à l'immense majorité de la population acheteuse de denrées, elle fut la grande victime de ces dernières grandes crises de subsistances.
Dès 1835, dans sa note au préfet, Bertrand Barère écrivait : " Sur dix mille individus de la population tarbaise, il y en a, à peu près, la cinquième partie qui est dans le malheur et le besoin. Un indigent sur cinq individus indique une paye sociale dont une administration qui a de la prudence et le l'humanité ne doit point détourner les regards, mais qu'elle doit plutôt chercher à soulager et à guérir. "
L'effort de solidarité
A. Dons et legs
A ces grands besoins que la misère présente, quels moyens s'offrent comme remèdes ? D'abord les dons et les legs. Ils sont fort nombreux et s'adressent presque tous à l'hospice de la ville. En tête, chronologiquement, s'inscrivent deux princes, le duc d'Angoulême qui, touché de la détresse de l'hôpital avec une visite à Tarbes en 1815, envoie une somme de 6.000 francs et un peu plus tard 3.000 francs ; en 1819, le duc de Berry qui envoie de même, au préfet, une traite de 1.000 francs. Certains dons sont accompagnés d'une affectation précise. En 1818, une personne anonyme désire bâtir à ses frais un moulin pour l'hospice, sur le canal de l'Ayguerote et elle en assume les frais. Il sera supprimé en 1830, la force motrice étant insuffisante. En 1826, sont construites six loges à fous avec les libéralités de deux bienfaiteurs.
La liste des legs importants contient beaucoup d'autres noms ; celui de l'évêque Antoine-Xavier de Neirac, qui laisse 52.263 francs aux hospices des diocèses de Tarbes et de Rodez, ceux des chanoines de Campniac et Batbie, qui se souviennent que l'hôpital de Tarbes fut fondé par le chapitre de la cathédrale, les noms de plusieurs bourgeois et propriétaires, à la suite des Buron et des Brauhauban.
Le 30 Mars 1867, la commission administrative de l'hospice accepte le legs de 388,524 francs du négociant tarbais Bartalaix, à qui elle fera élever un mausolée par Nelli au cimetière Saint-Jean. Et parmi les dons modestes des Tarbais qui tiennent à réserver le part du pauvre dans leurs dispositions testamentaires, il est intéressant de citer les cent francs légués en 1841 à l'hospice de Tarbes par Bertrand Barrère de Vieuzac
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B. Aide officielle
Après les dons et les legs, l'aide officielle. Des distributions de pain sont faites aux indigents les jours de fête : sous la Monarchie de Juillet, c'est le 1er Mai et le 29 Juillet. Le 1er Janvier 1852, à l'occasion de la proclamation du Président de la République, une distribution semblable est faite, par arrêté du Préfet, sur la place Maubourguet. Et pendant le Te Deum célébré ce même jour à la cathédrale, Mme Massy fait également une quête pour les pauvres.
À l'exemple de beaucoup d'autres villes, Tarbes prend l'initiative, pendant la mauvaise saison, de créer des centres de travail, les ateliers de charité, pour procurer une occupation rétribuée aux chômeurs. Ainsi, en Novembre 1831, la municipalité décide de faire un emprunt de 15.000 francs pour exécuter des travaux urgents dans la ville et fournir un travail à la classe ouvrière. Mais le tiers de la somme ayant été accordé par l'État comme crédit extraordinaire, l'emprunt est ramené à 10.000 francs. À plusieurs autres reprises, l'ouverture de nouveaux chantiers a lieu, toujours dans l'intention de procurer du travail et du pain aux ouvriers de la ville. Une somme de 10.000 francs, par exemple, est mise par le Conseil municipal à la disposition du maire, au début de l'hiver de 1855, pour être affectée à des travaux de terrassement et à l'entretien des chaussées
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C. L'hôpital
Quoiqu'il n'ait, à l'époque qu'une modeste capacité d'accueil, l'hôpital de Tarbes est l'établissement hospitalier le plus important du département. Le chiffre moyen de sa population, au cours de la période étudiée ici, est de 200 personnes.
En Juin 1835, une nouvelle organisation des salles fait apparaître 66 lits pour les hommes (militaires et civils) et 16 pour les femmes. En 1844, l'ordonnateur relève, en chiffres ronds malheureusement, 40 militaires, 60 malades civils, 20 vieillards, puis les catégories suivantes : 4 aliénés (ils seront bientôt envoyés dans des établissements spéciaux), 17 syphilliques ou galeux, 40 enfants, enfin le personnel, 9 employés et 10 religieuses. Si l'on compte le nombre de malades soignés dans une année, ils atteignent 1.115 en 1868. Les militaires sont reçus moyennent un prix de journée payé par l'armée. Ces journées augmentant la recette, l'administration désire que le nombre de soldats soit élevé, dans toute la mesure où ils peuvent être accueillis. Mais il y aura souvent des retards dans les paiements de l'armée.
Un autre groupe important confié à l'hôpital est celui des enfants trouvés et abandonnés qui viennent, en fait, de tout le département. Ils sont au nombre de 700 en moyenne, entre la naissance et 12 ans, et 700 entre 12 ans et 21 ans. Dès leur arrivée, ils sont mis en nourrice à la campagne jusqu'à sept ans moyennent une allocation pour les mois de nourrice, qui va, en raison inverse de l'âge, de 8 francs pour la première année, à 4 francs pour la septième. En 1826, la Commission administrative décida qu'à sept ans, les enfants seraient centralisés à l'hôpital, mais les familles pourraient les garder gratuitement, en raison des services qu'ils pourraient rendre : décision astutieuse et qui s'avéra bénéfique tant pour l'hôpital que pour les enfants et les familles qui souvent les adoptèrent. Sont donc centralisés à l'hôpital, à partir de sept ans, les enfants malades ou infirmes dont le nombre (de 50 à 100) entre en ligne de compte pour la population de l'hôpital. Une moyenne de 8.000 francs est nécessaire à leur entretien annuel, tandis que plus de 40.000 francs sont votés chaque année par le département pour les enfants en nourrice.
Après 12 ans, les enfants trouvés sont placés, soit chez les cultivateurs, soit en apprentissage chez des artisans, et l'administration de l'hôpital veille sur eux jusqu'à qu'ils soient établis.
Cette commission administrative, qui dirige l'hôpital, est présidée par le maire, et ses membres, des notables tarbais, désignent l'un d'eux pour assumer les fonctions d'ordonnateur, passer des traités avec les fournisseurs, engager les dépenses ordinaires, assurer la marche de la maison, en accord avec le trésorier et les Sœurs, qui sont à la tête de divers services. Pendant vingt-cinq ans (1789-1814) les finances avaient été aux abois et on avait connu la misère. Très vite, grâce à la générosité des dons, aux appels des administrateurs et à l'habileté de leur gestion, la situation commença à s'améliorer. Les recettes étaient formées par les rentes des capitaux placés, le produit du dépôt de mendicité, les journées des militaires, les revenus des terres de l'établissement, la part des concessions au cimetière, les allocations du Conseil municipal et de Conseil général, les secours demandés au gouvernement. Le budget annuel, qui n'était en 1813 que de 11.226 francs, approcha de 100.000 francs à partir de 1830 et souvent les dépassa après 1850. On put réaliser, au cours de la période dont nous parlons, des améliorations très utiles : achat de bandes de terrain, de jardins et de maisons confrontant à l'hôpital et qui agrandiront son domaine, construction de nouvelles salles pour diverses catégories de pensionnaires et d'une salle de chirurgie, éclairage au gaz en 1861. Le niveau de vie, si l'on peut dire, progressa pour les malades, puisque compte-tenu du renchérissement du coût des denrées, les frais de nourriture et d'entretien, qui étaient de 38 centimes par jour en 1852, montèrent à 58 en 1866 et à 90 en 1870.
Selon toutes ses possibilités, multipliées par le désintéressement des employés et des administrateurs, comme en font foi les Registres des délibérations, l'hôpital a soulagé la misère et la maladie et rempli très honoralement sa mission
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D. Associations
Plusieurs associations charitables viennent pallier l'insuffisance des organisations officielles. L'œuvre de la Miséricorde remonte à 1842 pour la paroisse St-Jean et à 1843 pour la paroisse de la Sède, d'après les statuts imprimés à ces deux dates. Elle groupait primitivement les dames charitables de la ville qui par leurs cotisations et par des quêtes, réunissaient des ressources distribuées ensuite aux pauvres qu'elles visitaient à domicile. En 1854 arrrivent trois filles de charité qui vont développer cette œuvre et qui retrouvent, à Tarbes, la communauté de l'hôpital. Elles se fixent dans la rue des Francs-Maçons (aujourd'hui Saint-Vincent de Paul) où l'évêque Laurence acquiert pour elles un immeuble dont elles auront d'abord la jouissance et, en 1927, par la vente que leur fera le Bureau de Bienfaisance, la pleine propriété.
Un orphelinat, dès 1859, puis une école et un ouvroir y seront ouverts. En ce même local aura son siège la conférence de Saint-Vincent-de-Paul, créée à Tarbes par Laurence en 1847 : elle y conquit très vite l'estime et la confiance publique.
Une création spécifiquement tarbaise est l'Institut Saint-Frai, dû à la générosité de Marie Saint-Frai (c'est son nom de famille), qui accueille chez elle des pauvres pour les soigner, et qui s'adjoint des auxiliaires bénévoles, sans avoir, à l'origine, la moindre idée de fonder une congrégation. C'est le chanoine Ribes et Mgr Laurence qui la persuaderont que l'émission des vœux, en resserrant les liens entre les collaboratrices, favorisera son œuvre. La fondation est de 1866 et le décret d'autorisation porte la date du 19 Juin 1867. En envoyant au gouvernement l'avis favorable du Conseil municipal, la maire de Tarbes ajoutait : " Il serait juste que l'établissement conservât le nom d'Asile Saint-Frai, du nom de la fondatrice. " L'asile reçoit des vieillards et des incurables indigents et sans famille. Restant toujours présente dans l'immeuble agrandi qui fut son berceau, la congrégation a essaimé en plusieurs départements du Midi, en Belgique, en Egypte, au Liban et à Jérusalem.
A ces œuvres peut être ajouté le Refuge, inauguré, rue Mesclin, en 1845 et qui a pour mission la préservation morale et le relèvement des femmes et jeunes filles. Pourvu de vastes locaux par Laurence et confié aux Sœurs de Saint-Joseph de Cantaous, il sera relayé, en 1873, par une école privée et un pensionnat
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E. Secours mutuels
La vogue et la multiplication des Sociétés de Secours Mutuels sont aussi un des traits de l'époque : elles s'expliquent par le sentiment aigu de la solidarité, mais d'abord assurément par le fait de l'insécurité devant la misère générale. Le vieille confrérie de Sainte Europe, établie à Saint-Jean depuis le XVIe siècle, s'organise en même temps en société de secours mutuel. " Elle a pour but spécial de fournir aux membres qui en font partie des secours en leurs maladies. ", etc... La liste de membres, que contient le Manuel de 1852, montre qu'elle s'adresse aux classes populaires, aux artisans surtout ; sur 64 noms de sociétaires, on trouve 10 tailleurs, 7 jardiniers, 5 tisserands, 5 brassiers, 3 cordonniers. Une autre Société de Secours Mutuels est placée sous l'invocation de Saint-Jean-Baptiste ; fondée à Tarbes en 1822, réorganisée en 1858, elle impose à ses membres de se secourir mutuellement en état de maladie et d'infirmité. Là encore, les secours distribués, un franc par jour attribué aux malades, indiquent qu'elle recrutait parmi les petites gens. Dotée d'une organisation minutueuse, elle revêt un certain caractère officiel, car ses statuts sont approuvés par le gouvernement qui nomme aussi le président ; d'autre part, elle s'apparente aux sociétés secrètes, et tout sociétaire qui divulguerait les dispositions de la société serait rayé du contrôle. L'ampleur de l'association dut être grande, car le règlement prévoit que le nombre de membres ne dépassera pas cinq cents, à moins d'une autorisation spéciale de M. le Préfet. La compagnie des sapeurs-pompiers de la ville, en 1855, se forme elle même en société de secours mutuels sous l'invocation de Sainte-Barbe.
F. Ecoles gratuites
La misère matérielle étant un obstacle à l'instruction, il faut mentionner ici plusieurs écoles gratuites fondées à Tarbes, en faveur des classes pauvres de la société. Les Sœurs du Saint-Nom de Jésus, en 1827, viennent relever les anciennes Urselines et ouvrent une école pour les filles, dans la rue des Petits-Fossés. En 1834, les filles de la Croix de Saint-André fondent, à leur tour, au Pradeau, une école successivement accompagnée d'un ouvroir, d'un pensionnat, d'un orphelinat (jusqu'en 1859) et en 1860 d'une salle d'asile, accueillant les enfants en bas âge. La même congrégation est appelée par la municipalité à Sainte-Thérèse, où s'ouvriront, en 1848, une salle d'asile et un peu plus tard une école.
De même pour les garçons. En 1840, une école est fondée, rue de Pau, par es Frères des écoles chrétiennes, grâce à la générosité du chanoine Batbie, qui fournit le local. Et la municipalité demande aux Frères l'ouverture d'une autre école, qui est devenu le C.E.S. Desaix, dans la partie orientale de la ville. Les deux écoles seront subventionnées par la municipalité. D'ailleurs, au lycée et à l'école primaire supérieure, le Conseil municipal imposera également l'accueil d'un nombre déterminé d'élèves " gratuits. " D'autres cours apparaissent, à la fin de la période ; un cours d'adultes, tenu à l'école normale, au profit des cavaliers de la remonte ; de même, pour les ouvriers, des cours du soir, organisés dans une salle de la mairie, avec le concours bénévole de plusieurs professeurs.
La multiplicité des initiatives et des institutions qui viennent d'être relevées est le signe d'un effort positif très réel pour combattre la misère en ses aspects matériels et moraux les plus divers. Mais elle ne doit pas cacher l'immense étendue des besoins qui se manifestaient et dont la plupart ne furent que très imparfaitement satisfaits. Les moyens limités qui étaient à la disposition des Tarbais à cette époque préindustrielle ne permettaient pas qu'il en fût autrement.
J.-B. Laffon
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