de Marie-Pierre Manet |
[1]Dans la collection " Histoire des diocèses de France " vient de paraître " Histoire du diocèse de Tarbes et Lourdes ".Le premier chapître, " Les temps Anciens ", qu'étudie M. Larrieu, s'efforce de nous donner les origines du diocèse. Reste toujours controversé l'emplacement du chef-lieu : oppidum de Saint-Lézer ou oppidum gallo-romain, près de Tarbes. Faute de textes précis et de vestiges archéologiques, cette période reste confuse. Un fait paraît certain : au VIe siècle déjà, et même avant, le diocèse existait et Aper est le premier évêque connu de la Bigorre.
Le Moyen-Âge est mieux connu. À cette époque, écrit M. Mangin, Tarbes est bien le siège de l'évêché, qui occupe l'extrémité ouest de la ville : le quartier de la Sède avec cathédrale, cloître, demeure des chanoines. Les limites et divisions du diocèse sont bien connues. Il comprenait huit archidiaconés. Les monastères étaient : Saint-Savin, Saint-Pé-de-Bigorre, Saint-Sever-de-Rustan, Larreule, Saint-Lézer, l'Escaladieu ; deux ordres militaires : les Hospitaliers et les Templiers. La vie religieuse semble active, les chemins de Saint-Jacques traversent la région, le Culte marial est en honneur. Archaisme et traditionnalisme, ainsi, M. Mangin définit la vie religieuse en Bigorre au Moyen-Âge.
Le XVIe siècle est appelé " calamiteux " par M. Soulet : le diocèse fut ravagé par les combats qui opposèrent Huguenots et Papistes. Mais surtout sévit une grave crise spirituelle et morale. L'épiscopat est le monopole de la famille d'Aure-Gramont et le système de succession explique l'indignité du coprs épiscopal : les évêques ne font que passer dans leur diocèse. On note un relâchement des mœurs également dans les communautés séculières et régulières. Le protestantisme ne pénétra que faiblement en Bigorre. C'est par le Béarn que les influences protestantes s'introduisirent. Les guerres de religion furent très violentes (songeons au siège de Rabastens). Des mesures furent prises en 1568 pour fortifier le catholicisme face à l'hérésie protestante. Un témoignage de foi également : la vitalité de l'art religieux en Bigorre au XVIe siècle.
Au XVIIe siècle, la renaissance catholique fut lente et modeste en raison du contexte de l'époque soumis à divers fléaux influant dans les mentalités, écrit M. Soulet. Le clergé diocésain s'améliore avec l'épiscopat de Salvat d'Iharse II. Monseigneur de Poudenx contribua à l'introduction du maïs en Bigorre. Songeait-il par ce moyen à réduire les famines ? Cette période est marquée par le renouveau pastoral, l'implantation de nouveaux ordres religieux ; les Urselines et les Capucins. Les minimes s'établissent à Vic-Bigorre. En 1670, l'évêque Marc Mallier du Houssay confie le collège de Tarbes aux Doctrinaires.
La fin de l'Ancien Régime est l'œuvre de M. Castex (1712-1789), Remarquons la formation du clergé du diocèse par les Doctrinaires. Les évêques du XVIIIe siècle appartiennent à la noblesse ; ils seront des gentilhommes, amis des lettres et des arts. Le clergé va se recruter un peu dans la noblesse, tandis que s'organise une système de détournements des revenus de l'Église avec l'institution des abbés Lais. On peut remarquer un certain recul de la vie monastique. Le diocèse n'a pas connu l'influence jésuite, il suit les Doctrinaires, dont le rôle ne cessera de grandir à la veille et au cours de la Révolution ; les idées nouvelles se propagent.
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La seconde partie de l'ouvrage est intitulée : " Dans le nouveau cadre départemental ". Le diocèse va calquer sa nouvelle structure sur celle du département. Ce chapître dû également à M. Castex, reprend dans son ensemble l'histoire du diocèse sous l'épiscopat de Mrg de Gain-Montaignac. Celui-ci refusant de prêter serment à la constitution civile du clergé, va quittter Tarbes pour s'exiler à Montserrat. Molinier, doctrinaire, sera élu évêque constitutionnel. Le diocèse a été jureur dans l'ensemble. L'évêque constitutionnel sera bientôt dépassé par les évènements. Vers 1802, un certain apaisement de fait. Les constitutionnels auront la meilleure part. Une page de l'histoire religieuse du diocèse était tournée, un efffort pour regénérer l'église constitutionnelle est tenté et c'est ce que montre excellement M. Castex.
La réorganisation concordataire est due à la plume de M. Soulet. En 1802, les départements des Landes, des Hautes et des Basses-Pyrénées étaient attribués au diocèse de Bayonne dont le nouvel évêque était Joseph-Jacques Loison. Molinier renonçait au siège épiscopal, Gain-Montaignac avait démissionné en 1801. Le but de Mgr Loison fut " la réunion des pasteurs et des brebis dans le même bercail ". " Le Concordat s'exécute, la conduite des prêtres est en général régulière et louable ". C'est une " remise en ordre, une régénération ". A. M. le Chanoine Laffon revenait la mission de traiter du rétablissement, et de l'essor du diocèse. 1823 : date où le diocèse de Tarbes est rétabli ; 1875, date où sont votées les lois constitutionnelles et où la République s'installe. Sous l'épiscopat de Mgr de Neirac, premier évêque de cette époque, on assiste à une sévère réaction monarchique et religieuse. Malgré sa rudesse, son épiscopat fut positif. Le nom de Laurence domine toute la période de 1833 à 1870. C'est lui qui a rétabli avec bonheur la prospérité de ce diocèse ébranlé par la tourmente révolutionnaire. Les sanctuaires de la Vierge furent rendus à la piété des fidèles : Garaison, Héas, Poueylaün. L'Abbé Francez a donné une très bonne géographie mariale du diocèse et il n'est que de se rapporter à l'excellente carte de M. Crabot à la fin de l'ouvrage pour situer les différents sanctuaires mariaux. Mgr Laurence meurt à Rome le 30 Janvier 1870, c'est le fin d'une époque, avec l'arrivée au pouvoir des " républicains " et les luttes religieuses vont reprendre à la ville, au village surtout, entre le curé et l'instituteur.
Les difficultés de la Troisième République, de 1875 à 1918, sont étudiées par Mme Bellier qui relève les nombreux épisodes des luttes anticléricales et la difficile adaptation du diocèse au régime de la Séparation. Le radicalisme, dans les Hautes-Pyrénées, va s'opposer à l'idéal religieux. En 1912, Mgr Schoepter peut ajouter le titre d'évêque de Lourdes à celui de Tarbes. La presse catholique défend les libertés religieuses. Le plus violent journal antireligieux reste " le Dépêche ".
Il appartenait à M. le Chanoine Laffon d'étudier le diocèse durant la période contemporaine. Un très grand prélat, Mgr Gerlier (1929-1937), fervent promoteur de l'action catholique domine cette époque par son éloquence et son rayonnement. Le contexte politique est nouveau. Des républicains modérés, comme le bâtonnier Fourcade et Émile Mireaux, apparaissent sur la scène politique départementale. De l'union sacrée, des sacrifices consentis, il résulte une meilleure compréhension. Les catholiques vont s'intégrer plus profondément à la vie nationale. La seconde guerre mondiale correspond à l'épiscopat de Mgr Choquet (1938-1946). Il préconisa la soumission au gouvernement de Vichy, mais les catholiques se divisèrent, certains apportant leur concours à la résistance, comme le maire de Tarbes M. Trélut. Le diocèse d'aujourd'hui, de 1945 à 1970, est marqué sur le plan économique, par une évolution du département dans le domaine agricole et industriel et sur le plan religieux par l'épiscopat de Mgr Théas. M. le Chanoine Laffon donne un portrait de l'évêque dont il fut un des proches collaborateurs. Les lecteurs retrouveront la figure et l'action d'un grand évêque, qui, au long d'un épiscopat de 24 ans, déploya une immense activité.
La fin du chapitre contient quelques enquêtes de sociologie religieuse, suivant la méthode de M. Gabriel Le Bras, enquête suivie d'une carte de la fréquentation religieuse, également due à M. Crabot. On peut y voir les pourcentages de la pratique religieuse par classes d'âge, les chiffres indiquant la baisse des vocations sacerdotales, les origines sociales des religieuses. Vingt pages sont consacrées à Lourdes qui, comme l'écrit le R.P. Billet, est une des gloires du diocèse. Ces pages retracent l'histoire des apparitions, histoire de l'approbation épiscopale, les premières processions, l'essor des pélerinages de 1871 à 1900, l'œuvre des différents évêques. Ceux qui voudront aller plus avant auront recours aux travaux historiques du Père Laurentin. Son œuvre approfondit le fait de Lourdes, au point de vue doctrinal et historique. Reste à signaler à la fin du volume la longue liste des évêques, celle des saints, une bonne bibliographie.
On a souvent dit qu'on ne peut bien comprendre l'histoire d'une époque, d'une région, sans en connaître l'histoire religieuse. Ce travail comble donc une lacune et reste fort précieux : travail dense, dans lequel les auteurs ont su dominer leur riche matière, dégager les " temps forts ". Nous retrouvons dans cette synthèse collective le travail d'une équipe et le fruit d'anciennes recherches : celle du Chanoine Dantin, de l'Abbé Francez notamment, les résultats de nouveaux travaux comme ceux de M. Soulet, dans sa thèse toute récente.
Le diocèse a désormais son histoire, cet ouvrage a sa place dans toutes les bibliothèques, car ce sont près de vingt siècles de notre histoire de Bigorre qui sont mis à la portée du grand public. Que le maître d'œuvre et ses collaborateurs en soient remerciés.
Roger Massio
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