Les routiers pyrénéens
Hautes-Pyrénées
département 65.


(Archives Départementales des Hautes-Pyrénées)



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En ce qui concerne le Béarn, la question des routiers pouvait d'abord se présenter comme une affaire d'ordre interne. Épargnés par les épidémies, les famines et dans une large mesure, par la guerre, Béarnais et Fuxéens n'en éprouvaient, cependant, pas moins le besoin de courir l'aventure. Ce qui frappe à la lecture de Froissart, c'est l'excès de vitalité que manifestaient alors les états du Comte de Foix. Dès le commencement des guerres d'Espagne, certains béarnais passèrent au service de la Navarre, tel le seigneur de Lescun qui défendit Pampelune contre les Castillans ; d'autres, dont les origines pyrénéennes ne font pas de doute choisirent le parti français, tel Garsis du Chastel.

Aussi, les pays du piémont et en particulier le Béarn, passaient-ils pour un réservoir d'hommes d'armes. En 1385, à la suite des querelles suscitées par la succession du Portugal entre Jean I de Castille et Don Juan , grand maître de l'Ordre d'avis, le roi de Castille sollicita l'aide des chevaliers étrangers : "...et par especial dou pays de Berne en la conté de Foies car la avoir grant foison de bons chevaliers et escuiers qui armoient les armes et qui ne savoient ou emploier".

Dans un petit pays pauvre, où la guerre entravait moins qu'ailleurs la démographie, toute une petite noblesse besogneuse, tous les bâtards et les cadets étaient tentés par l'aventure. Elle n'attirait pas seulement les petits hobereaux de campagne, mais aussi les gens du peuple. La crise sociale, aggravée par la guerre interminable prolongeait la guerre. Gaston Fébus regretta longtemps ce sang versé en vain et en 1387, il déclarait à Gaucher de Passac : "Messire Gauchier, maucdites soit trop bien plaindre car onques je ne perdy tant à toutefois...car toutes mes bonnes gens d'armes du pays de Berne sus une saison y furent mort".

De tels regrets s'expliquent uniquement parce qu'il cherchait à disperser le moins possible les forces dont il avait besoin pour réaliser ses desseins. Réservant la noblesse et les milices locales à la défense des états comtaux. Gaston Fébus ne se fit pas faute d'utiliser les services des routiers pour harceler ses voisins. La plupart du temps, le Comte se battit par personnes interposées ; que l'on rencontrât nombre de béarnais dans les routiers à sa solde ne change rien au fait.

Par les louches transactions de Mazères et de Pamiers (novembre 1362), Fébus avait réussi à tromper Arnoul d'Audrehem et à enrôler à son service la bande du Petit Méchin. Cette troupe joua un rôle certain à Launac ; mais en contribuant à démembrer la Grande Compagnie, le Comte avait compromis l'évacuation de Languedoc et aggravé la confusion dans le Midi. Tout au long du conflit avec l'Armagnac, le Comte ne cessa d'employer les routiers. En 1362, il les jeta dans le Comminges où ils s'emparèrent de Saint Farjou. Dès 1369, les troupes comtales soutenues par les Compagnons de Lourdes, mirent à sac le vicomté de Tartas, l'Albret de Sabres et le Bazadais. De 1369 à 1374, les chevauchées se succédèrent dans le quadrilatère Villandrault, Houeilles, Casteljaloux et Meilhan ; elles se poursuivirent en 1380, 1382 et 1388.

La conclusion de la paix avec l'Armagnac ne signifia pas l'abandon des Compagnons par Fébus, bien au contraire, puisque Pierre-Arnaud de Béarn fut nommé lieutenant général en Marsan pour le Comte de Foix. Le 12 novembre 1379, l'entente secrète qui liait le Comte aux Compagnons devint une alliance formelle. L'accord fut signé à Lourdes entre Jean de Béarn, trente neuf Compagnons et le Comte de Foix : "sapiens totz que jo johan de Bearn ab totz los compahons de Lorde...ab lo trop noble et poderons senhor Gaston conte de Foix et senhor de Béarn".

Désormais, les Compagnons de Lourdes partageraient la moitié du butin en nature, les pièces en vin, les céréales, les pâtis et le revenu de sauf-conduits avec le Comte. Aussi la protection de ce dernier assurait, fort cher, par ailleurs, aux villages bigourdans, était-elle illusoire. Le Comte restait de connivence avec les routiers ; ou bien il laissait les Compagnons terroriser les populations, ou bien il pillait ouvertement pour son propre compte. Lorsque excédées celles-ci faisaient appel aux garnisons du Comte, celui-ci partageait les pâtis (somme versée par les villages pour se racheter) avec les Compagnons. Ces derniers lui servaient d'épouvantail et le rendaient indispensable.

Rien ne montre plus clairement cette collusion entre le Comte de Foix et les routiers que les ravages exercés dans les paroisses proches de Casteljaloux entre 1381 et 1383.




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© Marie-Pierre MANET








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